• Levée d'un doute

    « Bruce Grannec, commentateur de e-sport pour L’Equipe 21, voit déjà les plus grands clubs lui emboîter le pas. "C’est l’avenir. Je m’attends à ce que dans les années à venir, il y ait plein de clubs qui organisent des matchs virtuels opposant leurs ambassadeurs, en levée de rideau de chaque match de football." »
    (William Audureau, sur lemonde.fr, le 17 février 2016)  
     

    FlècheCe que j'en pense


    Loin de moi l'intention de provoquer une levée de boucliers, mais j'en étais resté pour ma part à la graphie en lever de rideau. Telle est en tout cas la position de l'Académie : « En lever de rideau, en prélude à la pièce principale » (neuvième édition de son Dictionnaire).

    À la décharge de notre journaliste, il faut reconnaître que le risque de confusion entre les homophones levée, lever et levé est d'autant plus grand que ces trois noms ont pu avoir par le passé certains sens communs : en 1842, dans le complément de son Dictionnaire, l'Académie n'admettait-elle pas au pied levé la graphie « une levée de soleil » ? De nos jours, on distingue : la levée d'un corps, la levée du courrier, une levée de séance, la levée d'un siège, la levée des troupes, la levée des impôts (forme féminine substantivée du participe passé du verbe lever, employée au sens de « action d'enlever, de faire cesser ou de collecter ») ; le lever du soleil, le lever du roi, le lever du rideau (emploi substantivé du verbe lever, notamment réservé à l'action de se lever) ; le levé d'un plan, un levé de terrain (participe passé masculin substantivé du verbe lever).

    Toutes les hésitations ne sont pas levées pour autant. Ainsi l'Académie reconnaît-elle, à propos du dernier emploi au sens de « action de lever, de dresser un plan ; ce plan lui-même », que l'« on écrit aussi lever ». De même est-on fondé à s'interroger sur la distinction entre une levée de boucliers et un lever de rideau : n'est-il pas proprement question, dans les deux cas, de déplacer quelque chose de bas en haut ? Aussi ne s'étonnera-t-on pas de voir quelques plumes anciennes entretenir la confusion : « A la levée de la toile, les gens payés pour siffler firent un tapage affreux » (Bibliothèque des théâtres, dictionnaire dramatique, 1784) ; « Une des plus nobles morts qui se puissent imaginer est celle du curieux, indifférent à sa fin pour n'être attentif qu'à la levée de rideau qui va se faire et aux grands problèmes qui vont se dénouer pour lui » (Ernest Renan, 1890). Plus surprenant, car plus près de nous, cet exemple relevé dans Le Fils de Michel Rostain, Prix Goncourt du premier roman 2011 : « le ridicule cérémonial de la levée de rideau de garage. » Et que dire encore de ceux, nombreux, qui n'hésitent pas à écrire « au levé de rideau » ?
    Qu'ils se sont pris les pieds dedans !

    Remarque 1 : Selon le Dictionnaire de l'Académie, un baisser de rideau désigne l'action inverse.

    Remarque 2 : Lever de rideau se dit également, par métonymie, d'une petite pièce en un acte que l'on joue avant la pièce principale : « J'y vis pour la première fois − en fin de spectacle, après un lever de rideau probablement insignifiant [...] − deux actes de Phèdre avec Mme Berma » (Proust).

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    En lever de rideau de chaque match de football.

     

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  • Commentaires

    1
    Olivier
    Mardi 15 Mars 2016 à 15:40
    Olivier

    Il faut écrire « À la levée de la toile » et non « A la levée de la toile » : l'accent sur le « A » ne doit pas être (en)levé.

      • Mardi 15 Mars 2016 à 18:02

        Je vous rejoins. Mais il s'agit là d'une citation et j'avoue m'en être tenu à la graphie d'origine... qui n'était pas accentuée.

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