Au sens de « prendre pour soi, capter au détriment d'autrui », accaparer est traditionnellement considéré comme un verbe transitif direct, dont l'Académie ignore l'emploi à la forme pronominale : on accapare quelque chose, on ne s'accapare pas quelque chose (par analogie avec s'arroger) ni de quelque chose (par analogie avec s'emparer).
Il a accaparé la conversation (= il a monopolisé la conversation) et non Il s'est accaparé de la conversation ni Il s'est accaparé la conversation.
Ceux qui souhaitent employer un tour pronominal pourront toujours recourir à s'arroger, s'emparer, etc.
Il a accaparé tous les pouvoirs ou Il s'est arrogé tous les pouvoirs (= il s'est attribué indûment tous les pouvoirs, il s'est emparé de tous les pouvoirs).
Remarque 1 : Girodet conseille d'« éviter la forme pronominale, qui n'ajoute rien au sens » (que l'on songe également à finir/se finir, empirer/s'empirer, etc.), quand Larousse et Robert signalent qu'elle est fréquente en Belgique (s'accaparer de quelque chose plus que s'accaparer quelque chose, d'après Michèle Lenoble-Pinson) − et même au Canada, si l'on en croit Grevisse. À y bien regarder, ces constructions superfétatoires sont également attestées de longue date en France : « Du manège l'aréopage S'accapare les complimens » (chanson anonyme citée dans le journal pamphlétaire Les Actes des Apôtres, 1790), « Se conjugue avec le pronom se : s'accaparer. Il s'accapare de tout. (Omission de l'Académie.) » (Bescherelle, Dictionnaire usuel de tous les verbes français, 1842), « [Sous la Révolution,] accaparer apparaît au peuple comme un vague synonyme de attirer, grouper [...] ; on le trouve sous forme pronominale, comme synonyme de se grouper, se coaliser : "Dans plusieurs cafés, il y a des particuliers qui se rassemblent et s'accaparent pour parler entre eux" (1794) » (Ferdinand Brunot, 1939)... jusque sous des plumes avisées : « [Ils] s'accaparaient du reste de la maison » (Raymond Ruffin), « Marcel vole à son profit leur identité, s'accapare de leurs fonctions aux yeux de la mère » (Alain Buisine), « Il y eut un colonel pour s'accaparer les manœuvres » (Philippe Claudel).
Remarque 2 : S'accaparer est toutefois légitime au sens de « être accaparé », selon Prosper Poitevin (1856), Pierre Larousse (1866) et Adolphe Thomas (1957) : C'est ainsi que certaines marchandises s'accaparent. Quant au tour accaparer quelqu'un, il est désormais admis par l'Académie au sens de « l'occuper exclusivement » (« le retenir », selon Robert ; « l'empêcher par sa présence, ses exigences de s'occuper d'autre chose que de soi », selon Josette Rey-Debove) : « Son travail l'accapare. Elle est accaparée par ses enfants » (neuvième édition de son Dictionnaire), mais « reste une expression imagée, pittoresque » (selon Dupré).
Remarque 3 : Emprunté de l'italien accaparrare (« retenir une marchandise en donnant des arrhes »), lui-même dérivé de caparra (« arrhes »), accaparer est à l'origine un terme de commerce, qui a pris au XVIe siècle le sens péjoratif de « acquérir et conserver des marchandises pour en faire monter le prix » avant de voir ses emplois figurés pénétrer dans la langue courante.
Remarque 4 : On notera l'orthographe de accaparer : deux c et un p.
Pour les mères accaparées par leurs enfants...