• Coût de rabot

    « De son côté, Jacques Rapoport, le président de RFF, avoue un problème "découvert un peu tardivement, mais pas une boulette", soulignant le choix assumé de cette dépense somme toute modeste en regard de trains plus confortables pour l’usager, et des 3 milliards d’euros qu’a coûtés leur acquisition. »
    (Catherine Maussion, sur liberation.fr, le 21 mai 2014)  

    (photo Wikipédia par Florian Pépellin)


    FlècheCe que j'en pense

    La langue française se révèle ingrate, à l'occasion. Il suffit qu'une journaliste, bien décidée à appliquer coûte que coûte la règle d'accord du participe passé des verbes conjugués avec l'auxiliaire avoir, prenne soin d'accorder ledit participe avec son COD antéposé pour que la belle mécanique grammaticale déraille sans crier gare.

    La faute à l'effet Canada Dry : on croit avoir affaire à un complément d'objet direct, on est en réalité en présence d'un complément circonstanciel de mesure.

    Il se trouve que le verbe coûter (ainsi que courir, mesurer, peser, valoir...) peut se construire soit, au sens propre, avec un complément circonstanciel répondant à la question combien ? − auquel cas, il est intransitif et son participe passé est invariable −, soit, au sens figuré, avec un complément d'objet direct répondant à la question quoi ? − auquel cas, il est transitif direct et son participe passé s'accorde avec ledit complément si celui-ci est placé avant le verbe. Comparez : Les vingt euros que ce livre m'a coûté (ce livre m'a coûté combien ?) et Les efforts que ce travail m'a coûtés (ce travail m'a coûté quoi ?).

    Force est toutefois de constater que cette distinction, désormais admise par la plupart des spécialistes (Grevisse, Girodet, Thomas, Larousse, Robert) et entérinée par l'Académie dans la huitième édition de son Dictionnaire, ne fait pas l'unanimité : Littré considère coûter comme un verbe toujours intransitif, dont le participe passé reste donc toujours invariable ; Dupré s'étonne de la position « bizarre (...), arbitraire et bien difficile à justifier » de l'Académie ; quant à Hanse, il met en exergue le cas litigieux où coûter a pour complément le nom somme : « Certains considèrent que le participe est invariable puisqu'il s'agit de prix, d'argent et du sens propre : La somme que cet objet m'a coûté (Littré, Dauzat). D'autres, assimilant ce cas à celui où l'on parle d'une somme d'efforts, de difficultés qu'une chose a réclamée, font l'accord : La grosse somme que cette maison m'a coûtée (Le Bidois). »

    Mieux vaut encore s'en tenir à la position des sages du quai Conti, si l'on veut éviter de se faire (ra)bot(t)er le train par le premier cheminot de la langue venu.


    Voir également le billet Accord du participe passé.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Les trois milliards d’euros qu’a coûté leur acquisition.

     

    « Comme de bien entenduLe mot de la fin ? »

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  • Commentaires

    1
    Samedi 24 Mai 2014 à 10:59

    On peut au passage rappeler que l'accent circonflexe sur le u de couter est facultatif depuis 1990. Mais ceci est une autre histoire.

    2
    Michel JEAN
    Dimanche 10 Avril 2016 à 20:44

    Bonsoir M. Marc, après bien des bonnes relectures de vos art. ayant pour sujet principal le circonstanciel, je vous indique un autre super art. concernant sa petite histoire mais peut-être le connaissez -vous ! : Petite histoire du circonstanciel. A. Chervel. Bye.

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