• Les haut(s)-fourneaux

    « Florange : les interrogations sur l'avenir des haut-fourneaux demeurent » (à propos du bras de fer engagé entre le gouvernement, les salariés et l'entreprise ArcelorMittal).

    (paru sur liberation.fr, le 1er décembre 2012)

    (photo Vincent Kessler. Reuters, sur liberation.fr)


    FlècheCe que j'en pense


    Encore une de nos spécialités bien françaises, que celle de ne pas savoir (s') accorder !

    Prenons l'exemple de ce grand four à cuve destiné à fondre le minerai de fer, dont on nous rebat les oreilles en ces temps de crise de l'emploi. Robert, Girodet, Hanse et Thomas nous en proposent les graphies haut fourneau, hauts fourneaux, quand Larousse et Bescherelle privilégient le trait d'union (haut-fourneau, hauts-fourneaux), sans doute afin de distinguer cet emblème de la tradition sidérurgique d'un simple fourneau qui serait haut.

    L'Académie elle-même ne sait plus à quelle tour se vouer, hésitant entre ces variantes au gré des éditions de son Dictionnaire (le trait d'union ayant la faveur de la dernière).

    Un tel manque de cohérence fait assurément désordre et justifierait à lui seul de voir fondre au soleil lorrain les certitudes orthographiques de notre journaliste. Mais de « haut-fourneaux » sans marque du pluriel à haut il n'est point question dans mes ouvrages de référence. De là à considérer que cette graphie fait un four...

    Remarque : Le trait d'union me semble ici préférable, car on notera que les spécialistes préconisant la graphie haut fourneau recommandent dans le même temps – avec un aplomb d'acier – d'écrire haut-fond ! Vue de haut, une telle distinction paraît bien artificielle...

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Les interrogations sur l'avenir des hauts-fourneaux demeurent.

     


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  • Un oubli(e)

    « "Nous ne sommes ni vaincus ni muets", répète François Fillon une heure et demi plus tard lors d'une conférence de presse au cours de laquelle il confirme la création d'un groupe parlementaire [...] qui sera dissout si un nouveau vote est organisé dans les trois mois. »
    (Estelle Gross, sur nouvelobs.com, le 27 novembre 2012) 


    FlècheCe que j'en pense


    Passons sur la demi-heure que notre journaliste ne se résout pas à accorder correctement (qu'elle soit absoute de ce péché véniel) pour nous intéresser d'un pas résolu à ce dissout, qui justifierait bien une conférence à lui tout seul.

    Question à dix sous : si je vous dis que le verbe dissoudre se conjugue comme absoudre, comment écririez-vous le participe passé ? Vous hésitez ? Alors disons comme résoudre... sauf au participe passé, justement. Il se trouve que, parmi les trois verbes en -soudre, seul résoudre a un participe passé en -olu (résolu) : absoudre et dissoudre ont gardé les anciens participes en -ous, -oute (deux bizarreries de la langue, où masculin et féminin semblent faire chambre à part, à l'instar du couple Copé-Fillon : absous, absoute ; dissous, dissoute), tandis que les formes absolu et dissolu ne s'emploient que comme adjectifs, avec des valeurs figurées (respectivement « sans limite, sans restriction » et « qui mène une existence désordonnée ; propre aux personnes qui vivent dans la débauche »).

    Dans un souci louable de cohérence, les Rectifications orthographiques de 1990 ont proposé de régulariser ces participes passés en les écrivant avec un t final au masculin singulier, sur le modèle des féminins absoute, dissoute. Force est de constater que l'Académie continue de privilégier l'orthographe traditionnelle dans la dernière édition de son Dictionnaire : « Après la mort d'Alexandre, son empire fut dissous. » Funeste présage pour l'UMP ?

    Remarque : Les formes résous, résoute existent également mais sont d'un emploi très rare, pour parler de choses qui changent d'état (Du brouillard résous en pluie). Voir également le billet Résoudre.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    ...une heure et demie plus tard lors d'une conférence de presse au cours de laquelle il confirme la création d'un groupe parlementaire [...] qui sera dissous (selon l'orthographe traditionnelle) ou dissout (selon la graphie rectifiée) si un nouveau vote est organisé dans les trois mois.

