La langue classique ne reconnaissait que la locution adverbiale en aveugle, qui signifie au sens propre « comme le ferait un aveugle » :
Il avançait en aveugle dans le brouillard.
Une dégustation en aveugle.
et au sens figuré « sans discernement, sans réflexion » :
Agir en aveugle.
La variante à l'aveugle, de même sens, était alors tenue pour familière (dixit Dominique Bouhours en 1675), de même que l'ancien adverbe aveuglette(s) (aveuglectes au XVe siècle) : « Cet homme fait toutes choses à l'aveugle », « Faire une chose aveuglettes (sans la bien considérer et sans en examiner les conséquences). Cela est du langage populaire » (Dictionnaire de Furetière, édition de 1701). Désormais qualifiée de « vieillie » (neuvième édition du Dictionnaire de l'Académie) ou de « littéraire » (Robert illustré), la locution à l'aveugle est souvent remplacée de nos jours par à l'aveuglette, probablement issu du télescopage entre les deux formes empruntées à la langue familière.
Aller, avancer, marcher à l'aveuglette (= à tâtons, sans y voir).
Agir à l'aveuglette (= en s'en remettant au hasard ; sans discernement, sans réflexion).
Remarque 1 : Selon le Dictionnaire historique de la langue française, la locution en aveugle serait « sortie d'usage ». Vraiment ? Mieux vaut lire ça que d'être aveugle...
Remarque 2 : On veillera à faire la distinction entre le substantif aveuglement (« privation du sens de la vue ; obscurcissement de la raison et du sens critique ») et l'adverbe aveuglément (« sans aucune réflexion, sans réserve » mais avec un accent aigu).
(Film de Xavier Palud)