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À ce que / De ce que
« Le tour à ce que, qui est d'une affreuse lourdeur, est à éviter chaque fois que c'est possible » (René Georgin, Pour un meilleur français).
Voilà qui est dit... mais pas toujours entendu ! Car force est de constater que l'emploi raisonné des tournures à ce que et de ce que requiert la maîtrise de quelques subtilités.
Verbe + (à ce) que / (de ce) que
Que, conjonction de subordination, sert à introduire une proposition subordonnée conjonctive : Je voudrais que tu viennes.Cependant, pour les verbes construits avec la préposition à ou de (verbes transitifs indirects), la proposition subordonnée peut être également introduite par à ce que, de ce que.
En clair, cela signifie que l'on fait l'analogie : travailler à quelque chose → travailler à ce que ; profiter de quelque chose → profiter de ce que ; etc.
Il tient à ce que tu t'entraînes (par analogie à Il tient à ton entraînement).
Je profite de ce que vous êtes tous présents (par analogie à Je profite de votre présence à tous).
Mais – car il y a un mais –, « là où le simple que est possible, il est souvent considéré comme plus élégant » (dixit Grevisse). Ainsi les verbes transitifs indirects se répartissent-ils (a priori de façon assez arbitraire...) en deux groupes : ceux pour lesquels les locutions conjonctives à ce que, de ce que sont recommandées et ceux pour lesquels elles sont déconseillées.
Se construisent avec à ce que les verbes : s'accoutumer, s'appliquer, condescendre, contribuer, se décider, s'employer, s'exposer, gagner, s'habituer, s'intéresser, s'opposer, se refuser, réfléchir, tenir, travailler, veiller, ainsi que des locutions verbales comme avoir intérêt (*), être attentif, trouver quelque chose d'étonnant, etc. Étrangement, profiter et provenir sont les rares verbes à ma connaissance pour lesquels on recommande la construction avec de ce que.
Nous veillerons à ce que vous soyez satisfaits (notez le subjonctif dans la subordonnée).
Cela provient de ce qu'il est maladroit (ici, c'est l'indicatif).
À l'inverse, l'abandon de la préposition au profit de la simple conjonction que est préconisé (chaque fois que c'est possible) pour les verbes : s'attendre, s'étonner, s'indigner, se féliciter, se réjouir, se plaindre, se soucier, aimer, avertir, consentir, demander, faire attention, prendre garde...
Dans un langage soigné, on veillera donc à dire :
Ils s'attendent que tu viennes (de préférence à Ils s'attendent à ce que tu viennes).
Je consens que tu t'en occupes (de préférence à Je consens à ce que tu t'en occupes).
Il s'étonne qu'on ne l'ait pas remercié (de préférence à Il s'étonne de ce qu'on ne l'a pas remercié) mais Il s'étonne de ce que tu dis (impossible ici de supprimer la préposition de).
Il demande que le coût du projet soit revu à la baisse (et non Il demande à ce que le coût du projet soit revu à la baisse).
Faites attention que personne ne vous voie (mais Faites attention à ce qu'elle dit, ce étant ici antécédent du pronom relatif que).
Dans tous les cas, on privilégiera autant que possible tout autre tour permettant de gagner en légèreté.
Il se refuse à son départ (plutôt que Il se refuse à ce qu'elle parte).
Elle gagne à être connue (plutôt que Elle gagne à ce qu'on la connaisse).
(*) Girodet précise toutefois : « Dans la langue très soignée, on évitera le tour avoir intérêt à ce que et on préférera avoir intérêt que (suivi du subjonctif) : Nous avons intérêt que cet accord soit signé rapidement. »De façon que / De manière que
De même, on écrira de façon que, de manière que de préférence à de façon à ce que, de manière à ce que comme on le voit parfois par analogie avec la tournure infinitive. En effet, ces locutions conjonctives seraient des formes elliptiques de de telle façon que, de telle manière que.Elle place son argent de façon qu'il rapporte des revenus réguliers (et non
de façon à ce qu'il rapporte) mais Elle place son argent de façon à obtenir des revenus réguliers (tournure infinitive).« De façon à ce que, couramment employé et qu'on rencontre même chez de bons auteurs, n'est pas à conseiller », précise encore l'Académie. Idem pour de manière à ce que qui « est incorrecte ».
Remarque 1 : Le tour demander à ce que (par analogie avec demander à suivi d'un infinitif) est d'autant plus critiquable que demander est un verbe transitif direct.
Remarque 2 : Les locutions de façon que, de manière que, de sorte que sont le plus souvent suivies du subjonctif, dans le sens de « afin que, pour que » (conséquence recherchée), plus rarement de l'indicatif, dans le sens de « si bien que » (conséquence réalisée).
Parlez plus fort, de façon que je vous entende (= afin que je vous entende → subjonctif).
Elle parlait fort, de façon que je l'entendais (= si bien que je l'entendais → indicatif).
Remarque 3 : On notera que le tour de ce que est suivi de préférence de l'indicatif alors que la construction directe réclame de préférence le subjonctif.
Je me réjouis qu'il soit venu mais Je me rejouis de ce qu'il est venu.
