• Coquille en herbe

    « Ils se faisaient du mourron à propos de leur mousmé, justement. »
    (Daniel Rondeau, dans son livre Dans la marche du temps, paru chez Grasset) 

     

     

     

    FlècheCe que j'en pense


    Plutôt mourir que mettre deux r à mouron ! s'écrieront les coupeurs de cheveux et de gazon en quatre. C'est que la graphie dudit nom communément donné à diverses plantes à fleurs blanches (mouron blanc, encore appelé mouron des oiseaux, car ses graines sont appréciées des oiseaux), bleues ou rouges n'a plus de secret pour les jardiniers en herbe. Pour les étymologistes, c'est une tout autre affaire. Figurez-vous que le bougre, à en croire le Dictionnaire de l'Académie, est « d'origine incertaine » − probablement emprunté du néerlandais muer, de même sens, selon le Dictionnaire historique de la lange française. Partant, on ne s'étonnera pas de lui trouver de nombreuses variantes : morun (XIIe siècle) ; mourron (eh oui...) et moron (XVIe siècle) ; mourroun, mourel, mouret (en provençal). Avouez qu'il y a de quoi s'arracher les cheveux.

    Mais au fait, me demanderez-vous, quel est le lien entre ladite plante et l'expression figurée se faire du mouron ? Le Dictionnaire historique de la langue française nous laisse là encore sur notre faim : « Par analogie, le mot est employé argotiquement au sens de cheveux. » Par analogie ? Voilà qui mériterait quelques précisions. Sans doute faut-il comprendre : par analogie de forme, depuis que les végétaux poussant en touffes sont associés au sémantisme de la chevelure − que l'on songe aux expressions ne plus avoir de cresson sur la fontaine, de mousse sur le caillou, de gazon sur la cafetière, de persil sur le crâne ou... de mouron sur la cage (variante non moins pittoresque attestée en 1878 dans le Dictionnaire du jargon parisien de Lucien Rigaud), employées dans la langue argotique du XIXe siècle pour « être chauve ». Et voilà comment une banale herbe à oiseaux est passée à la postérité en entrant dans la locution se faire du mouron, laquelle équivaut, vous l'aurez deviné, à se faire des cheveux (blancs), se faire du... souci. De là à conclure que la langue française sème à tout vent...

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Ils se faisaient du mouron.

     

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  • Commentaires

    1
    Vaugelas
    Samedi 6 Juin 2015 à 09:13

    "Coquille en vue, en première ligne : s'écriront ou s'écrieront ? " s'écria le lecteur.

    2
    Samedi 6 Juin 2015 à 09:34

    Merci de votre vigilance !
    Échange de bons procédés : Tomber de Charybde en Scylla. La Comédie-Française.

    3
    Vaugelas
    Samedi 6 Juin 2015 à 09:40

    Scylla, j'avais repéré après envoi, mais l "Comédie-Française" m'avait totalement échappé, même à la relecture rapide ! C'est dire que nous sommes vraiment invités à la vigilance. Cordialement !

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    4
    Michel JEAN
    Mardi 9 Juin 2015 à 11:54

    Bonjour Mr Marc, loin de moi l'idée de vous coupez l'herbe(s) sous le pied; faut tout de meme que j'vous dise qu'APG 3 (2009) "la classification phylogénétique du monde végétal nous indique que les Primulacées, dont le mouron fait bien parti situe cette famile dan l'ordre des Ericales. Et en aucun cas cette plante pousse touffée ou en touffe(use), il s"agit de de souche herbeuse. Les termes de touffe sont strictement réservé à la famille des graminées (j'hazarde que se faisant du mouron ce n'est pas forcément s'inquiéter ou perdre pour son blé) : seul les graminées évoluent en touffe distincte. Outre les céréales, il y a lieu d'inscrire dans cette catégorie; la pelouse et autres gazons, pour les chevres, petits lapins ou tourterelles;  fraiche ou humides. Viennent ensuite la souche  fibreuse, gazonnante, rampante et pivotante concernant nombreuses autres espèces de végétaux. Mr Braconnier, Mr Glandard, tous deux ingénieurs agronomes et inspecteur géneral de l'Agriculture. Le Larousse agricole.1952. Merci. Bye. Mich.

    5
    Mardi 9 Juin 2015 à 17:34

    Comme quoi il ne serait pas inutile qu'Alain Rey précisât ladite analogie !
    Merci, quoi qu'il en soit, de ces précisions.

    6
    Michel JEAN
    Lundi 15 Juin 2015 à 11:15

    Bonjour Mr Marc, n'en déplaise à ceux qui se voient confondu(es) dans leur entendement, je  n'oublie pas,  hélas et jamais, que le dictionnaire parfait cela n'existe pas et n'existeras , je crois jamais; mais si infirme soit-il, il s'avère néanmoins,  toujours, un/des excellents compagnons de route. Merci. Bye. Mich.

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