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Acte manqué

Acte manqué

« Sybille est une femme [...] suffisamment lucide pour s'apercevoir que les dissensions de son couple ont eu des répercussions sur leur fils unique [...]. Donc acte. Sybille décide alors de vendre la maison familiale de Bourgogne pour partir plusieurs mois à cheval avec son fils dans les montagnes d'Asie Centrale. »
(Alexandra Lemasson, sur francetvinfo.fr, le 10 octobre 2016, à propos du livre Continuer de Laurent Mauvignier)

 

 FlècheCe que j'en pense


J'ai d'abord cru à une simple coquille, comme on en relève tant dans les articles rédigés à la hâte. Las ! un rapide coup d’œil sur la Toile suffit à prouver que la tendance est plus lourde qu'il n'y paraît. Jugez-en plutôt : « Voilà, donc acte » (Le Figaro),  « Donc acte et soyons certains que le débat sera élevé et intense » (La Dépêche), « Donc acte dès vendredi » (Les Échos), « Donc acte, les ados de samedi auraient été victimes d'un agent de sécurité » (L'Obs), « Donc acte » (Le JDD, La Voix du Nord). La confusion repose, vous l'aurez deviné, sur la paronymie entre le pronom relatif dont et l'adverbe donc. Elle s'explique d'autant plus mal, dans l'affaire qui nous occupe, que la prononciation devrait suffire à lever toute ambiguïté orthographique : ne dit-on pas dontact en faisant la liaison en t ?

Dont acte est à l'origine une formule figurant à la fin d'un acte juridique (avant la date et les signatures officielles) pour spécifier qu'il est donné acte, qu'il est rendu témoignage de ce qui précède, autrement dit que le texte considéré est conforme à la volonté des parties contractantes (par exemple dans le cas d'un acte passé devant notaire) ou à celle du juge (dans le cas d'une décision de justice) (*) : « Le contrat [...] a été enregistré au registre des insinuations du greffe de ce bailliage, dont acte. Signé Chauvel et Picault » (1644), « Il est arrêté que les clercs se rendront en corps chez cette noble demoiselle pour la remercier, et lui déclarer qu'à son premier procès si le diable lui en envoie, elle ne paierait que les déboursés, dont acte » (Flaubert). Ellipse de « ce dont je vous donne acte » (selon l'Académie), « et de cela je vous donne acte » (selon Hanse) ou « ce dont il est pris acte » (selon d'autres sources), ladite expression figée est récemment passée dans la langue courante au sens étendu de « bonne note est prise de ce qui vient d'être dit », puis de « j'ai bien compris, j'entends bien », notamment pour mettre un terme à une discussion : « Dont acte, avec les quelques restrictions qui conviennent toujours » (Marguerite Yourcenar), « Il m'annonce que, si les troupes de Kadhafi se retirent, c'est pour laisser la place à des civils, des militaires déguisés en civil, qui poursuivent le même travail de mort. Dont acte » (Bernard Henri-Lévy).

Les contrevenants s'efforceront-ils de rendre justice à la langue en rétablissant dont dans son bon droit ? Gageons à tout le moins qu'ils prendront acte de leur méprise.

(*) « La plupart des significations [de pièces juridiques] finissent par ces mots : Dont acte » (Dictionnaire de Furetière, 1690). « Par cette expression, [les tribunaux] donnent acte d'une chose quelconque, c'est-à-dire qu'ils rendent témoignage de ce qui vient de se dire ou de se faire sous leurs yeux et en leur présence » (Éléments de la science notariale, 1807).

Remarque 1 : Selon Tristan Savin, « cet usage de plus en plus courant d'un terme purement contractuel peut s'expliquer par l'extension du champ juridique dans notre société de droit, entraînant des comportements − donc un langage − procéduriers » (Dico des mots savants employés à tort et à travers, 2016).

Remarque 2 : En raison de son caractère elliptique et averbal, ledit tour se heurte parfois à l'incompréhension du justiciable français, au point d'être confondu avec la formule anglaise Don't act (« n'agissez pas »).

 

Flèche

Ce qu'il conviendrait de dire


Dont acte.

 

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T
"... la tendance est plus lourde qu'il n'y paraît."<br />  <br /> J'aurais écrit "... qu'il y paraît", sans négation (qui exprime l'inverse de ce qu'on a voulu exprimer).
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