• Santé !

    Santé !

    « En effet, le conducteur qui, entre 2h30 et 6 heures du matin, sera contrôlé avec un taux d'alcoolémie négatif se verra remettre, par Emmanuel Dupuis, directeur de cabinet du préfet, un coupon d'essence d'une valeur de 20 euros. »

    (Romain David, sur lefigaro.fr, le 30 décembre 2013)


     

     

    FlècheCe que j'en pense


    Si l'initiative prise par la préfecture du Var, à l'occasion de la nuit de la Saint-Sylvestre, est pour le moins originale, j'avoue rester sur ma soif devant la façon dont notre journaliste s'en fait l'écho.

    Commençons par rappeler que nombreux sont ceux qui considèrent l'expression taux d'alcoolémie comme pléonastique. Robert ne définit-il pas l'alcoolémie comme le « taux d'alcool dans le sang » et Larousse, comme la « concentration » (Petit Larousse illustré 2005) ou la « teneur d'alcool dans le sang » (Larousse électronique) ? Dès lors, parler de taux d'alcoolémie revient à envisager le taux de taux d'alcool dans le sang − en d'autres termes, à s'administrer une double rasade en intraveineuse... Pourtant, objecteront les langues les plus chargées, l'Académie, dans la dernière édition de son Dictionnaire, n'hésite pas à proposer cet exemple, au risque de faire dans la provocation : « La loi interdit la conduite d'une automobile à ceux qui ont un taux d'alcoolémie trop élevé. » De quoi mettre un peu d'eau dans le vin des détracteurs de notre journaliste, qui ne boit pourtant pas que du petit-lait.

    C'est que l'élément suffixal -émie (du grec haima, « sang ») entrant dans la composition du substantif féminin alcoolémie indique aussi bien la présence d'une substance (en l'occurrence, l'alcool éthylique) que son taux dans le sang. Partant, le tour taux d'alcoolémie peut se justifier dans la première acception (seule retenue par l'Académie), mais verse dans le pléonasme dans la seconde (qui a les faveurs des dictionnaires usuels). Force est de constater que les spécialistes sont les premiers à entretenir la confusion, en noyant le poisson et l'usager de la langue : Alain Rey n'écrit-il pas, dans le Dictionnaire historique, que -émie indique « la présence, normale ou anormale, de la substance désignée par le premier terme » dans le sang et, dans le Robert illustré 2013, « la teneur dans le sang » ? De même, les académiciens ne définissent-ils pas, avec la même inconséquence, la glycémie comme le « taux de glucose dans le sang » et l'alcoolémie comme la « présence d'alcool dans le sang » ? Deux doigts, pardon, deux poids, deux mesures. Gageons qu'aucun de ces subtils esprits ne toucherait son billet sur les routes varoises la nuit prochaine...

    Quant à deviner ce que peut bien signifier un taux négatif (!), je laisse aux scientifiques le soin de se pencher − mais pas trop − sur le sujet. Après tout, il fut un temps, pas si lointain (juin 2012), où l'on nous expliquait que les pays européens pouvaient emprunter sur le marché à des taux... négatifs. De là à prétendre que le liquide s'accommode à toutes les sauces.


    Voir également le billet Alcoolique / Alcoolisé.


    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Le conducteur dont le contrôle d'alcoolémie sera négatif.

     

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  • Commentaires

    1
    Mardi 3 Novembre 2015 à 00:01

    Un taux d'alcoolémie négatif ? Ah bah ! De géniaux économistes ont bien inventé la croissance négative.

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