• Ah ! que de tergiversations sur l'accentuation du mot évènement.

    Comme la plupart d'entre vous, j'ai toujours pris grand soin de mettre deux accents aigus à événement. Il faut croire que je me trompais... comme l'Académie elle-même !

    En effet, ce n'est que lors des Rectifications orthographiques de 1990 que l'Académie a mis un terme à une erreur datant du XVIIIe siècle, en régularisant la graphie du mot évènement (un accent aigu et un accent grave, au lieu des deux accents aigus habituels).

    De quelle erreur s'agit-il exactement ? En fait, il existe une règle concernant l'accentuation du e en français :

    La lettre e ne prend l’accent grave que si elle est précédée d’une autre lettre et suivie d’une syllabe qui comporte un e improprement qualifié de « muet » (on dira mieux un e « instable », c'est-à-dire un e sans accent qui se prononce comme dans venir ou qui ne se prononce pas comme dans e).

    célébrer → célèbre (le e final de célèbre est muet).

    collégien → collège (le e final de collège est muet).

    régler → règlement (le e central de règlement est muet).


    Il résulte de cette règle (notez l'accent grave de règle) que le e du mot évènement doit s'écrire avec un accent grave, puisque suivi d'une syllabe – ne – comportant un e muet. N'en déplaise aux puristes...

    Il ne s'agit donc pas d'une tolérance, comme on l'entend souvent, visant à rendre la graphie conforme à la prononciation, mais bel et bien de la correction d'une erreur de français ! D'une coupable paresse, plus précisément. On raconte, en effet, que le mot évènement s’est retrouvé improprement affublé d'un deuxième accent aigu, un jour de 1736, à cause du peu de scrupules de l'imprimeur du dictionnaire de l’Académie qui, tombé à court d'accents graves, avait temporairement remplacé ces derniers par des accents aigus. Et comme souvent dans l'histoire de la langue, le temporaire a duré plus que prévu... Bien des vérités sont à l'origine de simples coquilles qui ont su résister au temps jusqu'à être officialisées ! Dès lors est-on fondé à se demander, en paraphrasant le professeur Matoré, s'il faut, parce qu'on respecte le passé, accepter les erreurs qu'il nous a léguées ?

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    Remarque 1 : Pour autant, les deux graphies (événement, évènement) coexistent dans la plupart des dictionnaires.

    Remarque 2 : Les autres mots concernés par cette rectification sont : allègement, avènement, cèleri, (je) cèderai, crèmerie, (nous) gèrerions, règlementaire, sècheresse, vènerie, etc. Seuls médecin et médecine échappent encore à la règle et conservent l'accent aigu, sans doute parce qu'ils sont couramment prononcés avec le son é. En français, les règles – et leurs exceptions – tiennent à bien peu de chose...

    Evénement

    Ou comment organiser un évènement...

     


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  • En linguistique, l'élision désigne la suppression de la voyelle finale d'un mot – marquée par une apostrophe ' – afin d'éviter le frottement avec la voyelle ou le h muet du mot suivant.

    L'un d'entre eux (élision du e de le un et de de entre).

    L'homme (élision du e de le homme).


    En règle générale :

    • Que s'élide devant une voyelle ou un h muet.

    • Quelque ne s'élide que devant un ou une.

    Quelqu'un, quelqu'une mais Quelques-uns, quelques-unes et Quelque autre (de préférence à quelqu'autre, que l'on rencontrait autrefois).

    • Jusque s'élide devant une voyelle.

    Jusqu'ici, jusqu'alors, jusqu'à ce que, jusqu'où, jusqu'à aujourd'hui ou jusqu'aujourd'hui, etc.

    • Presque ne s'élide que dans le mot presqu'île.

    Ils sont arrivés presque à l'heure (et non  presqu'à l'heure), presque en même temps.

    Un pantalon presque usé (et non presqu'usé).

    • Lorsque, puisque et quoique (en un seul mot) ne s'élident d'ordinaire que devant il(s), elle(s), on, un(e), voire en.

    Lorsqu'on ira là-bas mais Lorsque Albert ira là-bas.

    Puisqu'il te l'a dit ! mais Puisque apparemment il l'a fait.

    Quoiqu'il soit impatient, il a attendu son tour mais Quoique impatient...

    • Parce que (en deux mots) ne s'élide d'ordinaire que devant à, il(s), elle(s), on, un(e), si l'on en croit Thomas.

