• Docteur ès lettres

    Étrange préposition que voilà, qui semble embarrasser jusqu'à nos meilleurs auteurs...

    Ainsi, Baudelaire, dans sa dédicace des Fleurs du Mal à Théophile Gautier, rendit hommage « au magicien ès langue française »... en commettant une singulière faute de syntaxe !

    En effet, de la même façon que des est la forme contractée de de les, ès provient de la contraction de en les. Par conséquent, la préposition ès ne peut être suivie que d'un nom au pluriel. Voilà pourquoi on écrira : docteur ès lettres (ou magicien ès lettres françaises, comme dut le corriger Baudelaire après avoir un temps opté pour un non moins singulier ès langues françaises) mais docteur en droit.

    Cette formulation archaïsante n'est plus guère employée que dans la dénomination de certains titres universitaires, avec le sens de « spécialiste, qualifié », mais peut se retrouver dans d'autres domaines (juridique, toponymique) ou dans un tour ironique :

    Agir, intervenir ès qualités (= au titre des fonctions que l'on exerce officiellement, et non à titre personnel).

    Se promener ès bois (= dans les bois).

    Verser une somme ès mains d'untel.

    C’était assurément un étudiant ès divers (Conan Doyle, traduit par Evelyn Colomb, 1956, Laffont) mais on parlera plus sérieusement de nos jours d'un étudiant en lettres.

    Dans le Roman de Renart, sire Renart est passé maître ès ruses...

    Séparateur de texte

    Remarque 1 : On notera l'absence de trait d'union entre ès et le nom qui suit.

    Remarque 2 : On retrouve la préposition ès dans certains noms de villes : Riom-ès-Montagnes, au sens de « Riom en les montagnes » (en Auvergne), La Ville-ès-Nonais (en Bretagne), Pierrefitte-ès-Bois, Méry-ès-Bois et Sury-ès-Bois (dans le Centre), Manneville-ès-Plains et Saint-Riquier-ès-Plains (en Haute-Normandie), mais, contre toute logique, Saint-Alyre-ès-Montagne (en Auvergne).

    Remarque 3 : L'Académie recommande la prononciation esse, même si Littré préconise ê devant une consonne (ce qui est logique par comparaison à la contraction analogue des, mais peu identifiable à l'oreille).

    Remarque 4 : Emprunté du latin classique doctor, le docteur était à l'origine celui qui enseignait une doctrine (religieuse ou philosophique). Aujourd'hui, il désigne une personne qui est promue dans une université au grade le plus élevé (par l'obtention d'un doctorat, notamment). Spécialement, le docteur en médecine est devenu, par ellipse, le docteur dans l'usage actuel. Médecin reste de meilleure langue, afin d'éviter la confusion avec toute personne ayant reçu ce titre universitaire (docteur en psychologie, en théologie, etc.).

    Remarque 5 : À l'oral, on évitera toute confusion entre docteur ès... et doctoresse, féminin peu usité de docteur !

    docteur ès

    Eh non, il convient d'écrire « docteur en sport »... ou « docteur ès sports » !

     

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  • Commentaires

    1
    Crocodile
    Dimanche 28 Août 2016 à 11:04

    Bonjour Marc81,

    En lisant votre billet "Docteur ès lettres", mon attention a été attirée par Saint-Alyre-ès-Montagnes.

    Il est certain que c'est ce que nous aurions envie d'écrire.

    Toutefois, il m'a semblé, contre toute logique, que la graphie exacte est Saint-Alyre-ès-Montagne.

    Bien crocordialement

     

      • Dimanche 28 Août 2016 à 18:21

        On retrouve là l’œil exercé du saurien...
        Merci de votre vigilance.

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