• À / En (+ nom de ville)

    Doit-on dire en Avignon ou à Avignon ?

    Le site de la municipalité de ladite ville est catégorique :

    « La formule en Avignon, si elle permet d'éviter un hiatus quelque peu dissonant, est toutefois incorrecte lorsqu'elle s'applique à la ville contenue dans ses limites communales. Son emploi dans ce cas est souvent le fait de l'ignorance ou d'un certain pédantisme basé parfois sur des nostalgies d'Ancien Régime. »

    En Avignon est, en effet, une formulation archaïque, que certains ont voulu justifier par le glorieux passé de ce territoire ayant constitué au XIVe siècle un État à part entière appartenant au Saint-Siège. S'il était justifié, à cette époque, de se rendre en Avignon (comme on se rend aujourd'hui en Provence ou en Europe), on dira de nos jours à Avignon, comme pour toute ville de France (à Albi, à Aix, à Agen...).

    De même, les beaux esprits qui disent en Arles sous le prétexte qu'Arles fut royaume au IXe siècle feraient mieux de s'abstenir... à moins d'être provençaux de cœur et de langue (en provençal, on peut demeurer en Avignoun, en Arle et en Antibo !).

     

    En résumé

    Devant un nom de ville, la préposition provençale en ne saurait se substituer par pédantisme à la préposition française à dans la langue soignée.

    Aller, demeurer à Avignon, à Arles.

     

    Séparateur de texte


    Remarque 1
    : Toujours selon le site de la ville d'Avignon, « l'usage a voulu que l'on tolère de nos jours encore les expressions "en Arles" ou "en Avignon" pour désigner la région autour de la ville, le "pays" formé par les environs, sans limites administratives bien établies ».

    Remarque 2 : Selon l'Académie, pour une fois bien conciliante, « on ne saurait condamner les tournures en Arles, en Avignon, bien attestées chez les meilleurs auteurs, et qui s'expliquent à la fois comme archaïsme (l'usage de en au lieu de à devant les noms de villes, surtout commençant par une voyelle, était beaucoup plus répandu à l'époque classique) et comme régionalisme provençal. Il semble cependant que cet emploi de en soit en régression. Rien ne justifie qu'on l'applique à d’autres villes : on ne dira pas en Arras, en Amiens, etc. »

    Remarque 3 : Dans le même registre, on veillera à dire : J'habite Paris ou à Paris. Je travaille à Paris (et non sur Paris, comme on l'entend trop souvent sous prétexte de vouloir signifier bien improprement « dans la région parisienne »). À la rigueur pourra-t-on accepter l'emploi de sur après un verbe de mouvement (Il déménage sur Paris), même si la préposition à reste de meilleure langue. L'Académie est cette fois catégorique : « La préposition sur ne peut traduire qu'une idée de position, de supériorité, de domination, et ne doit en aucun cas être employée à la place de à ou de en pour introduire un complément de lieu désignant une région, une ville et, plus généralement, le lieu où l'on se rend, où l'on se trouve. »

    À ce sujet, voici ce qu'écrivait en 2002 Maurice Druon, secrétaire perpétuel honoraire de l'Académie française :

    « “Je vais descendre sur Marseille.” Vous trouvez-vous donc en hélicoptère ? [...] Cette pauvre préposition sur est harassée. On la met à toutes les sauces. Elle nous vient après plusieurs avatars du latin super, supra. On l'a chargée au fil du temps de bien des sens, propres ou figurés, matériels ou abstraits. Mais pourquoi lui impose-t-on, de surcroît, d'exprimer des indications qui ne comportent nulle notion de position, de supériorité ou de domination ? Il y a là un abus qui devient un tic. Soyons sur nos gardes pour n'y pas céder. »

    A / En (+ nom de ville)

    Le Palais des Papes à Avignon.
    (photo Wikipédia sous licence GFDL by Jean-Marc Rosier de http://www.rosier.pro)

     

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  • Commentaires

    1
    Luc de Rancourt
    Mercredi 18 Septembre 2013 à 22:38

    Le "sur Paris" est, à mon humble avis, une abomination.

