• Dont qui choque

    Dont qui choque

    « A l'exception d'une carte de transports, dont on peut douter de l'utilité, elle n'a cependant rien de très étonnant à déclarer » (à propos de Roselyne Bachelot, photo ci-contre, se livrant avec ironie à un exercice de transparence sur la chaîne D8).
    (paru sur Pure medias, le 9 avril 2013)
    (photo Wikipédia sous licence GFDL par MEDEF)

     

    Dont qui choque

    « Son couple avec Sarah Jessica Parker, l'expression peu flatteuse dont il est à l'origine, comment il cache sa petite taille... Voici dix anecdotes sur le héros d'Iron Man dont vous n'étiez sûrement pas au courant » (à propos de l'acteur Robert Downey Jr., photo ci-contre).
    (Anaïs Giroux, sur lexpress.fr, le 12 avril 2013)
    (photo Wikipédia sous licence GFDL par Georges Biard)

     
     
    FlècheCe que j'en pense


    L'Académie nous a pourtant mis en garde dans la dernière édition de son Dictionnaire :

    « En principe, dont ne peut dépendre d'un complément introduit par une préposition. Ainsi, on ne dira pas : Son fils, dont il songe à l'avenir, ou son fils, dont il se réjouit de la réussite, mais son fils, à l'avenir de qui il songe, ou son fils, de la réussite duquel il se réjouit. »

    Philippe Martinon confirme :

    « Le pronom dont n'admet pas à côté de lui d'autre préposition que celle qu'il contient. En ce cas, et contrairement à l'usage qui exige que le relatif soit toujours en tête de sa proposition, on est obligé de le mettre à la suite du complément indirect ; mais il se change en de qui, ou duquel : l'homme à la mère de qui ou duquel j'ai parlé [et non : l'homme dont j'ai parlé à la mère] » (Comment on parle en français, 1927).

    Dans le premier exemple qui nous occupe, dont, mis pour carte de transport (le pluriel me semble ici superflu), est complément du nom utilité, lui-même introduit par la préposition de. Aussi n'écrira-t-on pas avec notre journaliste une carte de transport, dont on peut douter de l'utilité, mais une carte de transport de l'utilité de laquelle on peut douter (1). Reconnaissons d'emblée que le tour correct est assez lourd et justifie le plus souvent (à l'oral notamment) de repenser la construction de la phrase. En l'espèce, on écrira plus simplement : une carte de transport, dont l'utilité peut être mise en doute.

    Les deux exemples qui suivent sont plus discutés. Une stricte application de la règle conduit à écrire : l'expression à l'origine de laquelle il est, dix anecdotes au courant desquelles vous n'êtes sûrement pas – et telle serait sans doute la position de puristes... faisant fi des réserves émises par Hanse et par Goosse :

    « Le nom complété par dont ne peut aujourd'hui [2] être précédé d'une préposition, à moins qu'il ne fasse partie d'une locution figée comme faire du cas, venir à bout, être à l'écart [...]. On dit très bien : L'homme dont vous faites tant de cas » (Hanse, Nouveau Dictionnaire des difficultés du français moderne, 1981).

    « Dont est admis comme complément de à bout, en possession : Des esprits durs, indisciplinables, Dont on ne peut venir à bout (Corneille). Une dernière défense [...] dont le médecin venait facilement à bout (frères Goncourt). La fortune dont je fus mis en possession à la mort de ma mère (Julien Gracq). Pourtant, on dit aussi, ce qui est préférable : Une défense à bout de laquelle il viendra. Des images [...] en possession desquelles j'allais entrer (Proust) » (Goosse, Le Bon Usage, 2011).

    En l'occurrence, on aurait davantage souhaité que nos spécialistes fissent plus de cas des locutions être à l'origine de, être au courant de ! Est-on fondé à les considérer comme figées ? La question est posée.

    Terminons ce tour d'horizon en observant que l'emploi de dont passe pour régulier quand il est complément, non pas d'un nom simple, mais d'un nom composé ou d'une locution nominale (Cet homme dont on admire la force de caractère, la présence d'esprit, le chapeau de paille...) et pour admissible quand il dépend à la fois du sujet de la subordonnée et de son complément : Une princesse dont les cheveux flottent sur les épaules (ce sont les cheveux et les épaules de la princesse), Cet homme dont l'intelligence transpirait dans le regard.

    Voilà sans doute ce qui se cache derrière l'énigmatique « en principe » cité en introduction : des exceptions... dont l'Académie aurait mieux fait de nous tenir informés.


    (1) La phrase a été remaniée par son auteur le 28 novembre 2013.

    (2) Cet emploi de dont, aujourd'hui critiqué par les grammairiens, était courant à la Renaissance (si l'on en croit Étienne Le Gal) et se rencontre encore au XVIIe siècle : « Il est des sympathies Dont par le doux rapport les ames assorties S'attachent l'une à l'autre » (Corneille), « Luy dont à la maison Vostre imposture enleve un puissant heritage » (Molière).


    Remarque : Voir également le billet Dont.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    À l'exception d'une carte de transport, dont l'utilité peut être mise en doute.

    Et puisque le doute est de mise, on dira de préférence : L'expression peu flatteuse qu'il a inspirée (ou dont on lui attribue l'origine). Voici dix anecdotes que vous ignoriez sûrement.

     

    « MysogyneSans bourse déliée »

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  • Commentaires

    1
    Karin
    Mercredi 3 Mai 2017 à 15:53
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    L’analyse de la façon dont le projet de l’École Polytechnique de Thiès a été mené, - et on pourrait dire la même chose des autres projets dont j’ai participé à l’évaluation –, nous montre toute la difficulté de ces opérations qui mettent en évidence les différences de culture parfois considérables.

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    Roland Parenteau : Dans les coulisses de la Révolution tranquille : Mémoires du fondateur de l’École nationale d’administration publique ENAP. Fondation littéraire de Lys, Laval, Québec, 2008.

    Est-ce que cette phrase est correcte?

      • Mercredi 3 Mai 2017 à 19:50

        Les projets à l'évaluation desquels j'ai participé serait de meilleure langue.

    2
    Lala
    Vendredi 13 Juillet 2018 à 13:31

    Bonjour,

    Est-il correct d'écrire :

    "... un homme qu’elle a aimé et dont elle a eu un fils" ?

      • Dimanche 15 Juillet 2018 à 15:24

        Oui, votre phrase est correctement écrite.

    3
    Michel Jean
    Vendredi 22 Novembre 2019 à 09:32

    Bonjour M.Marc, une carte de transport, dont l’utilité n’est pas avérée, me semble préférable. Mais que pensez-vous des exemples où dont peut être remplacer par d’où ? comme cela est expliqué dans Le Bon Us. P927. Merci.

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