• Pour ne pas que

    Bien qu'attestée sous la plume de bons auteurs (Céline, Gide) dans les imitations de la langue parlée, la tournure pour ne pas que − attelage contre nature grammaticale de la locution conjonctive de subordination pour que et de l'adverbe de négation ne... pas − reste populaire (pour pas que paraît carrément vulgaire !). A-t-on jamais entendu dire afin pas qu'il s'ennuie ? ironise Albert Dauzat. Certes non !

    Dans un style soigné, on lui préférera pour que... ne... pas, afin que le verbe (ou l'auxiliaire, s'il s'agit d'un temps composé) soit correctement entouré du couple ne... pas.

    Je l'ai appelé pour qu'il ne se déplace pas inutilement (et non pour ne pas qu'il se déplace inutilement).

    Elle s'est cachée pour qu'on ne la voie pas (et non pour ne pas qu'on la voie).

    Dans le doute, il est toujours possible de recourir à des tournures verbales (pour éviter qu'il ne se déplace inutilement) ou à des locutions synonymes (de crainte qu'il ne se déplace inutilement, de peur qu'on ne la voie, afin qu'on ne la voie pas).

    Séparateur de texte

    Remarque 1 : Après pour que, le verbe se met au subjonctif.

    Remarque 2 : La construction pour ne pas + infinitif est évidemment correcte.

    Elle est partie pour ne pas déranger.

    On se gardera toutefois de la confondre avec la tournure de ne pas + infinitif. Comparez : Il se retint pour ne pas crier (= il se retint de crier) et Il se retint de ne pas crier (qui signifie le contraire).

     

    Pour ne pas que

     

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  • Commentaires

    1
    Philippe
    Lundi 18 Janvier 2016 à 23:19

    Bonjour! Je suis bien évidemment d'accord avec cette explication. Cependant, je décèle certaines complications au niveau du sens dans certains cas. Prenons un exemple :"Il tient son parapluie fermement pour que le vent ne le lui arrache pas". Le fait que "pour que" soit éloigné de la négation, et donc du but, me gêne un peu. On a l'impression que le vent devient acteur, presque sujet de l'action. Dans la formulation incorrecte, "Il tient son parapluie fermement pour ne pas que le vent le lui arrache", on a plus l'impression que c'est la personne tenant le parapluie qui décide de l'action et empeche le vent de lui arracher son parapluie... Dans l'oralité (la vulgarité?) Une personne dirait : "Tiens ton parapluie pour pas que le vent te le fauche", ou quelque chose comme cela. Bref: J'ai le sentiment que dans certains cas, la formulation exacte fausse le sens de la phrase. Bien sûr, on pourrait éviter le problème en employant l'infinitif et dire "Il tient son parapluie fermement pour ne pas se le faire arracher par le vent"... Mais la question demeure. Faut-il d'après vous, dans certains cas, trahir la règle et forcer la phrase pour que le sens ne soit pas perturbé? (là, j'emploie correctement la formule!)

    Philippe

      • Mardi 19 Janvier 2016 à 00:09

        Le fait que "pour que" soit éloigné de la négation, et donc du but, me gêne un peu.

        Voilà qui est très... subjectif ! Auriez-vous la même impression avec les phrases suivantes :
        Il tient son parapluie fermement afin que le vent ne le lui arrache pas,
        Il tient son parapluie avec la ferme intention que le vent ne le lui arrache pas ?

    2
    Philippe
    Mardi 19 Janvier 2016 à 17:58
    En effet, mon avis n'est que subjectif. Ce n'est qu'une impression due à l'éloignement entre "pour que" et la négation. Cet éloignement offre une participation un peu trop active à mon goût au nom du deuxième tronçon de phrase. Mais il semble que ce ne soit pas votre sentiment... Je pense que la préposition "pour" offre la formulation la plus simple, la plus immédiate. Bref: La plus efficace. La question que l'on pourrait se poser, c'est : Pourquoi de grands auteurs (Céline et Gide, que vous citez) qui, n'en doutons pas, maîtrisaient la langue française jusque dans ses plus subtiles raffinements, ont-ils utilisé la formulation populaire que vous trouvez si vulgaire? N'est-ce pas justement une affaire de contexte? Philippe
      • Mardi 19 Janvier 2016 à 19:13

        Je dirais plutôt une affaire de registre (par exemple, pour retranscrire le langage parlé et populaire de certains personnages).

    3
    Michel JEAN
    Mercredi 20 Janvier 2016 à 10:07

    B'jour, superbe penchant...! en effet que celui de L.F. Céline ( à qui je crie "reviens") qu'd'jouer (pardon pour l'épiphore) sur trois niveaux d'un répertoire de la langue écrite: à la fois  Soutenu/Oratoire, le Médian et enfin le Relâché/Familier. Mais pour plus d'info: Didactique de l'expression. B. Cocula, C. Peyroutet. Bye.

    4
    Margot
    Mercredi 1er Novembre 2017 à 16:47
    Juste pour information : Gide a écrit "pour ne pas que" seulement au travers du personnages de Sarah. C'est une faute volontaire, c'est ce qu'il dit dans le Journal Des Faux Monnayeurs. Donc non, Gide ne fait pas cette faute
    5
    Émile Bescherelle
    Mardi 30 Octobre 2018 à 15:14

    Vous ne pouvez pas imaginer combien de fois je dois me retenir de corriger chaque personne que j'entends commettre une telle faute, surtout parmi mes proches. :-P

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    6
    Jean-David
    Lundi 20 Juillet 2020 à 10:45

    Bravo pour cet article.
    Pour répondre à Philippe : j'aime mieux "tiens ton pépin, mézigue, pour pas que l'vent te l'fauche" - qui a encore un peu de parfum populaire - que la formulation bancale dont nous débattons, et qui est en usage dans la sphère journalistique non lettrée.
    Quant à la crainte que "pour que" soit trop éloigné de la négation, il la faut dissiper. "Pour que le vent ne le lui arrache pas" ne complique rien, n'obscurcit rien, c'est la clarté même. 
    On peut encore dire "de crainte que le vent ne le lui arrache".

    7
    oussama hamid
    Vendredi 22 Juillet 2022 à 02:43

     " L’humidification sur un ventilateur permet d’augmenter l'hygrométrie de l'air ambiant pour ne pas qu'il soit trop sec ". Comme j'avais l'intention d'acheter un ventilateur de chambre je tombe sur l'expression que j'ai citée entre guillemets en me renseignant sur les différents modèles afin de faire le bon choix. L'expression suspecte m'a causé un malaise. Monsieur Google m'a tout de suite dirigé vers cette mine d'or qu'est votre merveilleux cite. Voilà comment je suis arrivé ici. Le harsard fait parfois bien les choses. Merci infiniment. Toutes mes félicitations.

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