Il y a bailler, bâiller et bayer : bailler des coups, bâiller d'ennui et bayer... aux corneilles !
Dans cette dernière expression, qui signifie « regarder niaisement en l'air, bouche bée », bayer est une ancienne forme du verbe béer, lequel a donné les adjectifs béant et bée (bouche bée), le verbe ébahir, et les noms badaud (par l'occitan badar), bégueule et baie.
On se gardera de confondre ce verbe avec ses homonymes bâiller (avec un a long ; « ouvrir involontairement la bouche de fatigue » et par analogie « être entrouvert, mal ajusté », d'où le nom dérivé entrebâillement) et bailler (ancien verbe signifiant « donner » que l'on retrouve dans bailleur de fonds).
Bayer : bouche ouverte et immobile
Bâiller : bouche en mouvement
Comparez : Il a bayé aux corneilles pendant tout le cours de mathématiques (= il a rêvassé) et Il a bâillé pendant tout le cours de mathématiques.
Dans les deux cas, il semble que l'ennui se soit imposé...
Remarque 1 : Pourquoi les corneilles, me direz-vous ? Certains avancent qu'elles désignaient autrefois non seulement les petits volatiles, proies sans grand intérêt pour les chasseurs, mais également les fruits du cornouiller, peu appréciés en raison de leur saveur aigrelette. Aussi bayer aux corneilles pourrait avoir signifié à l'origine « perdre son temps, la bouche ouverte, à contempler des choses insignifiantes, sans importance ».
Remarque 2 : Bâiller a pour dérivés bâillon et bâillonner. Essayez donc de bâiller, un bâillon appliqué sur la bouche... bée !
Remarque 3 : L'expression vieillie la bailler belle à quelqu'un signifie « chercher à en faire accroire à quelqu'un » (Vous me la baillez belle, vous me la baillez bonne).
Qui a dit que Corneille fait bâiller ?...