« Je ne suis pas du genre cochonne. »
(publicité pour la marque Bordeau Chesnel, août 2013)
Ce que j'en pense
Selon le Dictionnaire historique de la langue française, « genre suivi d'un adjectif ou d'un nom attribut constitue un tour à la mode : un mec genre bobo ». Rien d'étonnant, dès lors, à ce que le roi des rillettes à la mode du Mans en vienne à nous servir une publicité (du) genre cochonne.
Et c'est bien ce cochonne-là qui nous en bouche un... groin. De fait, comment ne pas se sentir déstabilisé par l'accord avec le sujet – en l'occurrence féminin – quand celui-ci est attendu au masculin singulier, avec genre ?
Inutile de se précipiter ventre à terre sur les ouvrages de référence (*) qui, à ma connaissance, ne font pas leurs choux gras de la question... de genre. Il y a pourtant fort à parier que certains seront tentés d'établir une analogie avec la construction avoir l'air suivi d'un adjectif, dont l'accord se fait avec le sujet ou avec air selon que l'on privilégie le sens de « sembler, paraître » (auquel cas, il est possible d'intercaler le verbe être entre avoir l'air et l'adjectif) ou celui de « physionomie, allure, expression » : Elle a l'air (d'être) enceinte mais Elle a l'air fin (fin se rapporte à air).
Loin de moi l'intention de faire ma tête de cochon, mais j'avoue n'être guère enthousiasmé par l'idée d'accorder (par syllepse) l'adjectif qui suit être du genre avec le sujet, sous le prétexte que l'on aurait affaire à une locution figée qui marquerait un renforcement du verbe être, du genre... être du genre (à être) ; pour ma part, j'aurais plutôt tendance à privilégier l'accord grammatical immédiat avec genre dès lors qu'il est question de souligner l'appartenance à une catégorie (groupe de personnes ou d'objets présentant des caractères communs) : Elle est du genre gourmand (entendez : elle relève de l'espèce des gens gourmands). Il n'en reste pas moins vrai que, dans sa construction familière sans préposition (Un homme genre distingué), genre s'apparente à un adverbe proche d'« assez » ou de « plutôt ».
Est-il utile de préciser que seul l'accord avec genre est de mise après être d'un genre : une épreuve d'un genre nouveau (et non d'un genre nouvelle) ?
(*) Mon Robert illustré 2013 mentionne seulement la construction genre suivi d'un nom ou d'un adjectif en apposition : le genre bohème, le genre artiste. Il est à noter que l'idée même d'apposition suppose – au moins dans cette construction – l'accord de l'adjectif avec genre.
Voir également le billet Avoir l'air.
Ce qu'il conviendrait de dire
En l'absence de caution 100 % pur porc, je suis comme une truie qui doute (pour reprendre le titre d'un livre du regretté Claude Duneton). Je vous laisse donc le choix du genre, quitte à passer pour une truffe.