« Entre les pruniers, perchés en haut des collines ou à l'abris dans le creux d'une vallée, le canton de Penne regorge de petits bijoux d'art roman. »
(dans Le Petit Futé Lot-et-Garonne, 2012-2013)
Ce que j'en pense
Nul n'est à l'abri d'un dérapage, surtout quand le bougre à orthographier cache à ce point son jeu sous des dehors anodins. Jugez-en plutôt : abri s'écrit sans le t d'abriter et, au singulier, sans le s de débris dont il subit souvent l'attraction (Un abri de jardin. Être à l'abri des regards, des soupçons), même s'il nous faut bien admettre que de nombreuses variantes (abric, abril, abris, abrit, arbri) se rencontrent sous des plumes autorisées, quoique... anciennes (Mais quand ie les veiz ainsi bien couverts ie m’en allay à eulx rendre à l’abrit, Rabelais).
Plus étonnant, le Dictionnaire historique d'Alain Rey nous apprend que abri serait le déverbal de l'ancien verbe abrier, issu du bas latin apricare, « chauffer par le soleil », altération de apricari, « se chauffer au soleil ». On s'interroge : se mettait-on autrefois à couvert pour se dorer au soleil ? Bel exemple de revirement sémantique, à moins de considérer que les choses exposées aux rayons du soleil sont d'une certaine façon... protégées des intempéries. Cette étymologie – on s'en doute – n'a pas toujours fait l'unanimité. Ainsi, dans son propre Dictionnaire historique (1756), Sainte-Palaye considère quant à lui que abri tire son origine de arbre : « Son acception propre et primitive est le couvert que procurent les branches d'un arbre ». Et d'observer, feuilles à l'appui, que l'on a écrit arbri pour abri et, inversement, abre pour arbre.
Il faut croire que l'on n'est jamais à l'abri d'une pluie de surprises, en français.
Ce qu'il conviendrait de dire
À l'abri dans le creux d'une vallée (ou au creux d'une vallée).