    2
    MILENA
    Samedi 6 Juin 2015 à 14:28

    il était un prince en Avignon, c' est plus agréable à chanter?

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    3
    Samedi 6 Juin 2015 à 17:05

    C'est affaire de goût...

    4
    Bernard Trompeur
    Dimanche 10 Janvier 2016 à 18:02

    Hélas, on ne peut que constater que nous sommes en ce moment au plus fort de ce que j'ai entendu un linguiste appeler, il y a quelques années, le "surisme" !

    Ce petit mot, "sur", tend de nos jours à remplacer tout autre mot de liaison (à, pour, pendant, dans, à propos, etc.).

    Ainsi, lorsqu'un homme politique ou médiatique se trouve confronté à une difficulté pour finir une phrase, il se rabat sur le mot "sur" (ça ne mange pas de pain, on peut le mettre à toutes les sauces et c'est à la mode, alors pourquoi s'en priver ?).

    Par exemple, je ne sais plus quel médiatiseur, s'exprimant sur Canal+ le 31/01/15 à 13h15, déclare à propos de l'hypocondrie : [c'est] "la maladie de ceux qui ont un rapport irraisonné [un instant d'hésitation]... sur la santé".

    Le dernier surisme magistral que j'ai relevé est celui-ci, de Michel Cymes, le 09/03/15 au Grand Journal de Canal+, à propos de l'émission où il a vécu (avec Adriana K.) comme un homme préhistorique : "on a dormi sur la grotte".

    Précédemment, j'avais noté "On se baigne sur le lagon" (F2, 02/04/14, 20h 38). (c'est terrible : toute ma vie j'ai rêvé de me baigner dans un lagon, mais maintenant c'est sur le lagon qui semble souhaitable au comment des baigneurs...)

    Et encore : "La pression sur laquelle il est" (Noël Mamère, 7-9 de France Inter à 8h 28'09).

     

    Amicalement,

    Bernard Trompeur

     

      • Dimanche 10 Janvier 2016 à 19:13

        Tous ces exemples sont navrants, c'est... sûr !

    5
    Michel JEAN
    Mercredi 13 Janvier 2016 à 10:41

    Bonjour M. Marc, après un manque évident de clairvoyance et de "clairaudience [?]" et un recherche sur le net, je relève pour pas amère mais délicieuse cette utilisation sur "sur" de bon goût. Dois-je susurrer doréna'vent" à bâtons-rompus" celle-ci ? (Les prépositions de lieu regroupent les prépositions  simples qui marquent une relation d'inclusion dans l'espace à une, deux ou trois dimensios: à, dans,en, sur,chez. (...), C'est-à-dire de noms qui font référence à une zone de localisation sur un objet ou sur un espace circonscrit. ( A. Borillo. Prépositions de lieu et anaphore.) Merci. Bye. Mich.

     

      • Bernard Trompeur
        Jeudi 21 Janvier 2016 à 18:06

        Je ne comprends pas grand chose à vos propos, cher Michel, mais je note que vous écrivez "sur un espace" quand on attendrait "dans un espace"... L'influence de l'époque, sans doute. Bernard Trompeur"

    6
    Jeudi 21 Janvier 2016 à 18:56

    Sauf erreur de ma part, il me semble que ledit "sur" est surtout imputable à l'auteur cité par Michel...

    7
    Michel JEAN
    Jeudi 21 Janvier 2016 à 21:25

    R'b.soir, (...) ce n'est pas sur l'espace visuel, mais sur l'espace moteur qu'il faut faire porter notre effort. Poincaré, valeur. sc.,1905. P99. Merci. Bye. Mich.

      • Bernard Trompeur
        Dimanche 5 Juin 2016 à 22:22

        Poincaré (le mathématicien de génie ou l'homme politique ?) aurait pu dire également de façon très licite :

        ""Lorsque je fais la sieste, j'appuie ma tête sur un ballon". Mais il aurait pu ajouter : "Mais l'autre jour, il y avait une abeille dans le ballon". De fait, on fait bien porter son effort sur une question particulière !

