« On connaît Guy Bedos, sa gouaille d’humoriste engagé, sa revue de presse sur les planches, mais aussi son duo comique avec feue sa compagne Sophie Daumier. »
(Roderic Mounir, sur lecourrier.ch, le 6 juin 2013)
Guy Bedos (photo Wikipédia sous licence GFDL par Georges Biard)
Ce que j'en pense
Avouons-le d'emblée : nous voici en présence d'une (énième) anomalie de la grammaire française. L'adjectif feu, employé dans le registre littéraire pour qualifier une personne qui est morte depuis peu de temps, suit en effet une règle d'accord particulière : il ne s'accorde – avec le nom, commun ou propre, auquel il se rapporte et qu'il précède toujours – que s'il est lui-même précédé d'un déterminant (article défini ou adjectif possessif). Comparez : Ma feue mère mais Feu ma mère. De nos jours, on dira plus couramment : Ma défunte mère (quelle que soit l'ancienneté de sa disparition).
Au cours des siècles, feu fut traité comme adjectif (variable) ou comme adverbe (invariable) selon des considérations étymologiques fluctuantes – Vaugelas le faisait dériver de fut, passé simple du verbe être, quand les spécialistes actuels (Rey, Académie) le disent issu du latin fatutus, dérivé de fatum (« destin »), d'où « qui a accompli sa destinée » – et sa position dans la phrase : après tout, l'invariabilité de l'adjectif devant le nom ne se rencontre-t-elle pas également avec demi et nu ?
Girodet note encore que ledit adjectif est « pratiquement inusité au pluriel »... quand Hanse prend soin de préciser qu'il prend un s au masculin pluriel. Les académiciens eux-mêmes, après avoir longtemps tergiversé, ont retiré de la dernière édition de leur Dictionnaire l'avertissement « [Feu] ne se dit guère au pluriel » et conservé l'exemple suivant : « Les feus rois de Suède et de Danemark ».
De là à considérer que la valse-hésitation fait long feu et qu'il serait temps de mettre un terme à une règle qui doit moins à la logique qu'à l'arbitraire...
Remarque : L'honnêteté m'oblige à préciser que l'accord des adjectifs demi, nu, feu avec le substantif qu'ils précèdent est toléré depuis... feu(e) la réforme de l'orthographe de 1901. Force est de constater que l'Académie – qui, du reste, ne reconnaît pas l'extension de feu à un nom de chose – considère qu'en la matière... il n'y a pas le feu.
Voir également le billet Accord avec demi et nu.
Ce qu'il conviendrait de dire
Son duo comique avec feu sa compagne Sophie Daumier (selon la règle « moderne »).
Son duo comique avec feue sa compagne Sophie Daumier (tolérance de la réforme orthographique de 1901).