• Adjectifs relationnels

    Adjectifs relationnels

    « Gilbert Collard adopte de bon gré la posture victimaire : "Les journalistes me réservent sans cesse un traitement particulier". »
    (Saïd Mahrane, dans Le Point n° 2082, août 2012)

       

     
    (Gilbert Collard, photo wikipedia sous licence GFDL par Thesupermat)

     

    FlècheCe que j'en pense

    Que notre journaliste est féru d'adjectifs relationnels, vous savez, ces adjectifs que l'époque affectionne tant pour remplacer un complément du nom : la viande bovine pour la viande de bœuf, la voiture présidentielle pour la voiture du président, les constructeurs automobiles pour les constructeurs de voitures automobiles, etc.

    Jugez-en plutôt : dans le même article, il nous gratifie d'un « écrivain médiéval » (pour évoquer Rabelais) et d'un « sympathisant cathodique » (à propos de l'avocat et député Gilbert Collard).

    Autant, « écrivain médiéval », je comprends – même si « écrivain du Moyen Âge » aurait tout aussi bien fait l'affaire –, mais « Le Parti socialiste le détesterait parce que le sympathisant cathodique a quitté la maison socialiste après la nomination de Bernard Tapie », là, mon écran personnel est déjà plus flou. Bien sûr, Larousse, dans sa légendaire promptitude à humer l'air du temps, me souffle que l'adjectif cathodique se dit, dans le registre familier, de ce qui est « relatif à la télévision » (acception non homologuée, on s'en serait douté, dans le dictionnaire académique... entendez celui de l'Académie française). Doit-on comprendre de ce charabia que Gilbert Collard éprouverait de la sympathie pour la télévision ? Ou bien qu'il était sympathisant du Parti socialiste uniquement à la télévision ? Cela irait tellement mieux si l'on prenait la peine de s'exprimer clairement !

    Mais notre journaliste, ne reculant devant aucun raccourci, évoque également la posture victimaire de l'avocat. Là encore, si l'Académie reste muette devant tant d'audace (seul le substantif trouve grâce à ses yeux, au sens de « personne chargée de frapper la victime au cours d'un sacrifice »), Larousse semble fort bien s'accommoder de l'adjectif : « se dit du comportement d'une personne ou d'un groupe qui s'estiment victimes de la société et attendent réparation ». Bigre ! Autant de sens dans un seul mot !

    La chose paraît à ce point entendue... que le Wiktionnaire prend soin de préciser à l'entrée victimaire : « Ce mot est souvent employé, comme adjectif, dans le sens de victimiste » (à savoir « enclin à revendiquer la condition de victime pour soi-même ou un tiers », d'après la même source). Enchanté ! J'ignorais jusqu'à ce jour votre existence... et il faut croire que je ne suis pas le seul, puisque ledit adjectif, dérivé d'un hypothétique victimiser – à moins que ce ne soit de victimer – ne figure dans aucun de mes ouvrages de référence. Sans doute est-il victime de son succès.

    Trêve de bavardage : à force de vouloir faire court, on en vient à faire confus. Un bon vieux complément du nom, précis et franc du collier, vaudra toujours mieux qu'un néologisme réduit à la sauce fourre-tout ou qu'une... « adjectivation » à outrance .

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Gilbert Collard adopte de bon gré la posture de la victime.

     

    « Alunissage en vueNé français »

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