Voilà un sujet qui est fréquemment source d'hésitations et donc de fautes.
Comme c'est souvent le cas en français, le plus simple est de partir de la règle générale, puis de traiter les exceptions.
Rappel de la règle
Les adjectifs de couleur s'accordent (en genre et en nombre) avec le nom auquel ils se rapportent, sauf si la couleur est désignée par un nom commun ou par une forme adjective composée. |
Pour savoir s'il faut accorder un adjectif de couleur, il convient donc d'abord de déterminer s'il s’agit d'un adjectif qui désigne exclusivement une couleur ou s'il s'agit d'un nom employé comme adjectif de couleur. Étudions les différents cas plus en détail.
Couleur désignée par un adjectif simple
C'est le cas le plus... simple, justement. Il ne concerne que les mots considérés comme d'authentiques adjectifs exclusivement utilisés pour désigner une couleur (ou un effet de couleur), donc susceptibles de s'accorder en genre et en nombre quand ils sont employés seuls : alezan, aubère, bai, basané, beige, bigarré, bis, blafard, blanc, blême, bleu, blond, brun, châtain, cramoisi, doré, écru, glauque, gris, jaune, livide, louvet, mat, mordoré, noir, opalin, pers, rouge, roux, vairon, vert, violet, zain, zinzolin.
Des stylos rouges et des gommes vertes.
Remarque 1 : À cette liste d'adjectifs de couleur proprement dits viennent s'ajouter quelques exceptions (voir cas suivant).
Remarque 2 : On notera que l'adjectif châtain prend la marque du pluriel (châtains) mais le féminin, châtaine (et non châtaigne), n'est pas encore très répandu : Une chevelure châtaine (de préférence à châtain). Quant à violette, féminin de l'adjectif violet, il est à distinguer du nom de la fleur et s'accorde donc (des taches violettes).
Remarque 3 : Même employés seuls, les adjectifs kaki et auburn (prononcé obeurn'), tous deux empruntés à la langue anglaise, restent invariables (des treillis kaki). On notera que kaki, adjectif, ne se rapporte pas à la couleur du fruit comestible mais à l'adjectif hindi kakhi, signifiant « couleur de poussière ».
Remarque 4 : Voir également l'article Glauque.
Couleur désignée par un nom commun
La couleur est parfois exprimée par un nom de plante, de fruit, d'animal, de pierre, de personne... employé comme adjectif. C'est le cas de : abricot, acajou, anthracite, argent, aubergine, azur, bistre, brique, bronze, cachou, café, caramel, carmin, céladon, cerise, chocolat, corail, crème, cuivre, ébène, émeraude, fraise, garance, grenat, indigo, isabelle, ivoire, lavande, magenta, marine, marron, moutarde, nacre, noisette, ocre, olive, or, orange, outremer, paille, pastel, pervenche, pie, pistache, pivoine, rouille, sable, safran, sépia, tabac, taupe, tomate, turquoise, vermillon, etc. L'invariabilité est alors de rigueur car il s'agit de tours elliptiques, où l'on sous-entend à chaque fois « de la couleur de » (en d'autres termes, ledit nom commun est complément du mot couleur sous-entendu).
Des yeux noisette (= de la couleur de la noisette).
Des vestes marron, des écharpes orange (idem).
Des tissus marine (= de la couleur d'un bleu foncé semblable à celui des uniformes de la marine).
Exceptions : Écarlate, mauve, pourpre, incarnat, fauve et rose (liste que l'on retiendra grâce au moyen mnémotechnique empifr suggéré par J.-J. Julaud) sont assimilés – à tort ou à raison – à de véritables adjectifs. Ils relèvent donc du cas précédent et prennent l'accord (Des lèvres écarlates, des chemises roses, des tentures pourpres). On notera toutefois que fauve et incarnat, étant d'abord des adjectifs avant d'être des substantifs, sont légitimement variables, tout comme vermeil (ainsi devrait-on s'habituer à écrire : carte vermeille au lieu de carte vermeil).
Le cas de violine, d'abord substantif (« produit violet dérivé de l'aniline »), est débattu : « invariable comme les autres noms servant d'adjectifs de couleur » selon Goosse (La Force de l'orthographe), il « prend la marque du pluriel (Des tons violines. Des teintes violines) » selon Girodet.
Remarque 1 : Quand ils désignent la couleur, lesdits noms sont masculins : un orange, un rose, un mandarine, etc. Malgré les hésitations constatées dans l'usage, les règles générales de l'élision et de la liaison sont fondées à s'appliquer : L'orange [et non le orange] de votre robe est plus beau que celui de la mienne (Littré). Il a mélangé du vert et de l'orange (et non du orange). Des rubans orange (la liaison zorange, bien que facultative, est parfois déconseillée afin d'éviter toute confusion avec le fruit ; autant privilégier l'adjectif orangé, dans ce cas).
Remarque 2 : Voir également l'article Des yeux noisette(s).
Couleur désignée par une forme adjective composée
Dans ce cas, la couleur est exprimée par plusieurs mots, que les grammaires traditionnelles présentent d'ordinaire comme invariables. Sans doute est-il plus logique de considérer qu'il s'agit là encore d'un tour elliptique, où le terme principal de couleur fait office de substantif, avec lequel s'accordent les adjectifs complémentaires (qui précisent une nuance, une teinte).
