• Chef... d'œuvre

    « Œuf dur au comptoir, hors d'œuvres et plat du jour idéal. »
    (Julia Sammut, sur lemonde.fr, le 13 février 2014)  


    (photo Wikipédia)

     

    FlècheCe que j'en pense

    Voilà que notre journaliste laisse traîner deux coquilles dans ses œufs mayo : c'est que, à en croire les toqués de la langue française que sont Larousse et Robert, le substantif masculin hors-d'œuvre est invariable et s'écrit avec un trait d'union, qu'il soit employé au sens de « partie d'un bâtiment qui est en saillie » ou, comme dans notre affaire, au sens de « mets servi au début du repas » : Cette colonnade est un hors-d'œuvre. Un plateau de hors-d'œuvre variés.

    L'invariabilité du second élément de notre composé serait justifiée par le sens : selon le Dictionnaire historique de la langue française, hors-d'œuvre − d'abord attesté sans trait d'union au XIVe siècle comme adjectif au sens de « incapable d'agir, d'accomplir son œuvre » − est entré dans le vocabulaire de l'architecture comme locution adverbiale : par dehors œuvre (« détaché des murs d'une maison »), puis hors d'œuvre (« hors du corps du bâtiment »). On devine que, par analogie, le bougre en est venu à désigner en cuisine ce qui est en dehors du corps du repas, entendez ce que l'on sert avant le plat de résistance, avant que les convives se mettent à l'œuvre. De là, selon toute vraisemblance, l'origine de ce singulier.

    La réforme de 1990, que d'aucuns ne manqueront pas de mettre sur la table, n'y change rien, puisque l'on ne saurait assimiler hors-d'œuvre à hors-bord, hors-jeu, hors-piste et autres noms composés d'une préposition et d'un nom, depuis lors considérés comme des mots simples, lesquels prennent la marque du pluriel seulement quand ils sont... au pluriel. Au demeurant, gratifier œuvre d'un s dans le cas présent est d'autant moins excusable que le reste de la phrase est au singulier (un « œuf dur », un « plat du jour »). Le service laisserait-il à désirer ?


    Remarque : L'honnêteté m'oblige toutefois à préciser que l'Académie elle-même a longtemps hésité sur la graphie dudit plat : « On servit plusieurs hors d'œuvre » (de la première à la troisième édition de son Dictionnaire, 1694-1740) « On servit plusieurs hors d'œuvres » (quatrième édition, 1762) ; « On servit plusieurs hors-d'œuvres » (cinquième édition, 1798) ; « On servit plusieurs hors-d'œuvre » (depuis la sixième édition, 1835). Messieurs les Immortels, on frise l'indigestion.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


     Hors-d'œuvre et plat du jour .

     

    « Autour du sontAccord public »

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