• Portion congrue

    Portion congrue

    « Le bidonville de la rue de Carvin, à Lille, le long du périphérique, où vivaient 750 Roms (...), a été réduit à une portion congrue. »

    (Stéphanie Maurice, sur libération.fr, le 11 septembre 2013) 
    Drapeau de la communauté rom (photo Wikipédia)
     

    FlècheCe que j'en pense

     
    Congru est un adjectif emprunté du latin congruus, qui signifie « conforme, convenable ». On ne le rencontre plus guère, de nos jours, que dans quelques locutions figées : réponse congrue (« qui convient exactement à la situation, à ce que l'on souhaite exprimer », par opposition à incongrue) et, surtout, portion congrue, qui désignait sous l'Ancien Régime la part – censée être calculée de façon « convenable, appropriée » – de revenus que les paroisses versaient aux prêtres pour subvenir à leurs besoins. Dans les faits, ladite pension annuelle était à ce point modique que notre locution est entrée dans la langue familière comme synonyme de ressources à peine suffisantes pour subsister, en souvenir des « malheureux smicards en soutanes râpées » (1) : Être réduit à la portion congrue (notez l'article défini), c'est donc « n'obtenir qu'un strict minimum, dans un partage inégal » (2).

    Il faut croire que notre société moderne, après quelques décennies de relative abondance, s'emploie à faire la part de plus en plus belle à la portion congrue, tant ladite locution fleurit sans la moindre retenue dans les médias, à propos de tout ce qui est chichement mesuré. Qu'on en juge : « la place réservée au débat sur les retraites a été réduite à la portion congrue » (RFI) ; « le directoire du groupe, réduit à la portion congrue depuis le départ de... » (Le Monde) ; « un cinéma où, pour une fois, le scénario n'est pas réduit à la portion congrue » (L'Express) ; « l'accès aux films étrangers est réduit à la portion congrue » (Le Point) ; « la France de droite a été réduite géographiquement à la portion congrue » (Le Nouvel Observateur) ; etc.

    Notre journaliste ne fait donc pas exception à la tendance actuelle, en voulant signifier qu'un camp de Roms réduit à une portion (ou partie) congrue (interprété au sens abusif de « minimal ») c'est en l'espèce... un camp réduit au minimum ! Seulement voilà : cette extension de sens, aux allures de raccourci que d'aucuns jugeront incongru, n'est enregistrée, à ma connaissance, dans aucun ouvrage de référence : Littré, l'Académie et Robert s'en tiennent prudemment à l'idée de « ressources à peine suffisantes », à laquelle Larousse et le TLFi ajoutent celle, connexe, de « quantité de nourriture à peine suffisante ».

    Il m'étonnerait fort, pour autant, que la liste des emplois de notre portion congrue se réduisît comme peau de chagrin.


    (1) Claude Duneton, La puce à l'oreille, éd. Stock, 1978.

    (2) Xavier Renard, Les mots de la religion chrétienne, éd. Belin, 1993.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Dans le doute : Le bidonville a été fortement réduit, se réduit à vue d'œil (?).

     

    « Comme une légère différenceNe faire qu'un(e) »

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  • Commentaires

    1
    Trevorp
    Vendredi 13 Septembre 2013 à 18:45

    Et sur le site de France 24 : « On pensait l’influence de la Russie en recul durable, notamment au Moyen-Orient où son pré carré était réduit à la portion congrue. »

    2
    Vendredi 13 Septembre 2013 à 19:14

    Une mini-chasse gardée ?

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