• Voilà un mot régulièrement soumis à torture...

    Accueil (comme cercueil, cueillir, écueil, orgueil, recueil) s'écrit -ueil et non -euil.

    Je lui ai réservé un bon accueil (et non un bon acceuil).

    En effet, l'orthographe fautive acceuil se prononcerait asseuil...

     

    Rappel de la règle

    Dans un mot, le son œil s'écrit -euil (deuil, écureuil, fauteuil, seuil, etc.) sauf quand il est précédé du son ke ou gue. Dans ce dernier cas, on inverse le u et le e pour obtenir la bonne prononciation et la bonne orthographe -ueil.

    J'ai recueilli un écureuil.

     

    Remarque : Les membres d'un groupe Facebook estiment « plus joli et logique d'écrire acceuil au lieu d'accueil ». Reservons-leur l'accueil qu'ils méritent.

    Accueil

    Bon, ce sont des extra-terrestres, ils sont excusés...

     


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  • Voilà un verbe qui obnubile son monde, tant certains butent sur sa prononciation et son orthographe.

    Obnubiler – du latin obnubilare, couvrir de nuages (racine que l'on retrouve dans l'ancien adjectif nubileux) – est un verbe transitif qui signifie « obscurcir les facultés mentales, priver de discernement, fausser le jugement de ».

    La peur de se tromper obnubile son raisonnement.

    Par extension, être obnubilé par signifie « être obsédé par ».

    Elle est obnubilée par son âge.

    Pour quelles raisons ce verbe est-il actuellement soumis à tous les barbarismes – omnibuler (paresser tout le temps ?), obnibuler (rester bouche bée à la vue d'un obni dans le ciel ?), omnubiler (se faire de la bile à la vue d'un homme nu ?) – alors qu'il suffit de le décomposer selon son étymologie latine : ob-nubiler ? Peut-être sous l'influence des mots commençant par le préfixe omni-, « tout » (omnivore, omnibus...).

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    Remarque 1
    : Le verbe obnubiler s'emploie (rarement) à la forme pronominale :

    Sa pensée s'obnubile (= s'obscurcit).

    Remarque 2 : Pour information, je viens de découvrir qu'il existe un groupe sur Facebook intitulé « Tuons ceux qui disent "Omnibuler" ». Sans aller jusqu'à cette extrémité...

     

    Obnubilé

    Source : wawaa.canalblog.com

     


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  • Il est dans l'air du temps de reconnaître son erreur en recourant à l'expression au temps pour moi, laquelle est à l'origine d'un débat qui ne semble pas encore tranché.

    En effet, si la plupart des spécialistes tolèrent aujourd'hui la variante autant pour moi, certains, arguant que cette locution ressortit au langage militaire, plaident en faveur de la graphie avec temps : selon l'Académie française, l'expression au temps ! se dit pour ordonner au soldat de reprendre un mouvement − jugé imparfait − depuis son début, de revenir au temps précédent, où temps désigne (selon Littré) « l'action d'exercice qui s'exécute à un commandement, et qui se divise en mouvements pour en faciliter l'exécution » (1). On en trouve notamment trace sous la plume amusée de Courteline (« Recommencez-moi ce mouvement-là en le décomposant. Au temps ! Au temps ! », 1888), dans l'expression Au temps pour les crosses ! (ordre de recommencer une phase de maniement d'armes quand le bruit des crosses n'a pas été synchrone et, au figuré, formule signifiant qu'il faut recommencer ce qu'on vient de faire) ainsi que dans l'italien al tempo.

    L'origine militaire de au temps pour moi semble confirmée par ses premières attestations, fussent-elles relativement récentes : « D'ailleurs, au temps pour moi : maladresse ! » (extrait d'un « conte régimentaire » signé d'un certain Jacques de Garches, 1892) (2), « Les sous-officiers eux-mêmes étaient rêveurs et eurent des distractions à la manœuvre. On les entendit s'écrier plus d'une fois : "Au temps pour moi !" » (journal L'Intransigeant, 1916), « Cessez le feu ! Au temps ! Au temps pour moi !... » (Sous Verdun, récit de guerre de Maurice Genevoix, 1916) (3).

    Hors de la caserne, cette injonction n'a pu être correctement orthographiée, faute de référence originelle, laissant la voie libre à la graphie altérée autant pour moi qui s'est imposée au fil du « tant » : « On a perdu de vue le sens primitif de l'expression et l'on est tenté d'écrire autant pour moi, c'est-à-dire il faut que j'en fasse autant, que je recommence », observait ainsi René Georgin en 1964. Et le sens militaire de « c'est à reprendre » aurait progressivement glissé vers le sens figuré de « se tromper », pour concéder que l'on est prêt à reconsidérer sa position initiale... en deux temps trois mouvements.

    Je croyais qu'il était là, mais il est déjà parti. Au temps pour moi !

    Si ce que tu dis est vrai, alors je me suis trompé. Au temps pour moi !

    « Il avait fait une erreur dans un raisonnement délicat et il avait dit gaiement : "Au temps pour moi." C'était une expression [...] qui l'amusait » (Sartre, 1939).


