« En 1968, [Alain Delon] est à l'affiche de Les Yeux crevés de Jean Cau. »
(Lorenzo Ciavarini Azzi et Jean-François Lixon, sur francetvinfo.fr, le 18 août 2024.)
« De Le Guépard (1963) de Luchino Visconti [...] à Le Samouraï (1967) de Jean-Pierre Melville, Delon a su incarner des rôles divers et variés. »
(paru sur dansnoscoeurs.fr, le 18 août 2024.)
(photo Wikipédia)
Ce que j'en pense
Les hommages pleuvent, depuis hier matin, et avec eux les entorses syntaxiques.
Le clan des grammairiens semble pourtant assez clair :
« La contraction, en tête d'un titre d'œuvre, de l'article défini le ou les après à ou de peut être considérée comme obligatoire [quand le titre contient un nom unique, suivi ou non d'un complément déterminatif] » (Hanse).
« Il est d'usage de faire la contraction en au, du ou des quand le titre comprend un nom seul ou un nom suivi d'un déterminatif » (Thomas).
Même mélodie entonnée (et pas seulement en sous-sol) par Grevisse, Goosse et Girodet. Aussi écrira-t-on, à l'instar du Dictionnaire de l'Académie : « Les ballets du Bourgeois gentilhomme », « Une scène des Fourberies de Scapin », « L'auteur des Misérables », « Par allusion aux Femmes savantes de Molière ».
Il n'y a guère que quand ledit titre contient un verbe conjugué ou deux noms coordonnés par et ou par ou que l'hésitation est permise :
Dans ces deux derniers cas, Le Guide du rédacteur trouve préférable de ne pas faire la contraction ; mais, pour Grevisse et Goosse, le mieux est encore de recourir à un terme « tampon », mot générique précisant la nature de l'œuvre (poème, roman, pièce, tableau, film, etc.) et permettant de concilier l'intégrité du titre avec les obligations de la grammaire : L'auteur du roman Le Rouge et le Noir. Le réalisateur du film Les Enfants terribles. « C'est un peu lourd, reconnaît Bernard Cerquiglini, mais au moins c'est correct. »
Mais voilà que deux hommes (dans la ville) viennent semer le trouble :
« Il est peu utile, croyons-nous, de donner des règles absolues ; c'est le tact linguistique qui doit, dans chaque cas, trancher la question. Il est indéniable que la fusion de la préposition avec le complément peut parfois offrir des inconvénients ; c'est pourquoi il faut préférer : adaptation cinématographique de Le Ventre de Paris, qui conserve le titre intégral, à adaptation du Ventre de Paris » (Kristoffer Nyrop, Études de grammaire, 1919).
« [La contraction de la préposition et de l'article initial du titre] se fait en général. Mais on peut, pour mieux détacher le titre, ne pas [la] faire : "Vous gardez votre titre ? − Un Amour de Messaline. Ça ne vous plaît pas ? J'avais pensé à Le Dernier Amour de Messaline" (Jules Romains) » (Jean-Paul Colin, 1971).
Zut et rezut (avec un z, comme Zorro) ! Comment voulez-vous que le commun des mortels s'y retrouve si les samouraïs de la langue française ne sont pas d'accord entre eux ?
Ce qu'il conviendrait de dire
La même chose (?) ou, plus usuellement (?) : Il est à l'affiche des Yeux crevés. Du Guépard au Samouraï...