• Le front de la discorde

    « Le PDG de Radio France, obligé depuis quelques jours de répliquer sous tous les fronts, se retrouve pris en étau entre les syndicats de l’entreprise (...) et les cercles gouvernementaux » (à propos de Mathieu Gallet, photo ci-contre).
    (Anne Sogno, sur nouvelobs.com, le 25 mars 2015) 

    (photo radiofrance.fr)

     

    FlècheCe que j'en pense


    Pas d'embellie, à première vue, sur le front de la syntaxe. C'est que j'en étais resté, pour ma part, à l'expression sur tous les fronts (avec la préposition sur), laquelle serait née sur les champs de bataille. En termes militaires, front désigne en effet l'étendue que présente une troupe déployée en ligne, une armée rangée en bataille et, par métonymie, la zone des combats, le théâtre des opérations : Aller, monter au front. Être envoyé au front, être sur le front. Au figuré, être (attaquer, avancer, combattre, lutter, répliquer, se déployer, s'engager...) sur tous les fronts signifierait « agir en toutes directions, s'investir dans tous les combats pour s'assurer la réussite », quand la locution sur le front de aurait le sens de « sur le terrain de, en matière de ». J'écris là au conditionnel, car force m'est de constater, contre toute attente, que ledit emploi figuré ne... figure pas à ma connaissance en première ligne dans les dictionnaires usuels et les ouvrages de référence. Je crois même ne pas me tromper en affirmant qu'il est carrément ignoré de la plupart des spécialistes. Et pourtant, les attestations ne manquent pas : « Sur le front de la grammaire, sur le front du vocabulaire » (titres de rubriques de la revue Défense de la langue française) ; « Sur le front de l'orthographe » (François de Closets) ; « Romans, poèmes, essais, traductions, Alain Bosquet, désormais connu sous ce nom, sera présent sur tous les fronts de la littérature » (Robert Sabatier) ; « Vous nous aiderez puissamment sur le front de la francophonie » (Jacques de Bourbon Busset, membre de l'Académie française) ; « cette tâche formidable et décisive sur le front économique et social » (Jean-Jacques Servan-Schreiber) ; « A ceux qui lui reprochaient de trop s'engager sur le front diplomatique » (Jacques Chirac) ; « [Ils] ont trouvé la mort sur le front des loisirs » (Pierre Daninos) ; « De profonds changements s'opèrent sur tous les fronts : l'économique et le pratique, le pouvoir social et politique, le savoir et la science, enfin » (Alain Rey).

    La polysémie du mot front − qui désigne proprement la partie supérieure du visage et, spécialement, la tête comme siège de la pensée, de la volonté − n'est sans doute pas étrangère à la substitution des prépositions : Rimbaud n'évoque-t-il pas, dans Soleil et chair, « la pensée invincible (qui) brûlera sous son front », quand René Boylesve dénonce « une idée qui ne pénétrait qu'avec d'extrêmes difficultés sous tous les fronts » ? De là, peut-être, ces exemples fautifs relevés sur la Toile : « se battre sous tous les fronts pour le collectif » (La Nouvelle République) ; « la programmatrice du festival est sous tous les fronts » (La Dépêche) ; « une carrière équestre menée sous tous les fronts » (Valeurs Actuelles) ; « Une actrice sous tous les fronts » (Première). Il n'empêche : mieux vaut ne pas s'emmêler les prépositions si l'on veut éviter d'avoir le rouge au front.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Il est obligé de répliquer sur tous les fronts.

     

    « Le vif du sujetFoi de caribou ! »

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  • Commentaires

    1
    Michel JEAN
    Mardi 7 Avril 2015 à 10:12

    S'lt, polysémie de sens de certains mots ok, mais la prép ne peut-elle exprimer une notion spatiale, elle(s) aussi?), dans un contexte. Merci? r'Bye.

    2
    Mardi 7 Avril 2015 à 10:51

    Quand front est pris au sens de "partie supérieure du visage", "tête", oui.

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