• Dépi-t

    Dépi-t

    « Il intervenait au lendemain de la décision de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) de maintenir son quota de production en dépis d’une baisse de 35% du prix du baril depuis la mi-juin » (à propos de Vladimir Poutine, photo ci-contre).
    (paru sur lemonde.fr, le 1er décembre 2014) 


    (photo Wikipédia sous licence GFDL par eng.kremlin.ru/news/4817)

     

    FlècheCe que j'en pense

    Voilà ce qui arrive quand on s'obstine à recopier les dépêches de l'AFP en dépit du bon sens − entendez : sans prendre la peine de les relire ! Car enfin, l'étymologie aurait dû mettre notre journaliste sur la bonne voie : dépit, nous apprend le Dictionnaire historique de la langue française, « est issu, sous la forme despit (1140), du latin despectus "action de regarder de haut en bas", d'où "fait de mépriser" et "paroles méprisantes" ». Le t étymologique − qui ne se prononce pas, sauf en cas de liaison (le dépi-t-amoureux, si l'on en croit Littré...) − ne se retrouve-t-il pas, au demeurant, dans le verbe dépiter ? À moins de verser dans le patois bourbonnais − la forme en depis (pour depuis) résonnerait encore dans nos campagnes de l'Allier, selon Bernard Gilliet  : « En depis le temps, te devrais ben avoir fini de bêcher ce chetit bout de terre » −, on veillera à correctement orthographier la locution prépositive en dépit de, avec un t final à dépit.

    Mais là n'est pas la seule difficulté que nous réserve notre affaire. Dupré note ainsi que, dépit ayant pris le sens étendu d'« irritation », ladite locution rejoint la signification de malgré : « "Quelle que soit l'irritation de", comme "quel que soit le mauvais gré de" ». Selon cette valeur, en dépit de (comme malgré) devrait nécessairement s'employer avec un nom de personne pour complément, dépit (comme gré) impliquant un sentiment (1) : « el despit le rei » (1174) ; « en dépit de tout le monde » (Molière) ; « Et les Romains, enfans d'une impure déesse, / En dépit de Vénus, admirèrent Lucrèce« en dépit des malins » (Voltaire). Ce n'est donc que par extension − pour ne pas dire par dépit − que en dépit de s'emploie couramment au sens de « sans tenir compte de », quel que soit le complément : en dépit de ses efforts, de ses protestations, du bon sens, de tout.


    (1) Même son de cloche dans le Dictionnaire des synonymes de Lafaye (1858) : « [En dépit] signifie non seulement qu'on ne craint pas de se porter contre l'opposition de quelqu'un et qu'on la détruit, mais encore qu'on se soucie peu de lui faire de la peine, de lui causer du dépit. »

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    En dépit d’une baisse.

     

    « Prise de becDrôle de bouille »

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