• Décision peu ordinaire

    « [François Hollande et Manuel Valls] décident, pour donner au premier ministre la possibilité d’engager l’article 49-3 de la Constitution, de la convocation d’un conseil des ministres extraordinaires à 14 h 30. »
    (David Revault d'Allonnes, sur lemonde.fr, le 17 février 2015) 

     

    Manuel Valls (photo Wikipédia sous licence GFDL par Jackolan1)

     

    FlècheCe que j'en pense


    Gageons qu'avec une équipe gouvernementale aussi exceptionnelle la France est désormais en de bonnes mains. La langue française, sans doute un peu moins. Car enfin, notre journaliste cumule les coquilles dans la même phrase : l'absence de la majuscule d'usage à l'adjectif premier, d'abord, alors qu'il qualifie un ministre (le Premier ministre) ; cet accord contestable − quoique plaisant − de l'adjectif extraordinaire, ensuite (c'est évidemment le conseil qui est extraordinaire, au sens premier de « qui est hors de l'usage ordinaire, qui constitue une exception au cours habituel des choses »).

    Oserai-je l'avouer ? Il est une autre chose qui me chiffonne. Je veux parler de cet emploi du verbe décider. C'est qu'il ne me souvient pas que décider de ait jamais signifié « prendre la décision, la résolution de » − à moins, cela va sans dire, d'être suivi d'un infinitif. Comparez : « J'ai décidé de rire dorénavant le moins possible à cause de mes rides » (Montherlant), « décider de renvoyer son domestique » (Littré), « décider de consulter un médecin » (Académie) et « décider du destin de l'État » (Racine), « Ces événements qui décident de la fortune des empires » (Bossuet), « décider du mérite et du prix des auteurs » (Boileau), « Le hasard décide seul du sort des batailles » (A. France) − où décider de suivi d'un substantif a le sens de « avoir une influence déterminante sur le sort de quelqu'un ou le résultat de quelque chose » ou « se prononcer sur ».

    Mais voilà que je repère dans la Grande Encyclopédie Larousse cette anecdote à propos des Massaï(s) : « Ce sont les aînés qui décident de la convocation des jeunes circoncis, dont ils deviennent ainsi les parrains. » Cela suffit-il à justifier un « décider de la convocation d'un conseil des ministres » auquel je n'arrive pas à me faire ? Non si l'on en croit Grevisse qui, dans son ouvrage Quelle préposition ?, précise la distinction entre les constructions décider de + nom (« prendre une décision au sujet de ») et décider de + infinitif (« prendre la décision de »). Convenons que, dans l'affaire qui nous occupe, l'idée n'est pas tant de prendre une décision (parmi plusieurs) au sujet de la convocation du conseil des ministres (comme c'est le cas dans : décidons d'une date) que de prendre la décision de convoquer ledit conseil.

    Vrai, c'est extraordinaire comme la langue française peut être subtile !

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Ils décident, pour donner au Premier ministre la possibilité d’engager l’article 49-3 de la Constitution, de convoquer un conseil des ministres extraordinaire.

     

    « L'orthographe portée... ONULes singes font la grimace »

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  • Commentaires

    1
    Tim
    Samedi 28 Février 2015 à 10:29

    Il est vraiment chouette ce site, une arme redoutable contre les mauvais usages de notre belle langue ! Félicitations, j'aime beaucoup !

    2
    Samedi 28 Février 2015 à 10:37

    Merci de votre message d'encouragement.

    3
    Michel JEAN
    Lundi 2 Mars 2015 à 11:21

    b'jour, il est excellent votre travail, redoutable à l'endroit des "droles usages"; Merci d'apporter à tous/es cette collaboration active et efficace pour le bien. Mich.

    4
    Lundi 2 Novembre 2015 à 11:57

     

    Le Monde s'est fait, paraît-il, un point d'honneur de ne pas mettre de majuscules aux titres de fonctions. Dont acte.

     

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