• Par delà les confins des sphères étoilées (1)

    « Au début, c’était une planète. Puis, les astrophysiciens ont décidé en 2006 que Pluton, l’astre au confins du système solaire découvert en 1930 par l'astronome américain Clyde Tombaugh, devait être ravalé au rang inférieur de planète naine. »
    (paru sur parismatch.fr, le 2 octobre 2014)

    Pluton (photo Wikipédia)


    FlècheCe que j'en pense

    Notre journaliste avait-il la tête dans les étoiles pour ainsi oublier que confins est un nom masculin toujours employé au pluriel ? C'est en tout cas ce qui se raconte dans la galaxie des spécialistes de la langue : « Confins ne s'emploie pas au singulier » (Thomas) ; « toujours au pluriel » (Girodet) ; « son singulier n'existe pas » (Dupré).

    Emprunté du latin confinia, pluriel de confinium (de cum et finis, « fin, frontière », d'où « limite commune à des terres », puis par métonymie « proximité, voisinage » et, au figuré, « état intermédiaire »), confins désigne proprement les parties d'un territoire situées à la limite d'un territoire voisin : Les confins d'un État, d'un département. D'après le Dictionnaire historique de la langue française, le mot a pris par extension le sens de « bout, espace éloigné » et a repris au latin le sens figuré de « passage intermédiaire entre deux situations » (Les confins du jour et de la nuit) et de « point extrême ». On le rencontre notamment dans la locution prépositive aux confins de, qui signifie « à la limite de, aux frontières de » : Un château situé aux confins du Périgord et du Quercy.

    N'en déplaise à nos experts, la forme confin s'est pourtant employée autrefois comme substantif au sens de « limite, borne » (et comme adjectif au sens de « limitrophe ») : « Ayant à passer une rivière au confin des hayes » (Jean de Serres, 1597) ; « Lorsqu'un mur est sur le confin, il est mitoyen » (Jean Domat, 1689) ; « Celui qui fait un fossé au confin de son héritage pour le garder » (Les œuvres de maistre Guy Coquille, 1703) ; « un fleuve qui servoit de confin à leurs terres » (Histoire philosophique & politique du commerce, de la navigation et des colonies des anciens dans la Mer-Noire, 1789). Rien que de très conforme, convenons-en, à l'emploi du latin confinium : arbores in confinio natæ (Varron, De lingua latina), « arbres qui ont poussé sur la limite ». Plus près de nous, le singulier se trouve encore − et moins rarement que le TLFi voudrait nous le faire croire − sous la plume d'Anatole France (« [Votre conte] si chargé de beauté mystérieuse et tout au confin des choses »), de Léon Daudet (« des terres inconnues, au confin de l'art et de la science »), de Charles de Gaulle (« essentiellement le confin de l'Orient de l'Occident »), de Jean Moréas (« Alors c'est la chute et le confin / Du fier palais qu'abritait la Nue »), de Louis Holtz (« l'intérêt pour Virgile ne subsistait plus que dans ces îles lointaines, au confin de l'univers »), de Denis Menjot (« Limite orientale extrême des agressions venues de l'ouest, confin intérieur en quelque sorte ») ou de Chaunes et Sylvoisal (« Il flotte au confin des mers grises »). L'obstination de ces beaux esprits à recourir à la forme critiquée confinerait-elle à la rébellion ?

    Ce qui est sûr, pour en revenir à notre affaire, c'est que l'association d'un article singulier (au) et d'un nom pluriel (confins) nous transporte irrésistiblement... aux confins de l'étrange.


    (1) Chacun aura reconnu dans ce titre un vers du poème Élévation de Charles Baudelaire.


    Remarque : Girodet et le TLFi mentionnent également la variante sur les confins de : « Aux extrémités de l'Asie, et sur les confins de l'Afrique » (Condorcet) ; « Ce lieu de purification [le purgatoire], placé sur les confins de la douleur et de la joie » (Chateaubriand).

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    L'astre aux confins du système solaire.

     

    « Des pareils au mêmePour faire court... »

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