• Le coup du balai

    Le coup du balai

    « Cet étrange balai diplomatique dans le monde irréel des salles de réunions monétaires me laisse inquiet. »
    (Bruno Colmant, sur son blog, le 30 juin 2015)
     

     

    FlècheCe que j'en pense


    Il est des coquilles plus savoureuses que d'autres. Celle que je viens de dénicher sous la plume de Bruno Colmant, membre de l'Académie royale de Belgique, est une perle de la plus belle eau (savonneuse). C'est que, excepté dans le Cendrillon de Prokofiev, le balai n'a jamais fait bon ménage avec le corps de ballet − pas davantage avec le corps diplomatique.

    La faute, argueront les esprits les plus enclins à passer l'éponge, à cette langue qui multiple les homophones pour mieux nous faire mordre la poussière. Avouez qu'il faut être sacrément balaise (ou balèze) pour parvenir à distinguer au premier coup de chiffon l'outil du balayeur (balai, probablement emprunté du breton balazn, « genêt », d'origine gauloise) de l'équivalent familier d'« année d'âge » (balai, d'origine obscure), de la forme conjuguée du verbe balayer (il balaie), de l'adjectif qui se dit d'un rubis rose (balais, emprunté du latin balagius, altération de l'arabe balakhtch, du nom d'une région de l'Asie centrale), du verbe qui signifie « osciller, se balancer » (baller, emprunté du latin ballare, « danser », adaptation du grec ballein, « jeter ») ou encore de la composition chorégraphique (ballet, emprunté de l'italien balletto, « petit bal, danse mimée », diminutif de ballo, « bal »). C'est cette dernière forme que l'on rencontre également, depuis la seconde moitié du XXe siècle, au sens figuré d'« activité intense (notamment lors de négociations dans le secteur politique ou administratif), marquée par des allées et venues, des échanges qui semblent réglés comme un ballet » : le fameux ballet diplomatique.

    Ce que l'on sait moins, c'est que ladite expression est également attestée au sens propre. Elle se disait autrefois d'un divertissement de cour ayant pour argument un sujet diplomatique, « comme la conclusion de traités de paix ou d'alliance, la réception d'ambassades étrangères ou la célébration de mariages princiers » (Marie-Claude Canova-Green) : « Les interprètes dansèrent pour eux, et s'ils n'avaient pas des grâces, au moins suivaient-ils régulièrement la mesure : qu'y a-t-il de plus compassé qu'un ballet diplomatique ? » (Louis-Sébastien Mercier, 1784) ; « Les petits théâtres de Paris sont assujettis à une rétribution au profit des riches : le mélodrame paie injustement tribut à l'Opéra et au ballet diplomatique » (Archives parlementaires, 1830).

    Notre académicien pourra toujours se consoler en constatant qu'il est de rares cas où l'image du balai se superpose volontiers à celle du ballet : le ballet des ministres n'est-il pas souvent l'occasion d'un bon coup de balai au sein du gouvernement ?

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Cet étrange ballet diplomatique.

     

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  • Commentaires

    1
    Lundi 2 Novembre 2015 à 10:40

    Bonjour,

     

    Balai, ballet : cette erreur ne semble pas si rare. Lu dans Le Figaro du 20.03.2012 : Deux jeunes collégiennes viennent à peine d'arriver sur place alors que dans la rue, le balai des ambulances et des voitures de police se poursuit. (Novembre 2015 : l'erreur n'a pas été corrigée.)

     

    Ricoxy

      • Lundi 2 Novembre 2015 à 16:47

        Hélas...

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