• Encore eût-il fallu(s)...

    « L'alphabet s'est fixé dans ma tête en sept jours, ces sept jours qu'il a fallus à Dieu pour créer le monde. »
    (Carole Martinez, dans son livre La terre qui penche, publié aux éditions Gallimard)  
     
     

     

     

    FlècheCe que j'en pense


    Sans doute est-il besoin de rappeler ici que le participe passé des verbes impersonnels (ou pris impersonnellement) est toujours invariable : Les sommes qu'il nous a fallu (Hanse, Thomas), Les sommes qu'il a fallu ont paru énormes (Grevisse), Toutes les peines qu'il a fallu pour mener à bien cette entreprise (Girodet), La patience qu'il nous a fallu (Larousse en ligne), Les deux heures qu'il m'a fallu (Bescherelle), Personne n’oubliera les négociations qu’il a fallu pour en arriver à cette entente (Office québécois de la langue française).

    La raison de cette invariabilité nous est expliquée par Littré : « Que de travaux il a fallu pour l'achever, et non fallus ! Il a fallu des travaux équivaut à : des travaux ont fallu, c'est-à-dire ont fait besoin. Mais comme falloir, en vertu de l'usage, n'est susceptible que de la construction impersonnelle, l'explication est : il (c'est-à-dire les travaux) a fallu, c'est-à-dire a fait besoin. Voilà pourquoi dans la phrase citée, fallu reste invariable. » Disons plus simplement que, le verbe falloir n'étant pas transitif direct (on ne peut falloir quelque chose, pas plus que l'on ne dit que quelque chose est fallu), les travaux est d'ordinaire présenté, non pas comme COD (n'en déplaise à tous ceux qui seraient tentés de se poser la question canonique « Il a fallu quoi ? »), mais comme sujet logique (ou réel), par opposition au pronom neutre il, appelé sujet grammatical (ou apparent).

    L'honnêteté m'oblige toutefois à préciser que cette analyse, bien que couramment admise, ne fait pas l'unanimité − tant s'en faut − chez les spécialistes de la langue. Que l'on songe à Ferdinand Brunot, qui n'hésite pas à « considérer comme un véritable complément d’objet les séquences des impersonnels » ; à Léon Clédat, pour qui « il n'y a pas lieu de condamner l'accord suivant : Tous les soins qu'il a fallus... » ; ou encore à Gérard-Raymond Roy, qui fait observer avec quelque apparence de raison que, « quand un verbe impersonnel accepte la pronominalisation par le, la, les, cette soustraction arbitraire à l'accord ne devrait pas exister ». Grevisse coupe court à la polémique : « On peut discuter de la fonction des éléments qui accompagnent  les verbes impersonnels, mais, pour l'accord du moins, on ne traite pas ces éléments comme des objets directs ». Voilà qui a le mérite d'écarter, dans notre affaire, tout risque de dérapage grivois...

    Voir également le billet Falloir

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Ces sept jours qu'il a fallu à Dieu pour créer le monde.

     

    « Négation au choixGrenouille et pomme de discorde »

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 11 Mars 2016 à 12:37

    J'apprécie beaucoup... (je fais attention à ne pas faire de fautes...) votre site... Et j'en suis le rss avec grand plaisir...

    Ah mais tiens... "à ne pas faire de fautes" ou "ne pas faire de faute"... Jusqu'à votre réponse future je mets toujours un "s" lorsque cela sous-entend un éventuel pluriel...

    Mais qu'en est-il en bon français de chez nous autres ?

      • Vendredi 11 Mars 2016 à 16:01

        En général, le nom garde le nombre (singulier ou pluriel) qu'il aurait dans la tournure positive : Je fais attention à faire... des fautes ! Le pluriel me semble donc préférable.
        Je vous invite à consulter cet article.

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    2
    Dimanche 13 Mars 2016 à 19:06

    Mmmh... merci pour votre réponse. J'ai bien lu l'article cité qui me conforte dans l'idée que j'avais...

    Puisqu'on y est... et si l'on dit : Sans aucune fautes... N'est-on pas tenté de mettre le singulier puisqu'on précise bien qu'il n'y en a pas du tout par l'ajout de "aucune"... ?

      • Dimanche 13 Mars 2016 à 20:09

        Dans ce cas, le singulier s'impose : sans aucune faute (mais sans aucuns frais).
        Voir cet article.

    3
    Lundi 14 Mars 2016 à 11:57

    Merci :)

    4
    danielle
    Vendredi 8 Avril 2016 à 22:46

    dans une citation comme celle-ci, ne peut-on imaginer que c'est une "coquille" de l'imprimeur??? ça me paraît tellement...

      • Samedi 9 Avril 2016 à 20:16

        C'est toujours possible, mais je ne le pense pas...

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