• Des élus... cubrations

    « Lequel était le plus français ? Garibaldi, jugèrent les électeurs qui l'élirent à l'Assemblée nationale. »
    (Jean-François Kahn, dans son Dictionnaire incorrect, paru chez Plon en 2005)
     

     

    FlècheCe que j'en pense


    Dictionnaire incorrect ? Jean-François Kahn ne croit pas si bien dire : ne nous gratifie-t-il pas là d'un authentique barbarisme ? C'est qu'il ne faudrait pas oublier que élire (et réélire) se conjugue comme lire (et relire), ainsi que l'affirment d'une même voix les ouvrages de référence. Encore convient-il, me fera-t-on remarquer avec juste raison, de se rappeler que (ils) lisent fait au passé simple (ils) lurent et non (ils) lirent (par fausse analogie avec dire ?) : « Les Épidamniens [...] élurent un magistrat pour faire tous les marchés au nom de la cité et pour la cité » (Montesquieu).

    Un rapide coup d’œil sur la Toile suffit à constater que, dans notre affaire, les formes régulières sont loin de recueillir tous les suffrages : « Ceux qui dès le début le lirent au premier degré » (Atlantico) ; « Les enfants, un peu intimidés, lirent des textes » (La Dépêche) ; « [L'endroit] où Colette puis Léo Ferré élirent un jour domicile » (Le JDD) ; « Puis, les Français élirent Nicolas Sarkozy » (Réseau Voltaire) ; « ses frères évêques, qui ne l'élirent jamais président de la conférence épiscopale » (La Vie) ; « les Zambiens élirent un nouveau président » (Le Monde) ; « Les enfants élirent parmi plusieurs noms [...] » (Le Figaro) ; « Plus de soixante mille voix l'élirent » (Daniel Halévy) ; « ces hommes de "droite" élirent Mitterrand » (Alain Peyrefitte). Pis ! Jean-Pierre Colignon lui-même, ancien chef du service de correction du journal Le Monde, est pris en défaut dans Curiosités et énigmes de l'histoire de France : « Les communards de Paris, ainsi, élirent parmi leurs représentants un imbécile. » La faute se trouve également dans le discours de clôture des manifestations relatives à la célébration du bicentenaire de la naissance de Jules Barbey d'Aurevilly, rédigé par l'académicien Yves Pouliquen : « ceux-ci qui élirent leurs successeurs. » Et que penser, encore, de ce monstre (élyséen ?) déniché cette fois sous la plume du professeur de lettres et d'histoire Alain Desgris : « les romains [sic] élisirent [resic] par bravade Benoît V » ?

    Si nos élites se mettent elles-mêmes à douter de leurs conjugaisons, il y a fort à... voter que nos élus ne tarderont pas à leur emboîter le pas, et la nation tout entière après eux. Qui a dit que le passé simple désertait la langue à vive allure ?

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Ils l'élurent à l'Assemblée nationale.

     

    « Le coup du balaiL'esprit de la règle »

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