• Les dessous du séant

    « L'homme [...] s'était assis sur son séant et les regardait. »
    (René Barjavel, dans son roman Ravage)

     

     

     

    FlècheCe que j'en pense


    Les spécialistes de la langue, auprès de qui le maître de céans est allé s'enquérir séance tenante du bien-fondé de ladite locution, sont pourtant unanimes : « On évitera le pléonasme s'asseoir sur son séant » (Jean Girodet), « S'asseoir sur son séant [...] est du langage populaire » (Adolphe Thomas), « S'asseoir sur son séant est pléonastique » (Paul Dupré), « S'asseoir sur son séant est un pléonasme » (Louis Durrieu). C'est que, dans cette affaire, séant n'est autre que la forme substantivée du participe présent de seoir pris au sens de « être assis » (la variante moderne seyant jouant ce rôle quand ledit verbe est employé dans son acception plus courante de « convenir au physique, à la toilette »), laquelle est apparue à la fin du XIe siècle d'abord dans en seant, puis dans en son seant (« en position assise [en particulier à propos d'une personne qui est au lit] », par opposition à en son estant, « debout, sur ses pieds »), devenu sur son séant.

    Mais voilà : la redondance a beau être patente (s'asseoir en position assise...), le tour « se dit depuis des siècles », reconnaît Hanse. Jugez-en plutôt : « En sun seant se rest assis » (Le Roman d'Énéas, XIIe siècle), « En sun seant s'assist » (La Vie de saint Thomas le martyr, XIIe siècle), « En mon seant lores m'assis » (Le Roman de la Rose, XIIIe siècle), « En la chaere l'ont assis en séant » (Les Narbonnais, XIIIe siècle), « Chacun en son rang assis sur son seant » (Gabriel Sagard, 1636) et, plus près de nous, « Je viens d'être six nuits constamment assis sur mon séant » (Mirabeau), « Je m'assis sur mon séant » (Lamartine), « Il était gravement assis sur son séant » (Hugo), « Il put parler et s'asseoir un peu sur son séant » (Théophile Gautier), « Anna était assise sur son séant » (Paul Féval), « Il s'assit sur son séant » (Arthur de Gobineau), « [Les] folles de la Salpêtrière, assises sur leur séant dans leurs lits » (les frères Goncourt), « Il s'était assis sur son séant  » (Hector Malot), « Il la souleva, tâcha de l'asseoir sur son séant », « La vieille mercière, assise sur son séant », « [Les habitants] s'étaient assis sur leur séant (Zola), « Carhaix était assis sur son séant dans son lit » (Huysmans), « Il s'assit sur son séant » (Maupassant), « Lui dans ce lit, assis sur son séant » (Léautaud), « Elle s'assied sur son séant » (Colette), « Assis sur son séant comme ça » (Céline), « Il s'asseyait sur son séant » (Aragon), « Assis sur son séant, [il] chercha à tâtons le commutateur électrique » (Simenon), « Pierre était assis sur son séant » (Beauvoir), « Il s'assoit sur son séant » (Anouilh), « Le chien Horla, très noir, assis sur son séant au beau milieu de la rivière gelée » (Renaud Camus), « Macé, assis sur son séant, [...] se frottait la gorge » (Jean-Christophe Rufin), « Le groenendael se tenait face à lui, assis sur son séant » (Sylvie Germain). Avouez qu'il y a de quoi laisser le lecteur sur le c... !

    Dupré, dans une langue ô combien séante, plaide l'indulgence pour les contrevenants : « Nous ne condamnons pas trop sévèrement ceux qui emploient cette expression [car] le sens de séant n'est pas saisi par chacun comme le participe présent de seoir, verbe ancien défectif. » L'argument, que les mauvaises langues trouveront sans... fondement, prête à sourire : car enfin, qui peut croire que Hugo et consorts ignoraient cette parenté ? Dans le doute, mieux vaut encore s'en tenir aux formes être, se mettre, se (re)dresser sur son séant, irréprochables dans toutes les positions.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    L'homme s'était mis sur son séant.

     

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