    Pour autant (!), cette étymologie militaire ne fait pas l'unanimité. Selon André Thérive, au temps ! « pourrait bien n'être qu'une orthographe pédantesque [pour autant], dont l'origine serait assez récente » (Querelles de langage, 1933). Même perplexité chez Claude Duneton qui, dans un article du Figaro littéraire (daté de 2003) où la graphie au temps pour moi en prend tout autant pour son grade, revendique la forme autant pour moi comme l'ellipse de c'est autant pour moi (4), par analogie avec une ancienne locution populaire : autant pour le brodeur, « raillerie pour exprimer qu'on n'ajoute aucune foi à un récit », que ce qui vient d'être dit est un mensonge (5). De leur côté, Charles Bernet et Pierre Rézeau, persuadés que les deux expressions sont correctes et ont un sens identique, invitent toutes les parties à cesser le feu : « Autant pour moi ! Formule par laquelle quelqu'un reconnaît s'être trompé. À rapprocher de au temps pour moi, de même sens, qui est un emploi figuré de l'injonction militaire au temps ! traditionnellement utilisée, notamment lors de maniement d'armes » (Dictionnaire du français parlé, 1989).

    Cette querelle de haut gradés de la langue vous laisse indécis ? Vous êtes sur le point de rendre les armes ?Sans doute est-il temps d'opter pour la forme mea(-)culpa !

    (1) Cette acception de temps n'est pas réservée au seul domaine militaire, tant s'en faut : « Temps, en termes de musique et de danse, est une certaine distinction des pauses et des mouvements qu'on observe en battant la mesure, qu'il est nécessaire d'observer pour faire d'agréables cadences [...]. On le dit aussi dans les exercices militaires. Pour bien voltiger, il n'y a qu'à prendre bien son temps [...]. Ce cheval marque deux ou trois temps à son arrêt [...]. En escrime, il y a trois sortes de temps » (Dictionnaire de Furetière, 1690), « Temps se dit, dans la danse, dans l'escrime, dans les exercices militaires, etc. des moments précis pendant lesquels il faut faire certains mouvements qui sont distingués et séparés par des pauses » (Dictionnaire de l'Académie, depuis 1694). Aussi René Georgin fit-il observer à bon droit, dans ses Consultations de grammaire, de vocabulaire et de style (1964), que le tour au temps ! « s'emploie également quand il est question de mouvements à exécuter, dans les salles de gymnastique, d'escrime et de danse où l'on compte par temps » : « Au temps ! crie Brague [à un apprenti acrobate]. Tu l'as encore raté, ton mouvement ! » (Colette, 1910). 

    (2) La phrase sera modifiée en « D'ailleurs, autant pour moi : maladresse ! » dans une publication de 1898. Décision de l'éditeur, de ses troupes ou volonté de l'auteur qui aurait changé son fusil d'épaule ?

    (3) Et aussi, au civil : « Au temps pour moi, j'm'ai gouré » (Henri Duvernois, 1914), à côté de « Elle n’est pas là, pensa-t-il. Autant pour moi... Ma foi, allons-y tout de même ! » (Paul Reboux, 1902), « Autant pour moi ! Où donc aussi, / Avais-je la cervelle éparse ? » (Raoul Ponchon, 1920).

    (4) Comprenez : « J'ai autant d'erreurs que vous à mon service, [il faut m'en imputer autant], je ne suis pas meilleur qu'un autre », en réponse à ceux qui se demandent autant de quoi ?

    (5) Ledit tour − dont un équivalent en français contemporain pourrait être : Cause toujours ! − est attesté sous diverses graphies chez Rabelais (1532), Pierre de Larivey (1579), Nicolas de Cholières (1587), Jean de Serres (1597), Étienne Pasquier (avant 1615), Antoine Oudin (1640), Randle Cotgrave (1660), Scarron (1668), Furetière (1690), etc. Son origine n'en demeure pas moins incertaine : brodeur doit-il être considéré comme une altération de bourdeur (« celui qui dit des bourdes, des mensonges ») ou bien s'agit-il d'une « allusion aux tromperies des tailleurs de l'époque [qui], quand le prix était convenu pour un vêtement, en réclamaient le double, sous prétexte que la bordure n'était pas comprise » (Lazare Sainéan, Le Langage de Rabelais, 1976, à la suite d'Adrian d'Amboise, Discours ou Traicté des devises, 1620) ?

     

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    Remarque : Dans N'écris pas comme tu chattes (2011), Jean-Paul Jauneau ajoute à la confusion en préconisant de ne pas confondre « au temps pour moi, qui vient de l'exclamation militaire au temps pour les crosses ! et qui s'emploie pour signaler que l'on se rend compte d'une erreur d'appréciation ou de jugement, et autant pour moi, qui peut s'employer comme terme de comparaison, dans la langue populaire : J'ai dit cela ? Alors au temps pour moi, je me suis trompé. − "Je n'ai plus l'intention de revenir − Autant pour moi (= "moi non plus")." » Il me semble en effet que, dans le second exemple, la langue populaire dira plus volontiers : pareil pour moi !

    Subtilité : Il est bien évidemment des cas où l'emploi de l'adverbe de quantité autant ne peut être remis en question : Tu as acheté un kilo de tomates ? Achètes-en autant pour moi.

     

    Au temps pour moi
    (Illustration Rue 89)

     


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