• Errare humanum est


    « Le grand perdant est France 2. Les errements de la programmation en avant-soirée ont pesé lourd. »
    (Enguérand Renault, sur lefigaro.fr, le 26 avril 2014)

     




    FlècheCe que j'en pense

    Rien de bien répréhensible, pensez-vous, du point de vue de la langue ? Voilà qui serait compter sans la mise en garde de l'Académie : « [Errements] ne doit pas être employé dans le sens d'Erreurs. »

    C'est que l'on ne manque pas d'erre, en français ! Figurez-vous qu'il existait à l'origine deux verbes errer bien distincts. Le plus ancien, apparu au Xe siècle sous la forme edrer et dérivé du latin iterare, signifiait « voyager, agir, se comporter de telle ou telle façon ». Il disparut au XVIe siècle, au profit de son concurrent homonyme − attesté vers 1170 et emprunté quant à lui du latin errare −, qui prit le double sens que nous lui connaissons aujourd'hui : « aller çà et là, marcher à l'aventure » puis « faire fausse route », d'où au figuré « faire erreur, se tromper ».

    Ainsi découvre-t-on que les chevaliers errants n'avaient en rien perdu leur chemin, mais parcouraient le monde pour accomplir des exploits ; que le calembour dans quel état j'erre ? ressortit (selon le Dictionnaire historique de la langue française) au sens ancien de « gouverner, gérer » ; et, surtout, que notre substantif masculin pluriel, dérivé du premier verbe errer, n'a rien à voir avec erreur, issu du second. C'est donc par confusion paronymique que errements est employé plus souvent qu'à son tour avec une valeur péjorative que n'implique pourtant pas son sens originel de « manière d'agir, démarches habituelles » : Agir conformément à ses errements (entendez à ses habitudes). Une confusion « si vieille et si naturelle, à cause du voisinage de forme et de sens », constate Hanse, qu'elle aura tendance à se généraliser. Difficile, en effet, de nos jours, de ne pas sourire à l'évocation des errements de l'Administration, alors qu'il est proprement question des habitudes, des règles de fonctionnement des services de l'État, non de ses égarements !

    Il n'empêche : on en vient à se demander s'il ne valait pas mieux parler, dans l'affaire qui nous occupe, des errances de la programmation ou des erreurs de programmation, selon que l'on souhaite insister sur l'idée de tergiversation, d'hésitation ou de méprise, de bévue. Laissons à Engu... errant, pardon, à Enguérand Renault le soin de trancher.


    Remarque : Grevisse note, à propos d'errements, que le glissement de sens, sous l'influence d'erreur, de « manière d'agir » à « attitude blâmable » a été accepté par l'Académie dans la dernière édition de son Dictionnaire, « mais non l'assimilation complète à erreurs ».

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Les errances (?) de la programmation.

     

    « Pouah !Ça sent le gaz... »

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