• Alcoolique / Alcoolisé

    Capelovici, Cherpillod, Dupré, Girodet, Hanse, Thomas et Larousse conseillent de qualifier d'alcoolique une boisson qui contient « naturellement » de l'alcool, par suite d'une fermentation ou d'une distillation (vin, bière, cidre, liqueur, etc.), et de réserver l'adjectif alcoolisé à un liquide qui est mêlé d'alcool, auquel on a ajouté de l'alcool : un grog, par exemple, puisqu'il s'obtient en versant une rasade de rhum ou d'eau-de-vie dans de l'eau chaude additionnée de sucre et de citron.

    Une boisson alcoolique (s'il s'agit de vin, par exemple) mais Une boisson alcoolisée (s'il s'agit d'une tisane agrémentée d'alcool, par exemple).

    Des cocktails de fruits non alcoolisés (ou sans alcool).

    Voici une liqueur forte en alcool (et non une liqueur alcoolisée).

    Force est de constater que cette distinction entre ce qui « contient de l'alcool » et ce qui est « additionné d'alcool » est de moins en moins respectée, même par l'Académie qui écrit, à l'entrée alcoolique : « Qui contient de l'alcool. Boisson, liqueur alcoolique. (On dit aussi Alcoolisé.) » De là à conclure que la vénérable institution voit trouble...

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    Remarque 1
    : La position actuelle de l'Académie nous laisse d'autant plus sur notre... soif, si j'ose dire, que c'est elle qui consacra cette distinction dans la sixième édition (1835) de son Dictionnaire : « ALCOOLISER. Terme de Chimie. Dégager l'esprit-de-vin de sa partie aqueuse ; ou Mêler de l'alcool à un autre liquide. Il est peu usité, surtout dans la première acception. » Rappelons ici que le verbe alcooliser fut, en effet, d'abord attesté au sens chimique de « transformer un alcool en esprit-de-vin » (1620). Ce n'est que deux siècles plus tard que son participe passé s'est répandu dans la langue courante comme adjectif pour qualifier un liquide auquel on a ajouté de l'alcool puis, entrant en concurrence avec alcoolique (attesté quant à lui à la fin du XVIIIe siècle) par une nouvelle extension de sens que d'aucuns considèrent comme abusive, tout liquide qui contient de l'alcool.

    Remarque 2 : On établit la même distinction entre aromatisé (« que l'on a parfumé avec des aromates ») et aromatique (« qui dégage une odeur agréable »).

    Remarque 3 : Alcoolique (alcoolo, en langage familier) sera préféré à son paronyme alcoolisé comme substantif pour désigner une personne atteinte d'alcoolisme chronique (l'emploi substantivé d'alcoolisé, bien qu'attesté dans Littré, reste rare). Et on dira simplement de celui qui a bu un verre de trop qu'il est ivre ou en état d'ébriété (ivresse autrefois qualifiée de « légère » par l'Académie) mais pas alcoolisé.

    Remarque 4 : Tous les dérivés d'alcool (vraisemblablement emprunté de l'arabe al kuhl, poudre d'antimoine) se prononcent en ne faisant sonner qu'un o, ouvert comme dans colle.

    Remarque 5 : L'alcoolémie désignant la présence d'alcool éthylique dans le sang, on évitera l'expression – pourtant courante et admise par l'Académie – taux d'alcoolémie, qui relève du pléonasme (voir également le billet Alcoolémie). L'abus de taux nuit à l'intérêt...

    Alcoolique / Alcoolisé

    Curieuse expression pour parler d'une soirée arrosée...
    À vos éthylotests !

     

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  • Commentaires

    1
    soky
    Dimanche 19 Février 2012 à 11:30
    soky

    Alcoolisé dans le sens "qui contient de l'alcool naturellement" est un vieil usage. http://www.cnrtl.fr/definition/alcoolique

    note: une image manque dans votre billet

    2
    Marc81 Profil de Marc81
    Dimanche 19 Février 2012 à 11:47

    Sans doute, et c'est bien là l'objet de mon propos en fin de billet.

    Mais puisque nous avons la chance de posséder deux adjectifs au sens distinct, il serait dommage, selon moi, de se priver de cette nuance utile. Car, à n'y prendre garde, l'adjectif alcoolique aurait tôt fait de se dissoudre dans les vapeurs d'alcool...

    P.S.: J'ai depuis ajouté une image. En vous remerciant de votre diligence.

    3
    soky
    Dimanche 19 Février 2012 à 12:01
    soky

    Hmm... J'ai un problème avec ce genre de raisonnement. Je comprends bien votre point de vue mais l'usage n'a-t-il pas le dernier mot ?  La langue bouge et évolue et c'est in fine l'usage qui l'emporte, non ? Les dictionnaires agissent de la même façon. Chaque année, de nouveaux mots apparaissent alors que d'autres trépassent. 

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    4
    Marc81 Profil de Marc81
    Dimanche 19 Février 2012 à 12:47

    Eternel débat... Diriez-vous, parce que sur telle route on observe que la plupart des automobilistes dépassent les 50 km/h règlementaires, qu'il convient de procéder au remplacement des panneaux... sous prétexte de l'usage ?

    Pour en revenir à notre sujet, je note que même Le Petit Larousse (pourtant particulièrement prompt à courir dans le sens du vent) mentionne à l'entrée alcoolique : "Il convient de distinguer une boisson alcoolique, qui contient naturellement de l'alcool (...) et une boisson alcoolisée, à laquelle on a ajouté de l'alcool. Dans l'usage courant, alcoolisé est de plus en plus fréquemment employé à la place de alcoolique."

    Il faut croire que le "vieil" usage est encore bien vivace dans la langue soignée...

    5
    soky
    Vendredi 31 Août 2012 à 15:44
    soky

    Désolé de revenir sur ce vieux post, mais je tique encore sur ce mot. Vous écrivez: "On qualifiera en principe d'alcoolique une boisson qui contient naturellement de l'alcool (vin, bière, cidre, liqueur, etc.)." À ma connaissance et pour en avoir fait moi-même, la liqueur ça se fait en ajoutant de l'alcool pur. À moins que cette pratique est réservée à la méthode artisanale. Savez-vous comment font les industriels pour obtenir une liqueur ?

    ps: votre prénom c'est bien Marc ?

    6
    Marc81 Profil de Marc81
    Vendredi 31 Août 2012 à 15:48

    "Boisson sucrée qu'on prépare avec de l'alcool ou de l'eau-de-vie et des produits végétaux", d'après l'Académie. D'où mon exemple : une liqueur forte en alcool.

    Pour le reste... oui, je me prénomme Marc !

    7
    Hizgor
    Vendredi 24 Mai 2013 à 12:47

    Il existe également, dans le domaine juridique, l'expression "sous l'empire d'un état alcoolique" souvent associée à une arrestation pour conduite en état d'ivresse.

    8
    Marc81 Profil de Marc81
    Vendredi 24 Mai 2013 à 14:05

    En effet, il s'agit là d'une autre acception de l'adjectif alcoolique : « provoqué par l'alcool » (Un délire alcoolique). Par ailleurs, il semble que, pour être caractérisé, le délit de conduite sous l'empire d'un état alcoolique requière l'usage d'un instrument de mesure, à la différence de la conduite en état d'ivresse.

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