Remarque 4 : On trouve aussi en ce que, sur ce que : Son erreur consiste en ce que... Il insiste sur ce que (ou sur le fait que). En revanche, on fera le nécessaire pour éviter quand c'est possible le désagréable que ce que.
Il est plus grand que tu ne le pensais (et non Il est plus grand que ce que tu pensais).
Que leur apportes-tu qu'ils n'ont déjà (et non Que leur apportes-tu que ce qu'ils n'ont déjà) ?
Remarque 5 : Il existe également des prépositions qui sont correctement suivies de ce que : Jusqu'à ce que tu reviennes.
Remarque 6 : En matière d'analyse grammaticale, on se gardera de toute confusion entre que, conjonction de subordination, et que, pronom relatif.
Je profite de ce que vous êtes là (subordonnée conjonctive, introduite par la locution conjonctive de ce que) mais Je m'étonne de ce que vous me dites (subordonnée relative, introduite par le pronom relatif que, ayant ce pour antécédent).
Tags : à ce que, s attendre à ce que, s attendre que, consentir à ce que, consentir que, de ce que, de façon que, de manière que
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Commentaires
Je vais donner des exemples de constructions différentes et posant moins de problèmes dans le langage parlé au moins :
Au lieu de dire : "Ils s'attendent que tu viennes" je dirais : "Ils attendent ta venue." Ce n'est pas tout à fait pareil ; je suis d'accord. Mais c'est plus clair et plus simple à comprendre.
Dans le langage écrit par contre on peut utiliser les formes que tu cites. Cependant, bien des livres utilisent un langage parlé ou à peu près. Cela permet à certains de tout comprendre mais ne leur permet pas de s'élever dans les formes littéraires.J'en connais qui disent : "J'écris comme je parle" ce qui est une erreur. Parler et écrire sont deux choses bien différentes. J'ai écrit et sans doute fait certaines erreurs dans mon écriture mais j'ai fait ce que je pouvais le mieux possible malgré les études que j'aie faites (qui ne sont pas allées très loin.) Aussi j'apprécie tout ce que j'apprends sur ton blog. C'est super !
A plus,
Lydia
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FredSamedi 7 Octobre à 09:03
Je pense qu'il faut enlever réfléchir de votre liste.
"J'ai réfléchi à ce que vous m'avez dit" ne me semble pas un exemple pertinent car c'est une relative et non une conjonctive. On pourrait très bien remplacer le verbe réfléchir par penser ou bien d'autres verbes.
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5Michel JEANSamedi 28 Février 2015 à 12:19Cf. Remarque 6 : dans Méfiez-vous de ce que je vous écris (tour parfaitement correct), que est un pronom relatif ayant ce comme antécédent.
7MarionMardi 23 Février 2016 à 11:23Bonjour,
Merci pour toutes ces informations, très utiles en ces temps de révisions !
Dans la phrase :
"Il s'étonne de ce que tu dis (impossible ici de supprimer la préposition de)."
"Que" n'est-il pas un relatif dont l'antécédent serait "ce" ?
En vous remerciant,
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Mardi 23 Février 2016 à 14:53
C'est l'objet de la Remarque 6, ci-dessus.
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8RoméoDimanche 21 Mai 2017 à 18:07Bonsoir Marc ,
Tu as écrit
"Mais – car il y a un mais –, « là où le simple que est possible, il est souvent considéré comme plus élégant » (dixit Grevisse). Ainsi les verbes transitifs indirects se répartissent-ils (a priori de façon assez arbitraire...) en deux groupes : ceux pour lesquels les locutions conjonctives à ce que, de ce que sont recommandées et ceux pour lesquels elles sont déconseillées.
[...]
Il tient à ce que tu t'entraînes (par analogie à Il tient à ton entraînement)."
Pour certains verbes, comme tenir, à ce que n'est pas "recommandé" mais obligatoire.
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Lundi 22 Mai 2017 à 06:46
Quoique peu usitée, la construction tenir que n'en est pas moins attestée au sens de "vouloir fermement, désirer que" : "Je tiens que tout y soit remis en ordre" (Henri Bosco), "Mon père a tenu que notre maison fût ouverte à tous" (Paul Bourget), "Mais j'ai tenu que la réalité vienne, au plus vite, alimenter la comédie" (Jacques Audiberti).
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"Demander à ce que.." une aberration que prononcent de plus d'hommes politiques et de journalistes des "médias" . Sans connaître les dessous de la syntaxe , le simple bons sens me guide à ne pas utiliser cette tournure! Je dirai: "demander à...mon père, ou à qui que ce soit d'autre..." en espérant une réponse , mais en "demandant à ce que...) ,il est évident que l'individu "à ce que " ne me fournira jamais de réponse.
10StéphaneVendredi 21 Avril à 10:07Bonjour,
Un détail : il manque un r à intoduite, dans l'avant-dernier passage entre parenthèses.Merci encore pour toutes les informations aussi utiles qu'intéressantes que vous diffusez via votre blog !
Stéphane
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Vendredi 21 Avril à 14:12
Je vous remercie de votre sympathique commentaire... et de votre vigilance !
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Par contre là je bloque un peu. Je n'utilise pas beaucoup ce genre de construction.
Je ferai attention si par hasard je l'utilise. Je viendrai la relire celle-là pour mieux l'assimiler.
A plus,
Lydia