• Ce né (n'est) pas la mort

    « Exhortant les élus du parti à prendre "leurs responsabilités" comme il les prenait lui-même en risquant le tout pour le tout, Matteo Renzi les a invités de "sortir du marécage" des réformes mortes nées d'Enrico Letta » (à propos du nouveau président du Conseil italien, photo ci-contre).
    (Philippe Ridet, sur lemonde.fr, le 14 février 2014)    
     

    (photo Wikipédia sous licence GFDL par Maryb60)

     

    FlècheCe que j'en pense

    C'est la mort dans l'âme que je me dois de rappeler à notre journaliste que, dans le composé mort-né − qui prend le trait d'union qu'il soit employé comme nom ou comme adjectif −, seul le second élément varie (en genre et en nombre) : des enfants mort-nés (au sens propre de « morts en venant au monde »), une entreprise mort-née (au sens figuré de « qui est voué à l'échec dès sa conception »).

    C'est que, à bien y réfléchir, il eût été autrement logique d'écrire des enfants morts-nés comme on écrit des enfants premiers-nés : mort ne joue-t-il pas ici le rôle d'un adjectif plus que d'un adverbe ? « Il s'agit d'enfants morts aussitôt que nés et non mortellement nés », confirme Étienne Le Gal. Mais voilà : par analogie avec nouveau-né, où les deux éléments du composé sont trop intimement liés pour que l'accord du premier soit envisageable, l'Académie ainsi que tous les ouvrages de référence préconisent l'invariabilité de mort dans mort-né (mais pas dans né mort).

    Force est toutefois de constater que les auteurs ayant privilégié l'accord ne manquent pas : « elles étaient si bien mortes, ou plutôt elles étaient mortes-nées » (d'Alembert) ; « les ambitions mortes-nées » (Balzac) ; « ranimer pendant quelques heures les enfants morts-nés » (Anatole France, cité par le TLFi). Sans parler de Maurice Druon, secrétaire perpétuel de l'Académie de 1985 à 1999, qui aurait écrit : « Charles avait eu deux filles mortes-nées » ou « Charles était sans postérité, sa femme Blanche n'ayant mis au monde que des enfants mort-nés », selon les éditions de ses célèbres Rois maudits. Difficile avec de telles cautions de venir chercher noise à des journalistes qui ne sont pas nés de la dernière pluie : « Faut-il vraiment regarder les enfants morts-nés ? » (Le Monde) ; « Plus de bébés morts-nés en France qu'ailleurs en Europe » (Le Nouvel Observateur) ; « Allemagne : nouveau statut des morts-nés » (Le Figaro) ; « un cimetière de projets morts-nés » (Le Monde diplomatique).


    Remarque
    : On notera par ailleurs que le verbe inviter se construit ordinairement avec la préposition à : Il l'invita à son mariage, à se calmer.


    Voir également le billet Nouveau-né

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Des réformes mort-nées.

     

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