« L'ancien chef de l'Etat a ensuite ajouté : "J'appelle tous les Français à refuser la tentation de l'amalgamme et à présenter un front uni face au terrorisme." »

(paru sur lesechos.fr, le 7 janvier 2015) 

 
Nicolas Sarkozy (photo Wikipédia sous licence GFDL par EPP)

Ce que j'en pense

Force est de constater que l'heure n'est pas au front uni contre le relâchement orthographique. C'est qu'il ne vous aura pas échappé que notre journaliste s'est emmêlé les consonnes entre amalgame, emprunté du latin des alchimistes amalgama (lui-même probablement formé sur l'arabe 'amal al-djama'a, « œuvre de l'union charnelle », par analogie avec l'alliage d'un métal et du mercure), et gamme, emprunté du grec gamma, nom de la troisième lettre de l'alphabet.

Il faut dire que notre substantif − qui s'écrit avec deux fois un seul m, donc − est placé de longue date sous le signe de la confusion. Confusion sur le front de l'orthographe, d'abord : outre les approximations déjà évoquées, on ne compte plus les variantes qui ont eu cours depuis le XIII^e siècle (algamala, alguamala, almagala et algamana chez Rabelais ; algame au XVII^e siècle). Confusion sur le genre, ensuite : n'en déplaise à Sénac de Meilhan (« la première amalgame des divers éléments »), à Catineau (Nouveau dictionnaire de poche de la langue française, 1821) et aux académiciens de 1762 qui, dans un moment d'hésitation, le déclarèrent féminin (quatrième édition du Dictionnaire de l'Académie), amalgame est aujourd'hui unanimement considéré par les spécialistes de la langue comme un substantif masculin. Le bougre désigne proprement l'alliage d'un métal avec le mercure (spécialement, en dentisterie, le mélange métallique utilisé pour obturer les dents cariées) et, au figuré, un mélange de personnes, de choses de toutes sortes qui ne sont pas ordinairement unies : « un amalgame confus de formules kantiennes mal comprises et d'hypothèses aussi dépourvues jusqu'ici de preuve que de portée » (Jean Jaurès).

Voilà qui devrait nous préserver, à l'avenir, de « cette amalgamme monstrueuse » dénichée sous la plume d'un abbé François Manet... qui ne croyait pas si bien dire !

Ce qu'il conviendrait de dire

Refuser la tentation de l'amalgame.