• Parole d'expert

    « Le CHRU de Brest a développé une expertise reconnue nationalement » (dans l'examen des cordes vocales grâce à la vidéo-stroboscopie).
    (Laurence Guilmo, sur ouest-france.fr, le 27 août 2014)

    (photo tf1.fr)

      

    FlècheCe que j'en pense

    Les académiciens en sont restés... sans voix. Ne lit-on pas dans la dernière édition de leur Dictionnaire que le mot expertise, « employé absolument dans le sens de "compétence, savoir-faire, qualité d'une personne experte" », est « à bannir » ? Avouez que la condamnation, quand elle ne serait pas motivée, est d'une rare fermeté.

    Des voix ne manqueront pourtant pas de s'élever, avec quelque apparence de raison, contre cet anathème d'autant plus surprenant que notre substantif fut d'abord utilisé, dès le XIVe siècle, au sens de « habileté, adresse, expérience ». Pour preuve cette citation de Montaigne : « On y requeroit anciennement une expertise bellique [entendez une "expérience militaire", selon Littré] plus universelle. » Sur leur site Internet, les experts du quai Conti répondent à cet argument étymologique en haussant le ton : « [Le nom Expertise] ne doit pas être employé avec le sens d’Expérience, qu’il n’a plus depuis la fin du Moyen Âge. » Je m'interroge : pourquoi l'Académie ne s'est-elle pas contentée de faire précéder cette acception de la marque d'usage « vieilli », plutôt que d'appeler à sa condamnation ?

    Parce qu'il s'agirait d'un anglicisme, pardi ! Telle est du moins l'intime conviction chez Robert : « II. (sens repris à l'anglais, mais conforme à l'étymologie et à la morphologie) Compétence dans un domaine précis. Son expertise dans la gestion de projets est très appréciée. » De son côté, le Dictionnaire historique de la langue française, qui porte pourtant les couleurs de la même écurie, fait entendre une voix moins catégorique : « Le mot sert d'équivalent français à know-how, traduit autrement par savoir-faire. » Supputerait-on un glissement sémantique sous l'influence de l'anglais... sans le dire clairement ?

    La question reste entière : n'a-t-on pas pris un peu vite pour un anglicisme ce qui n'est peut-être que le retour en grâce d'un archaïsme ? Il va de soi que les locuteurs qui souhaitent réserver l'emploi du mot expertise à la procédure qui consiste à requérir l'avis d'un expert (Le juge a ordonné une expertise médicale) ou à l'estimation de la valeur d'un objet d'art (L'expertise d'un tableau, d'un bijou) peuvent toujours recourir à un équivalent, tel que savoir-faire ou compétence qui tient la corde (vocale)... au grand soulagement de l'Académie.

    Remarque : Yves Laroche-Claire, dans son ouvrage intitulé Évitez le franglais, parlez français, met en garde contre les risques de confusion, « car il est impossible de comprendre si l'expertise d'un antiquaire s'applique à l'étude qu'il mène pour déterminer l'authenticité d'un meuble ou désigne seulement sa compétence ». En l'absence de tout contexte, peut-être...

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Il a développé une compétence (selon l'Académie) reconnue nationalement.

     

    « La voix de l'exige(a)nceLa possibilité d'une coquille »

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  • Commentaires

    1
    anne
    Jeudi 18 Septembre 2014 à 07:10

    Mon expérience m'a permis de me rendre compte que « expertise » est surtout devenu un terme fourre-tout recouvrant les notions d'expérience, de compétence, de savoir-faire, qui reflète surtout la confusion d'esprit du locuteur. À tel point que l'on a un doute lorsqu'il s'agit vraiment d'expertise.

    Puisque des termes précis sont à notre disposition, pourquoi ne pas en profiter?

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