    Parce qu'à Paris les cambriolages se multiplient mais Parce que en France...

     

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    Remarque 1 : Il convient de préciser que, en matière d'élision comme en d'autres, les grammairiens ne s'accordent pas toujours (particulièrement sur en et ainsi). L'Académie, notamment, cumule les incohérences dans la dernière édition de son Dictionnaire :

    • lorsque : « e final s'élide devant il, elle, on, un, une, et généralement devant enfin, en, avec, aussi, aucun », mais on peut lire à l'entrée complet : « C'est complet ! (se dit lorsqu'à des ennuis successifs s'en ajoute un dernier) ».
    • parce que : « s'élide en parce qu' devant il, ils, elle, elles, on, un, une, à », mais on peut lire à l'entrée indifférence : « parce qu'aucun motif ne fait pencher vers l'un plutôt que vers l'autre » ; à l'entrée latin : « parce qu'aujourd'hui encore plusieurs universités et grandes écoles y sont concentrées », etc.

    Force est de supposer que la tendance est à la généralisation de l'élision sur le modèle de que, ainsi que le laisse entendre Robert : « Le e de lorsque s'élide en général devant toutes les voyelles. » Voilà qui a le mérite de la simplicité...

    Remarque 2 : On s'abstiendra de prononcer lorse-que (au lieu de lorsque), avec insertion d'un e dit épenthétique dans la séquence de consonnes. Concernant la prononciation de tandis que, voir ce billet.

    Remarque 3 : Jusque s'écrit quelques fois avec un s final, surtout en poésie (Jusques à quand ?) ainsi que dans la locution figée et affectée jusques et y compris, qui marque un renchérissement par rapport à y compris.

    Par ailleurs, on notera que, si jusque se construit le plus souvent avec la préposition à (jusqu'à maintenant, jusqu'à cinq heures), celle-ci disparaît quand jusque est suivi d'une autre préposition, des adverbes alors, ici, là et ou des adverbes d'intensité assez, aussi, bien, fort, si, très : jusque chez elle (et non jusqu'à chez elle), jusque-là (de préférence avec trait d'union), jusque fort tard.

    Remarque 4 : On notera que, dans la phrase Je suis quelqu'un qui est à l'écoute des autres, l'accord se fait avec l'attribut quelqu'un et non avec le sujet je.

    Presque

    Album du groupe Presque Oui

     


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  • Opportunité désigne le caractère de ce qui vient à propos, de ce qui est opportun. Ce substantif féminin ne devrait donc, dans l'absolu, jamais être employé au pluriel.

    L'opportunité d'une démarche, d'une décision, d'un propos (= sa pertinence).

    Il réfléchit à l'opportunité d'une reconversion professionnelle.

    Avoir le sens de l'opportunité (= ne pas hésiter sur la conduite à tenir, en toute situation).

    Si ce sens « abstrait » est aujourd'hui la seule acception reconnue par l'Académie, tel ne fut pas toujours le cas. Ainsi peut-on lire à l'entrée « opportunité » de la première édition de son Dictionnaire (1694) : « Occasion propre, favorable. Il a trouvé l'opportunité. » Cet emploi au sens concret de « circonstance opportune, occasion favorable » (également attesté chez Littré) figurait encore dans la huitième édition (1935) : « Caractère de ce qui est opportun. L'opportunité d'une décision, d'une démarche. Absolument, Profiter de l'opportunité », avant de laisser place à une virulente mise en garde :  « C'est à tort que ce terme est substitué à Occasion dans tous ses emplois. Ainsi, on ne dira pas Je me réjouis d'avoir l'opportunité de vous rencontrer, mais Je me réjouis d'avoir l'occasion de vous rencontrer » (neuvième édition, en cours).

    Pourquoi un tel revirement ? Parce qu'il serait de bon ton, aujourd'hui, de classer opportunité parmi les anglicismes à éviter ? On est fondé à s'interroger sur... l'opportunité de recourir à nos voisins d'outre-Manche pour évoquer une acception attestée chez nous depuis plus de trois siècles ! Le diable se cachant dans les détails, il semble plutôt que l'explication soit à chercher du côté de la mention « absolument ». Littré ne s'y est pas trompé : « Absolument. Occasion favorable. Saisir l'opportunité. Il s'est prévalu de l'opportunité. » Ainsi serait-il correct de saisir l'opportunité, mais pas de saisir l'opportunité de parler à quelqu'un. Les finesses du français sont assurément infinies... avec ou sans complément.

