« Cela sera le premier alunissage de l'histoire de la Chine » (à propos de la mission spatiale Chang'e 3 prévue en 2013).
(dépêche AFP reprise sur sciencesetavenir.fr, le 27 août 2012)
(La Lune, photo Wikipédia)
Ce que j'en pense
Restons dans les hautes sphères pour évoquer le débat qui fait rage depuis des lunes (*) autour des mots alunir et alunissage. Il se trouve, en effet, que l'Académie des sciences a condamné ces deux néologismes dès le 8 juin 1959 au profit de atterrir et de atterrissage qui, selon elle, « sont suffisants et n'introduisent pas d'ambiguïté [j'ajoute : notamment quand ils sont accompagnés d'un complément]. Atterrir désigne l'action de prendre contact avec le sol, sans référence à une nature planétaire particulière ». Voilà pourquoi l'Académie française − non sans quelque hésitation, semble-t-il − refuse toujours d'enregistrer ces deux faces de lune, en précisant à l'article « atterrir » de la dernière édition de son Dictionnaire : « Se poser sur le sol. Par extension. Atterrir sur la Lune. » Après tout, il ne viendrait à l'idée de personne de dire qu'un hélicoptère est sur le point d'atoitir au sommet d'un immeuble...
Mais alors, pourquoi accepter amerrir ? objecteront ceux qui ont gardé les pieds sur terre et la tête hors de l'eau. Parce que ladite terre possède, en français, deux acceptions principales : l'une (généralement gratifiée d'une majuscule) désigne la planète ; l'autre, la surface solide où l'homme vit, en d'autres termes le sol... par opposition à la mer, justement ! D'où l'utile distinction à préserver entre atterrir et amerrir (même si l'on peut s'interroger sur la graphie de ce dernier verbe, avec son singulier redoublement du r). Autrement dit, atterrir ne signifie pas « se poser sur la planète Terre », mais « se poser sur un sol » (par opposition à « se poser sur l'eau »).
Foutaises, rétorque le linguiste Aurélien Sauvageot dans Le Renouvellement du lexique français (1980), où il évoque la controverse : « Les plus hardis sont allés jusqu'à proscrire ce "néologisme" [alunir] en alléguant qu'il fallait se servir du mot atterrir. Pour faire passer cette ineptie, on a argumenté en faisant valoir qu'atterrir signifiait "se poser sur tout sol ressemblant plus ou moins à celui de notre planète". Le résultat de cette polémique futile a été que beaucoup de gens se résignent à dire "se poser sur la lune". On veut ainsi éviter de commettre une faute sans tenir compte de ce qu'alunir n'a pas du tout le même sens que se poser. De même qu'amerrir n'est pas se poser sur la mer n'importe comment. » Hanse se montre plus terre à terre : « L'usage a certainement admis alunir et alunissage. »
Pas sûr que le commun des Terriens gagne au change, dans cette affaire. Car enfin, éviter de se torturer les méninges chaque fois que l'homme foulera le sol de la première planète venue l'aurait soulagé d'un poids... astronomique. Pensez donc : échapper à amarsissage et autres monstruosités martiennes !
(*) Plus précisément depuis 1921, date de la première attestation du verbe : « Jusqu'à ce qu'il [= le projectile] ait atterri ou plutôt aluni » (Charles Nordmann, Einstein et l'univers). On a aussi dit : débarquer sur la Lune.
Remarque : La querelle entre partisans d'un l à alunir (graphie que l'usage a retenue) et partisans de deux (sur le modèle d'atterrir) semble aussi stérile que le sol lunaire. Elle nous aura au moins valu ce bon mot de Jean Pommier : « Deux l ne seraient pas de trop pour voler jusqu'à la lune. »
Ce qu'il conviendrait de dire
Cela sera le premier atterrissage sur la Lune de l'histoire de la Chine (selon l'Académie).