De l'encre bleu-noir, des cheveux châtain clair, des yeux marron foncé, une barbe blond vénitien, une voiture gris métallisé pour De l'encre (d'un) bleu noir, des cheveux (d'un) châtain clair... (notez que le trait d'union n'est de mise que lorsqu'il s'agit de l'association de deux adjectifs de couleur).
Des poussins jaune citron, une bouteille vert olive, des robes rose bonbon, une chemise bleu marine, une robe gris perle pour Des poussins (d'un) jaune (de la couleur du) citron, une bouteille (d'un) vert (de la couleur de l') olive... (notez l'absence de trait d'union car le second terme n'est pas un adjectif de couleur mais un nom pris adjectivement). De même, bleu de nuit, noir de jais, vert d'eau, etc. restent invariables (comme ellipses de de la couleur qui s'appelle bleu de nuit, etc.).
Des couvertures lie-de-vin, une peau café au lait (noms composés) ; des dorures vieil or (nom qualifié) ; des vitraux bleu de Chartres (adjectif de couleur formé à partir d'un nom propre).
Exceptions : Quand des adjectifs et noms de couleur sont coordonnés par la conjonction et, il y a lieu de distinguer :
• Des étoffes rouge et noir : chaque étoffe contient à la fois du rouge et du noir, et est donc bicolore → pas d'accord (comme dans des cheveux poivre et sel et une photo noir et blanc) ;
• Des étoffes rouges et noires : certaines sont entièrement rouges et d'autres entièrement noires → accord.
On retiendra : des yeux bleus (adj. simple → accord), des yeux bleu clair (adj. modifiant un adj. de couleur → ellipse de d'un bleu clair), des yeux bleu-vert (association de deux adj. de couleur → ellipse de d'un bleu vert + trait d'union), des yeux marron (nom pris adjectivement → invariable).
Remarque 1 : Le mot couleur, sans article et déterminé par un autre nom, s'emploie dans des expressions invariables : Des bas couleur (de) chair (chair est un nom → invariable) mais Des bas de couleur noire (noir est un adjectif → accord), des bas de couleur bleu foncé.
Par ailleurs, le mot couleur reste toujours invariable dans l'expression haut en couleur, qui signifie « très coloré » ou « pittoresque, truculent » (Des personnalités hautes en couleur). Il l'est également le plus souvent lorsque, précédé ou non de la préposition de, il se rapporte à un nom : Des photos couleur, des crayons de couleur, mais on écrira : Un marchand de couleurs (couleurs se rapportant ici à différents produits), un film en couleur(s).
Remarque 2 : Les adjectifs dérivés d'un adjectif de couleur ou d'un nom de couleur s'accordent. On distinguera notamment le nom orange (invariable comme nom de couleur) de l'adjectif orangé (variable).
Des écharpes orange mais Des écharpes orangées.
Des taches blanchâtres, verdâtres.
Une femme rougeaude, des collines verdoyantes.
Remarque 3 : L'Académie attire l'attention sur le pluriel des expressions de couleur, employées non plus comme adjectifs mais comme noms (donc précédées d'un déterminant) :
• des bleus, des jaunes, des oranges, des marrons ;
• des bleu-vert, des gris-bleu ;
• des jaunes paille (les jaunes sont de la couleur de la paille), des bleus ciel, des roses bonbon ou saumon ;
• des verts pâles, des bleus foncés (les verts sont pâles, les bleus sont foncés).
Remarque 4 : On rencontre des adjectifs et noms de couleur dans certaines expressions invariables : être (fait) marron (= être dupé, attrapé, refait), être blanc-bleu (= avoir une réputation intacte), etc. D'autres varient naturellement, comme dans blanc comme neige, blanc de peur, rouge de colère, vert de rage... Par ailleurs, certains adjectifs de couleur peuvent être employés comme adverbes, auquel cas ils restent invariables (Elles voient rouge et rient jaune).
Remarque 5 : Voici une liste non exhaustive d'expressions composées de couleur : aile de corbeau, arc-en-ciel, blanc d'Espagne, blanc ivoire, bleu de Prusse, bleu horizon, bleu marine, bleu-noir, bleu (de) nuit, bleu roi, bleu turquoise, bleu-vert, caca d'oie, café au lait, coq de roche, cuisse-de-nymphe, feuille-morte, gorge-de-pigeon, gris acier, gris-bleu, gris (de) fer, gris de lin, gris perle, jaune citron, jaune cobalt, jaune d'or, jaune maïs, jaune paille, jaune serin, lie-de-vin, noir de fumée, noir de jais, poivre et sel, rose bonbon, rouge brique, rouge et or, rouge magenta, rouge sang, rouge tomate, terre de Sienne, tête-de-nègre, ventre de biche, vert-de-gris, vert amande, vert bouteille, vert olive, vert Véronèse, vieil or... On remarquera que la présence du trait d'union est très aléatoire, au point de nous en faire voir de toutes les couleurs !
Remarque 6 : Voir également l'article consacré à Pers, vairon.
La jolie faute sur le nouveau maillot de
l'OM : « Et nos cœurs sont orange(s) »
Le premier qui dit que la langue française
nous en fait voir de toutes les couleurs...
(Film de Cyril Collard)