    Vous l'aurez compris : le commun des mortels n'a que faire de pareilles subtilités. Bien que critiqué dans la plupart des ouvrages de référence (dont Hanse, que l'on a connu plus libéral), l'usage élargi de opportunité (par une sorte de retour aux sources au contact de l'anglais opportunity, « affaire, aubaine à saisir ») semble voué à perdurer, faute de synonyme satisfaisant suggérant la même idée de chance. Pour éviter tout reproche, on pourra toutefois continuer de privilégier, dans la langue soignée, occasion (voire possibilité), quand le contexte est neutre, et chance, aubaine, perspective ou belle occasion, quand le contexte est positif. Quant à ceux qui tiennent à réhabiliter opportunité dans son acception originelle, ils gagneront à réserver ce terme aux situations réellement favorables.

    Je me réjouis d'avoir l'occasion (ou la chance) de vous rencontrer (de préférence à d'avoir l'opportunité de vous rencontrer) mais J'ai eu l'occasion de lui parler (sans plus de précision).

    Des aubaines à saisir dans le rayon de la décoration (de préférence à Des opportunités à saisir).

    Il saisit l'occasion qui s'offre à lui. Manquer une occasion.

    Profiter de l'occasion pour féliciter quelqu'un.

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    Remarque 1
    : On se méfiera de l'ambiguïté dont sont désormais porteuses des phrases telles que « Il étudie l'opportunité de sa candidature » : parle-t-on de la possibilité de sa candidature ou de sa pertinence ?

    Remarque 2 : Quand il est question d'emploi, opportunité (alors souvent au pluriel) désigne une perspective (de carrière, d'avenir). Cette acception n'est pas répertoriée par l'Académie.

    Opportunité

    Des perspectives de carrière, ce serait mieux !

     


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  • Bien qu'attestée sous la plume de bons auteurs (Céline, Gide) dans les imitations de la langue parlée, la tournure pour ne pas que − attelage contre nature grammaticale de la locution conjonctive de subordination pour que et de l'adverbe de négation ne... pas − reste populaire (pour pas que paraît carrément vulgaire !). A-t-on jamais entendu dire afin pas qu'il s'ennuie ? ironise Albert Dauzat. Certes non !

    Dans un style soigné, on lui préférera pour que... ne... pas, afin que le verbe (ou l'auxiliaire, s'il s'agit d'un temps composé) soit correctement entouré du couple ne... pas.

    Je l'ai appelé pour qu'il ne se déplace pas inutilement (et non pour ne pas qu'il se déplace inutilement).

    Elle s'est cachée pour qu'on ne la voie pas (et non pour ne pas qu'on la voie).

    Dans le doute, il est toujours possible de recourir à des tournures verbales (pour éviter qu'il ne se déplace inutilement) ou à des locutions synonymes (de crainte qu'il ne se déplace inutilement, de peur qu'on ne la voie, afin qu'on ne la voie pas).

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    Remarque 1 : Après pour que, le verbe se met au subjonctif.

    Remarque 2 : La construction pour ne pas + infinitif est évidemment correcte.

    Elle est partie pour ne pas déranger.

    On se gardera toutefois de la confondre avec la tournure de ne pas + infinitif. Comparez : Il se retint pour ne pas crier (= il se retint de crier) et Il se retint de ne pas crier (qui signifie le contraire).

     

    Pour ne pas que

     


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  • L'adjectif évident signifie « qui s'impose clairement à l'esprit, qui est immédiatement perceptible ».

    Il s'agit là d'une erreur évidente (= manifeste).

    Il est évident que vous êtes épuisé.

    Aussi se gardera-t-on, sur les conseils de l'Académie, de l'employer abusivement au sens de « facile ».

    Ce n'est pas facile, ce n'est pas aisé, ce n'est pas gagné d'avance, c'est difficile (et non Ce n'est pas évident).

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    Remarque : L'emploi du subjonctif après il est évident que ne peut s'envisager que si la locution est à la forme négative ou interrogative.

    Il est évident qu'il viendra mais Il n'est pas évident qu'il vienne (ou qu'il viendra).

    Evident

    Certes, ce n'est pas facile...

     


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