• Écart de lang(u)age

    « Aux yeux de la gauche, la droite considère que les chômeurs sont des coupables, alors que pour la gauche [ce] sont des victimes. François Hollande lui-même, en février 2012, reprenait ce distingo pendant la campagne présidentielle. »
    (Marie-Ève Malouines, sur franceinfo.fr, le 2 septembre 2014)

     

    FlècheCe que j'en pense

    N'en déplaise à PSA Banque et à son fameux livret d'épargne, le substantif masculin distinguo − tout comme l'adjectif (controversé) distinguable − a conservé son u intercalaire qui, certes, ne se prononce pas en français, mais se justifierait du point de vue de l'étymologie : le bougre n'est-il pas le calque du latin distinguo (« je distingue »), première personne du singulier de l'indicatif présent du verbe distinguere, employé substantivement − à l'instar de credo, placebo, lavabo, mémento (mais pas de... zesto) ?

    Si l'on en croit Littré, il s'agit à l'origine d'un « terme d'argumentation scolastique » désignant l'action d'énoncer une distinction et, par métonymie, cette distinction elle-même. D'après Girodet, la langue courante − pour ne pas dire familière − l'emploierait, depuis lors, avec une connotation « un peu péjorati(ve) », au sens de « distinction (excessivement, inutilement) subtile, compliquée » : Voilà des distinguos bien arbitraires ! ; « Il avançait un peu la mâchoire, avec l'air amusé de faire un distinguo, de rouler une objection de principe » (Sartre). Soit dit en passant, il ne me semble pas que cette marque d'usage − absente, au demeurant, de la dernière édition du Dictionnaire de l'Académie − soit encore d'actualité. Un distinguo, dans la bouche de nos contemporains, n'est désormais rien d'autre qu'une distinction... en plus savant !

    À la décharge de notre journaliste, reconnaissons tout de go que la graphie francisée distingo s'est rencontrée autrefois, dans le Dictionnaire de Trévoux, dans le Dictionnaire de Furetière et dans celui de Féraud, notamment. Cette variante est même plébiscitée, de nos jours, par des linguistes et des grammairiens aussi distingués que Wilmet et Lenoble-Pinson, « de façon à conférer une portée tout à fait générale à cette règle simple : devant a ou o, le phonème /g/ s'écrit g, gu devant e et i ». Voilà qui aurait, en effet, le mérite de rendre la graphie conforme à la prononciation, mais qui ne devrait pas faciliter le... disting(u)o entre le participe présent et l'adjectif verbal des verbes en -guer.

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Il reprenait ce distinguo (selon l'Académie).

     

    « Peu... mieux faireUn lièvre écorché »

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  • Commentaires

    1
    Chambaron
    Samedi 13 Juillet 2019 à 12:06
    Chambaron

    Une fois de plus, le souci de vouloir tout et son contraire nuit à la langue et rend les choses illisibles. Comment accepter que la francisation des mots étrangers obéisse à l'arbitraire de quelque lettré de passage et inconséquent avec toute règle ?

    Il y a bien deux termes différents :
    — le terme savant latin 

      • Chambaron
        Dimanche 14 Juillet 2019 à 00:24
        Chambaron

        (mon message n'est étrangement pas passé en intégralité…)

        Il y a bien deux termes différents :
        — le terme savant latin "distinguo", avec son sens d'origine, non francisé, écrit en italique et prononcé distin-gwo ;
        — Le terme moderne "distingo", francisé, écrit en romain et prononcé distin-go.

         

        Il en va de même avec de nombreux latinismes dont le sens d'origine s'est émoussé voire évanoui avec le temps et la vulgarisation. Cela éviterait ainsi de cautionner artificiellement la graphie aberrante de "distinguable", dans laquelle le "u" constitue une exception aberrante à la formation de tous les mots en -gable.

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