« [Sergueï Magnitski] avait dénoncé en 2007 une affaire de corruption, de détournement de fonds et de blanchiement par des fonctionnaires et des membres des forces de police » (à propos du juriste russe, photo ci-contre, reconnu coupable d'évasion fiscale quatre ans après son décès en prison).
(paru sur lexpress.fr, le 11 juillet 2013)
(photo Wikipédia sous licence GFDL par VOA)
Ce que j'en pense
Grande est la tentation d'ajouter un e (voire un accent circonflexe, comme le fit un temps l'Académie) au i de blanchiment par analogie avec les verbes en -ier : renier → reniement, rapatrier → rapatriement, etc. Après tout, le Dictionnaire historique n'évoque-t-il pas contre toute attente l'existence d'un ancien verbe blanchier, depuis longtemps tombé en désuétude ? Il n'empêche : l'origine de notre substantif se situe plus vraisemblablement du côté de blanchir, à la sonorité moins ingrate. Il est en effet couramment admis que ledit verbe possède deux dérivés en -ment : blanchissement (formé sur le modèle avertir → avertissement) et blanchiment (formé sur le modèle assortir → assortiment), qui ne saurait s'accommoder du e caractéristique des substantifs issus des verbes du premier groupe.
À la décharge de notre journaliste, reconnaissons que la dérivation n'est pas un procédé cousu de fil blanc, comme en témoigne cette mise en garde de Vaugelas : « Remerciment se doit aussi écrire et prononcer remerciment, et non pas remerciement avec un e après l'i. Agrément, de même, et non pas agréement. » Quand les choses auraient été depuis régularisées (remerciement l'a finalement emporté sur remerciment), force est de constater que l'on continue d'écrire agrément (pourtant dérivé de agréer) et châtiment (pourtant dérivé de châtier) au mépris de toute logique.
Pour en revenir à nos blancs moutons, précisons encore que le blanchiment – sans e intercalaire, donc – est l'action de blanchir ce qui n'est pas naturellement blanc (un plafond, un tissu, un légume, voire des dents) ou, au sens figuré, ce qui est d'origine douteuse (l'argent de la drogue), quand le blanchissement est le fait de devenir blanc de façon naturelle (le blanchissement des cheveux, du ciel). Est-il utile de préciser que cette distinction n'a pas toujours prévalu ? Pour Littré, blanchissement et blanchiment, c'était bonnet blanc et blanc bonnet, depuis qu'il considérait – sans doute à tort – celui-ci comme la syncope de celui-là. Quant à l'Académie, elle ignora le premier jusqu'en 1992, attribuant au seul second l'action de blanchir et son résultat. Même flou observé au sens figuré, où l'on a parlé indifféremment de blanchissement ou de blanchiment à propos d'argent frauduleusement acquis, mais uniquement de blanchissement dès lors qu'il était question d'innocenter une personne.
De là à donner un chèque en blanc à notre journaliste pour décider de la graphie de notre substantif verbal...
Remarque : Blanchissage se dit surtout du lavage du linge (en plus du raffinage du sucre).
Ce qu'il conviendrait de dire
Une affaire de corruption, de détournement de fonds et de blanchiment (d'argent).