• Une graphie indigeste

    « En fin de journée, un restaurant peut se retrouver avec des repas invendus. Plutôt que de les mettre au rebus, [une application à télécharger] le met en relation avec des consommateurs. »
    (Bruno Askenazi, sur lesechos.fr, le 19 octobre 2016)

     

     FlècheCe que j'en pense


    Inutile de vous faire un dessin : c'est, de toute évidence, sous l'influence de rébus que rebut se voit ici affublé d'un s propre à rebuter les appétits les plus voraces.

    Emprunté du latin rebus, ablatif pluriel de res, « chose » (d'où « au moyen des choses »), rébus − avec un accent aigu et un s sonore − désigne un jeu d'esprit consistant à exprimer, au moyen d'une suite de dessins, de signes ou d'images, les sons d'un mot ou d'une phrase qui reste à deviner, et, par extension, une énigme : « Deviner des rébus. Cette phrase est obscure, c'est un vrai rébus » (huitième édition du Dictionnaire de l'Académie). Rebut, quant à lui, n'est autre que le déverbal de rebuter (proprement « repousser du but »), dont il a hérité le t étymologique (lequel ne se prononce ni ne se lie jamais dans rebut, contrairement à but pourtant de la même famille). Le substantif figure notamment, avec le sens de « ce qui est rejeté, ce qui est bon à jeter (parce que inutilisable ou sans valeur) », dans la locution mettre (ou jeter) quelque chose au rebut, qui signifie « s'en débarrasser, le mettre à l'écart, le jeter » : « Ils ont mis cette vieille table bancale au rebut » (Dictionnaire du français de Josette Rey-Debove), « Un vieillard n'existe que par ce qu'il possède. Dès qu'il n'a plus rien, on le jette au rebut » (François Mauriac).

    Force est, hélas ! de constater que notre journaliste n'est pas le seul à avoir mis les pieds dans le plat : « Ne voulant pas mettre [tel livre] au rebus » (L'Est républicain), « Nous avons commencé à mettre au rebus certaines rames [de TGV] » (Le Figaro), « Le collège a donné sa vaisselle à mettre au rebus pour qu'elle soit décorée » (Ouest France), « Il va falloir mettre au rebus certains dogmes » (Le Monde), « Une masse de petits bronzes mis au rebus » (La Revue savoisienne, 1873). La forme rebus, nous apprend l'historien de la littérature Antoine Compagnon, se trouve du reste jusque sous la plume de Théophile Gautier : « Ce sont çà et là des tessons de vaisselle, des ustensiles inaccoutumés, des débris de friperie, des rebus jetés à la borne. » Rebus pour rebuts, voilà qui n'est pas sans rappeler l'ancienne règle selon laquelle le pluriel des mots en -t se formait en remplaçant la consonne finale par un s : un enfant, des enfans ; un fruit, des fruis. Mais laissons là ces archaïsmes et gageons que notre journaliste, toute honte (re)bue, n'aura nul besoin d'un programme informatique pour mettre la graphie au rebus... définitivement au rebut.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Mettre des repas au rebut.

     

    « Des flèches de feuPas simple d'aller faire ses courses... »

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