     


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  • L'entreprise n'a pas de client(s)


    « Si l'entreprise n'a pas de client, pas de marché, un outil de production obsolète, elle ne repartira pas, quelle que soit la formule. »
    (Valérie Lion, dans L'Express no 3202, novembre 2012) 
     

     

    FlècheCe que j'en pense


    On croit souvent que, dans les constructions négatives avec pas de ou sans, le substantif qui suit se doit d'être au singulier, puisqu'il est justement question d'absence, d'exclusion. En fait, tout dépend du sens.

    S'il peut paraître normal d'écrire qu'une entreprise n'a pas de marché, au singulier, (marché étant pris dans son sens étendu de « ensemble de clients potentiels, déterminés selon des critères géographiques, sociaux, etc. »), on est en droit d'attendre une entreprise sans clients, au pluriel, étant donné que, si celle-ci en avait, on peut raisonnablement penser qu'elle en compterait plus d'un...


    Voir également le billet Accord avec pas de et sans

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Si l'entreprise n'a pas de clients, pas de marché, elle ne repartira pas.

     


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  • Un oubli(e)

    « Entouré de Laurent Wauquiez et de Valérie Pécresse, Eric Ciotti a dénoncé l’oublie, dans le décompte de la Cocoe, de trois fédérations d'Outre-Mer » (à propos des résultats de l'élection à la présidence de l'UMP).
    (paru sur nouvelobs.com, le 21 novembre 2012) 


    FlècheCe que j'en pense


    Un oubli, coco ? Euh, je dirais plutôt un ajout bien inutile. À moins qu'il ne s'agisse plus vraisemblablement d'une jolie cocoquille.

    Quant aux fédérations d'outre-mer, elles ne sauraient passer outre les règles de la grammaire, qui les dispensent de majuscules (puisqu'il s'agit d'une locution adverbiale, parfois substantivée)... au risque de renforcer un sentiment bien compréhensible de manque de considération.

    Remarque : On écrira de même : outre-Atlantique, outre-Manche, outre-Rhin, outre-monts, outre-tombe... mais outremer, sans trait d'union dès lors qu'il est question de la couleur bleue.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Eric Ciotti a dénoncé l’oubli, dans le décompte de la Cocoe, de trois fédérations d'outre-mer.

     


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  • Intuitu(i) personae

    « Mais, pour un grand élu du PS, l’annonce présidentielle "ne peut pas tenir juridiquement" : "Le maire ne marie pas intuiti personae mais ès qualité" » (à propos du discours de François Hollande, photo ci-contre, sur la liberté de conscience des maires).

    (Grégoire Biseau, sur liberation.fr, le 20 novembre 2012)

      


    (photo Wikipédia sous licence GFDL par Jean-Marc Ayrault)



    FlècheCe que j'en pense


    Notre « grand élu du PS » a bien fait de conserver l'anonymat car ses propos, à supposer qu'ils soient correctement retranscrits, ne laissent pas de me surprendre.

    Il me semblait, en effet, que l'expression latine visant à souligner qu'un contrat n'a été passé qu'en considération des qualités de la personne concernée est intuitu personæ. C'est du moins ce que confirme le Larousse en ligne.

    Pour autant, une rapide recherche sur Internet confirme la présence de la variante intuiti personæ, rencontrée jusque dans des documents officiels. Selon toute vraisemblance (encore que mes souvenirs de latin peuvent me jouer des tours), il s'agit là d'une erreur : le nom latin intuitus, qui signifie proprement « regard, vue », prend au figuré le sens de « considération, égard ». Intuitu personæ, qui correspond à un ablatif que je qualifierais de moyen, de manière, signifie donc littéralement  « eu égard à la personne, en considération de la personne » et, dans l'usage moderne, « personnellement, en tant que personne (sans considération de la fonction) ».

    La forme intuiti, de son côté, ne peut correspondre qu'au participe passé du verbe intueor (« regarder, observer ») décliné au génitif masculin (ou neutre) singulier ou au nominatif masculin pluriel, inconciliable avec le genre féminin de persona.

    Quant à la préposition ès, il convient de toujours la faire suivre d'un nom au pluriel, eu égard à sa formation : il s'agit en effet de la contraction de en les qui, de fait, ne saurait convoler en justes noces avec un singulier.


    Voir également le billet Ès.


    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Le maire ne marie pas intuitu personæ mais ès qualités.

     


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