• La guerre du h aura-t-elle lieu ?


    « La réthorique n'est pas la même lorsqu'on partage le pouvoir. »
    (paru sur lemonde.fr, le 27 mai 2014)  

     

     

     

    FlècheCe que j'en pense

    Jacques Capelovici n'y était pourtant pas allé par quatre chemins : « Il ne faut pas déplacer l'h de ce nom pour le déformer en réthorique, comme on peut le lire assez souvent », écrivait-il en 1991 dans son Guide du français correct.

    C'est que rhétorique est emprunté du grec rhêtorikê, « art de l'éloquence », lui-même dérivé de rhêtôr, « rhéteur » − où rh (que l'on retrouve dans rhésus, rhinocéros, rhododendron, rhume, etc.) est la transcription de rhô, dix-septième lettre de l'alphabet grec. Force est pourtant de constater que, par le passé, le bougre n'a pas manqué de variantes orthographiques peu soucieuses de ses origines hellènes : retorique, rettorique, rectorique, retoricque... À la fin du XVIIe siècle, alors que l'Académie adoptait la graphie rhétorique dans la première édition de son Dictionnaire, Richelet − par esprit de contradiction ? − continuait d'écrire rétorique dans son propre ouvrage. C'est à la même époque, semble-t-il, que ce damné h entama sa partie de cache-cache. On trouve ainsi, parmi de nombreux exemples, une « figure de réthorique » suspecte dans une édition du Dictionnaire de Trévoux, datée de 1732, et un non moins contestable « parler selon les règles de la rhéthorique », dans le Dictionnaire des verbes latins (1863) d'Henri Bescherelle, frère du fameux Louis-Nicolas. Les grandes figures du style littéraire n'échappent pas aux critiques : Madame de Maintenon « parle de logique, de rhétorique » ou de « réthorique » selon les sources ; Jean de La Fontaine se prend à évoquer « les préceptes de la rétorique », graphie devant laquelle ne rechignera pas Baudelaire − grand fumeur de h devant l'Éternel − quelque deux siècles plus tard (1).

    On l'aura compris : la confusion ne date pas d'hier, et c'est un euphémisme. Un seul mot d'ordre s'impose, à ce stade du discours : ne pas se laisser influencer par l'adjectif pléthorique ! À moins que... À moins que l'Académie, dans son infinie sagesse, ne se décide enfin à appliquer à rhétorique ce qu'elle a déjà accepté pour certains de ses petits camarades d'origine grecque : opter pour la graphie r plutôt que pour rh. Que l'on songe à rythme (emprunté du grec rhuthmos) ou à hémorragie (de haimorrhagia), que Littré préférait orthographier rhythme et hémorrhagie pour garder l'empreinte de leur étymologie.

    De là à préconiser la suppression pure et simple des lettres grecques de notre lexique, il n'y a qu'un pas que plus d'une tentative de réforme de l'ortografe, pardon, de l'orthographe aurait aimé franchir. « Prenons un parti, proposait ainsi Émile Faguet dans sa Simplification simple de l'orthographe (1905) : francisons tous les mots grecs, comme le voulait Ronsard, sans distinction. Plus de th, de ph, de ch dur, de rh. Au lieu de th, t ; au lieu de ph, f. Les Italiens font ainsi depuis un siècle. Sont-ils en décadence ? Plus de rh ; tout simplement r. On écrit déjà rythme, pourquoi n’écrirait-on pas rétorique ? C’est plus près du mot grec et cela n’a pas figure barbare et cela serait commode pour les enfants qui ne savent jamais si h est après le t ou après l’».

    Il faut croire, en ce début de XXIe siècle, que les enfants ne sont pas les seuls à ne jamais savoir avec certitude où déterrer le h de naguère.

    (1) Selon Henk Nuiten, « une faute habituelle de Baudelaire est celle qui consiste à écrire, s'il n'y prend garde, "rétorique" au lieu de "rhétorique" : « Si tu n'as fait ta réthorique  » (Épigraphe pour un livre condamné) ; « Voici quelques lignes qui sentent bien l'écolier, et la pédanterie qui réussit en humanités et en rétorique » (Lettre à son frère).

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    La rhétorique.

     

    « Et si on retirait le bas ?En fin de compte »

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