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Cohabitation suspecte

« Qu'en a pensé votre frère, qui n'a pas co-écrit le livre avec vous ? » (à propos de l'adaptation au cinéma du livre de Joseph Joffo Un Sac de billes.)
(Claire Bommelaer, sur lefigaro.fr, le 18 janvier 2017)

 

 

 FlècheCe que j'en pense


Un lecteur de ce blog(ue) m'interpelle en ces termes : « Que pensez-vous de cette tournure dont les médias abusent : co-écrit avec... Le préfixe co- signifiant "avec", ne devrait-on pas dire simplement "écrit avec" ? »

Précisons tout d'abord que ledit préfixe se joint d'ordinaire sans trait d'union − pourquoi faire compliqué quand les spécialistes de la langue, une fois n'est pas coutume, nous autorisent à faire simple ? (1) − au mot avec lequel il entre en composition : coaccusé, codirecteur, coefficient, coéquipier, coexistence, cofondateur, colocataire, copilote, copropriétaire, coreligionnaire, coïncidence, coïnculpé (notez le tréma quand le radical commence par un i, pour éviter une prononciation fautive) and co.

Venons-en à la question de mon correspondant. Certes, lui répondra-t-on bille en tête, il y a pléonasme entre le préfixe co- (hérité du latin cum, « avec »), qui exprime l'association ou la simultanéité, et la préposition avec, qui introduit la relation. Partant, la langue soignée veillera à donner pour sujet au verbe coécrire l'ensemble des auteurs ayant travaillé à la rédaction d'un ouvrage, d'un texte, d'une loi : Ces deux chercheurs ont coécrit plusieurs publications scientifiques (de préférence à Ce chercheur a coécrit plusieurs publications avec son collègue). Toutefois, lit-on dans le Grand Dictionnaire universel Larousse (1866) à propos de la construction analogue coexister avec (2), « cette faute est autorisée par l'usage »... et depuis longtemps consacrée par l'Académie elle-même, qui n'hésite pas à écrire dans la dernière édition de son Dictionnaire : « L'homme a coexisté en Europe avec des espèces aujourd'hui disparues comme le mammouth et l'aurochs. » Il faut croire que notre grammaire, si souvent décriée pour ses infinies subtilités, a naturellement tendance à fermer les yeux sur les redondances de ce genre. Voilà qui est pour le moins... co-casse !

(1) L'Office québécois de la langue française préconise toutefois d'utiliser le trait d'union quand l’élément qui suit co- est un nom composé : « Ce parti politique vient d’annoncer le nom de son nouveau co-porte-parole. »

(2) Certes, le verbe coexister − à la différence de coécrire − est directement emprunté du latin (coexsistere, « exister ensemble ») si l'on en croit le TLFi, mais il « est senti en français moderne comme dérivé de exister, préfixe co- ». À tel point que le Dictionnaire historique de la langue française se croit autorisé à affirmer que « exister a fourni le préfixé coexister ».

 

Flèche

Ce qu'il conviendrait de dire


Qu'en a pensé votre frère, qui n'a pas écrit le livre avec vous ?

 

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