        On peut d'ailleurs imaginer que le "surisme" soit une évolution irréversible de notre langue (comme le fait de dire "Deux Heuros" (par"Heuros" je veux signifier le mot Euros refusant la liaison avec le x de "deux"), ou "Cent trente deux hélecteurs" comme on entend sans arrêt dire les médiatiseurs sur les ondes, les soirs d'élections...

        Si le surisme devait être l'avenir du français, eh bien, il nous faudrait effectuer un repli stratégique sur l'idée, historiquement attestée, que le français est né de l'argot des légionnaires romains en poste dans le pays gaulois...

        Amicalement, Bernard.

    8
    Mercredi 14 Juin 2017 à 16:54
    Leduca

    Bonjour,

    Existe-t-il des études afin de dater l'origine de certaines modes telles que l'usage du "sur Paris" ?

    Pour ma part, j'ai imaginé que l'origine de cette déformation serait un langage à portée militaire : "sur Paris" pour dire "sur la zone de Paris", comme s'exprimeraient des stratèges en train de planifier un siège ou une attaque, la carte de la ville en question déployée sous leurs yeux.

    Amicalement,

    Claude

      • Mercredi 14 Juin 2017 à 17:10

        Grevisse observe simplement que, "depuis la seconde moitié du XXe siècle, sur tend à se répandre et se trouve dans des emplois nouveaux".

      • Bernard Trompeur
        Samedi 13 Juillet 2019 à 12:28

        Quant à l'origine de cette mode du surisme,  on peut penser qu'elle vient du désir d'être actif, "executive", comme on a dit un moment. On disait déjà, à propos du général allemand Rommel, le renard du désert, qu'il marchait "sur" El Alamein (avec ses blindés). Donc les gens du peuple ont pris l'habitude "d'aller sur Paris", puis de se rendre "sur Paris", et à la fin d'habiter "sur Paris", expression qui est, il faut le remarquer, beaucoup plus active que "à" (totalement passif, voir inerte ou léthargique).

        Cette mode "active" a vite déteint sur le point de vue dont on voit les choses (on dit "Cela m'a coûté 10 000 Euros sur trois ans") : S'agissant de laps de temps, qu'ils se comptent en jour, en mois, en année ou en siècle, le terme "pendant" est à présent inusité, remplacé qu'il est par ce "sur"  aux usages si nombreux et laudatifs. Je notais, dans une page interne de Wikipédia : "Sur une page, on peut mettre un lien hypertexte sur une autre page." Comprenez : "Sur une page, on peut mettre un lien hypertexte "vers" une autre page.". Il est certain que le rédacteur de la première phrase s'est senti grandi par l'utilisation brillante de ce "surisme" (toutes les modes grandissent les gens qui les adoptent, même chez les indiens à plateau labial comme Raoni).

        Bref, on en arrive rapidement à  "Cette porte permet de rentrer sur le salon.", beaucoup plus moderne que "Cette porte permet d'entrer dans le salon" (formule horriblement datée et ankylosée).

        Dans la presse actuelle, on recherchera sans succès des occurrences de "s'investir dans une action sociale" ou "d'investir son argent dans des actions boursières", expressions qui figurent dans les dictionnaires (pardon : "sur les dictionnaires"). Il est beaucoup plus flatteur d'investir sur quelque chose. On peut même assurer qu'un homme politique qui ne pratiquerait pas le surisme n'aurait aucune chance d'être élu (daté, pas assez actif !). Même chose pour quelqu'un qui ne placerait pas le mot "impact", "impacté", "gérer" et "gestion" dans toutes ses phrases. Comme tout à une action sur tout (un impact) et comme il faut bien tenter d'agir sur le monde (gérer les choses), on peut faire gratuitement beaucoup de phrase à la mode (et être élu)... Mais c'est une autre histoire...

        Amicalement, Bernard Trompeur

    9
    Michel Jean
    Dimanche 14 Juillet 2019 à 08:31
    ::Il n’y a pas mieux quand on a la volonté de faire dans le/du “surpopulaire” comme “toc” verbal.
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