• Tinto(u)in

    « La droite s’accroche au "ni ni" pour éviter tout tintoin » (à propos des consignes de vote à l'UMP dans la perspective des élections municipales de 2014).

    (Alain Auffray, sur liberation.fr, le 30 juillet 2013) 

     

    FlècheCe que j'en pense


    Que notre journaliste ne s'est-il affranchi de la règle du « ni ni » qui a cours dans les médias : ni dictionnaire ni correcteur orthographique ? Il se serait évité bien du tintouin en préservant le u dudit substantif masculin, dérivé de tinter par suffixation en -ouin à connotation péjorative (selon le Dictionnaire historique de la langue française) ou par altération de l'onomatopée tintin imitant le tintement de la cloche (selon Ménage, 1750).

    Tintouin a d'abord désigné un bourdonnement, un battement importun et trompeur qui fatigue l'oreille et ressemble au tintement d'une cloche (Avoir un tintouin continuel dans les oreilles, à la tête), puis s'est dit familièrement d'un vacarme étourdissant et, figurément, de l'inquiétude et de l'embarras que cause une affaire, à l'instar de cet extrait du Bon roi Dagobert :

    Le bon roi Dagobert
    Voulait conquérir l'univers ;
    Le grand saint Éloi
    Lui dit : Ô mon roi !
    Voyager si loin
    Donne du tintouin.
    C'est vrai, lui dit le roi,
    Il vaudrait mieux rester chez soi.

    On le rencontre encore en version argotique et non sonorisée dans l'expression et tout le tintouin pour « et le reste », peut-être par confusion avec et tout le toutim (dérivé de tout).

    L'honnêteté m'oblige à reconnaître l'existence de la variante tintoin, attestée dès le XVIe siècle chez Marot, puis chez Furetière, Richelet, Roquefort, Balzac, Brunot, etc., ainsi que dans le Dictionnaire de l'Académie – mais, détail curieux, dans la seule cinquième édition (1798). Les Immortels de l'époque auraient-ils cédé aux Remarques sur le Dictionnaire de l'Académie françoise d'un certain Gabriel Feydel, affirmant à grand bruit – mais sans guère d'arguments – que ledit substantif s'écrit « Tint'oing ou Tintoin [et] porte avec lui une idée très morale, qu'il aurait fallu ne pas négliger » ? Il n'empêche : la graphie tintoin, depuis fermement condamnée par Bescherelle, Thomas, Girodet (« Ne pas écrire tintoin ») et Hanse, est progressivement sortie d'usage, à force d'avoir les oreilles qui sifflent.


    Remarque 1 : Selon Nicot (1606), « tintouin est un nom imité du sifflement qui se fait aux ventricules du cerveau et cornissant [de corner, sonner, bourdonner] par les oreilles, et vient de tinter ; aussi les Latins appellent tel tintouin, tinnitus aurium, tintement d'oreilles. Et parce que tel tintouin empêche le repos de la personne, on l'usurpe aussi par métaphore pour souci rongeant, travail d'esprit et fatigation de l'entendement. »

    Remarque 2 : Dans son Précis des maladies de l'oreille (1885), Marie-Ernest Gellé classe les « bruits subjectifs » en trois catégories : bourdonnements d'oreille, tintouins et acouphènes.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Éviter tout tintouin.

     

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