• Caisses de... raisonnance ?

    « "Nous allons pouvoir augmenter la raisonnance de nos émissions et l’engagement autour d’elles (...)", affirme Fabienne Fourquet, directrice des nouveaux contenus de Canal+. »

    (Fabienne Schmitt, sur lesechos.fr, le 7 octobre 2013)
     

    FlècheCe que j'en pense


    Est-il besoin de préciser que notre journaliste n'a pas... raison de raisonner de la sorte ? Elle compte parmi les nombreuses victimes d'une confusion – d'autant plus fréquente que les prononciations sont souvent défectueuses – entre les paronymes raisonner (avec un è ouvert) et résonner (avec un é fermé) : le premier, on l'aura deviné, a à voir avec l'usage qu'on fait de sa raison ; le second, qui vient de re-sonner, est associé au mot son et signifie notamment « émettre un son accompagné de résonances ». Comparez : Un philosophe qui raisonne et Des pas qui résonnent.

    La faute n'est pas nouvelle, si l'on en croit Littré : « Au XVIIe siècle, on commençait à confondre résonner avec raisonner, et à prononcer rè-zo-ner, au lieu de ré-zo-ner. » De là la tentation des formes raisonnance et raisonnateur, sur le modèle de résonance et résonateur (1) : « la raisonnance des cordes » (Diderot), « la raisonnance de l'air » (Descartes – un comble pour le père du rationalisme !). Nos illustres auteurs en seront pour leurs frais (2) : inconnues des dictionnaires, elles constituent d'authentiques barbarismes...

    Quand bien même elles seraient douées de raison, les émissions de Canal+ ne verraient donc pas pour autant augmenter leur raisonnance : leur retentissement, pourquoi pas, l'effet qu'elles produisent, l'écho rencontré (le buzz, comme on dit de nos jours en bon franglais), bref, la résonance (dans son acception figurée), mais pas la raisonnance... à moins de verser dans le jeu de mots à l'instar de « raisonner comme un tambour » ou « comme une pantoufle », calembours reçus par l'usage.

    (1) On notera que, contre toute logique, résonance et résonateur ne prennent désormais qu'un n conformément à l'étymologie (Littré les écrit encore en redoublant la consonne), quand résonner et résonnant en conservent deux, sous l'influence de sonner.

    (2) On a toutefois écrit réson(n)ement (synonyme vieilli de résonance), à l'instar de raisonnement (« enchaînement des pensées »).

    Remarque : Dans Néologie ou vocabulaire de mots nouveaux (1801), Louis-Sébastien Mercier écrit plaisamment : « Raisonnance. Disserter et ne rien sentir, voilà le vice des hommes trop policés. Les mots, chez eux, ne forment plus qu'une Raisonnance vaine. »

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Nous allons pouvoir augmenter la résonance de nos émissions.

     

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