• Tou(t)s ceux

    « (...) sans parler de touts ceux - parfois âgés ou handicapés (j'en connais) - qui ont retrouvé, grâce à la cigarette électronique, le plaisir d'aller dans un café ou un restaurant. »

    (Benoît Duteurtre, sur marianne.net, le 24 août 2013) 
     

    FlècheCe que j'en pense

     
    Il faut croire que les vapeurs de la « vapoteuse » ne sont pas aussi inoffensives que notre journaliste veut bien le prétendre. Sinon, comment expliquer cette regrettable confusion entre tout, substantif, et tout, adjectif indéfini ? De nos jours, la graphie touts ne peut en effet correspondre qu'au pluriel du premier, qui désigne la totalité d'un ensemble : Un tout cohérent, des touts cohérents. Des parties prises comme des touts.

    Force est toutefois de reconnaître que tel ne fut pas toujours le cas : Là, touts les ans je te pairay mes vœux (Ronsard) ; Je me donne à touts les Diables (Rabelais). Il n'empêche : n'en déplaise à quelques nostalgiques – « L'adjectif masculin tout s'écrit ordinairement au pluriel tous ; il vaudrait mieux écrire touts, suivant la règle générale de la formation du pluriel dans les substantifs et dans les adjectifs » (Grammaire française de Lhomond, 1814) –, l'usage en a finalement décidé (tout) autrement, et mieux vaut sans doute s'y conformer si l'on veut éviter de se voir taxer non pas ladite cigarette mais... d'archaïsme.


    Voir également le billet Tout.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Sans parler de tous ceux qui...

     


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  • Au soir


    « Jeudi 22 août soir, le ministre Philippe Martin est venu annoncer aux écolos lors de leurs journées d’été de Marseille une mesure qu’ils réclamaient dans le budget 2014 : la création d’une contribution climat-énergie aux contours encore très flous. »

    (Mael Thierry, sur nouvelobs.com, le 24 août 2013) 
     
     
     

    FlècheCe que j'en pense

     
    Simple oubli ou méconnaissance de la règle ? Peu importe, après tout. L'important est de retenir que l'emploi de au soir, au matin est obligatoire après une date, quand il est facultatif – pour ne pas dire déconseillé – après un simple nom de jour de la semaine. Comparez : Il est venu jeudi soir (plus couramment que : Il est venu jeudi au soir) mais Il est venu jeudi 22 août au soir.

    Il est des prépositions dont on ne saurait durablement faire l'économie.


    Voir également le billet Matin / Midi / Soir.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Jeudi 22 août au soir.

     


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  • Reine du Portugal

    « Un destin que Stéphane Bern, bousculant la chronologie, a choisi de retracer à travers les lieux où vécut la dernière reine du Portugal » (à propos de Marie-Amélie d'Orléans, photo ci-contre).

    (Christine Rousseau, sur lemonde.fr, le 27 août 2013) 
     (photo Wikipédia)
     

    FlècheCe que j'en pense

     
    Portugal étant un nom masculin, en français, la logique voudrait en effet que l'on parlât de la reine du Portugal comme on parle du roi du Maroc ou de l'empereur du Japon. 

    Partant, pourquoi diable Stéphane Bern, dans sa récente émission consacrée à Amélie d'Orléans, s'est-il obstiné à la proclamer reine de Portugal ? Parce que, selon Grevisse, après un titre de souveraineté (roi, empereur, duc, comte, baron, sultan, etc.), « on omet l'article devant les noms de pays européens, même quand ils sont masculins : Le roi de Portugal. Le roi de Danemark », à l'instar du roi de France ou du roi d'Espagne.

    Force est de constater que, si Larousse et Robert présentent effectivement Alphonse Ier comme « roi de Portugal », l'Académie semble plus hésitante – pour ne pas dire inconséquente – sur le sujet : « Titre donné aux enfants puînés des rois d'Espagne, du Portugal », lit-on à l'entrée « infant » de la neuvième édition de son Dictionnaire ; « Sa Majesté Très Fidèle, le roi de Portugal », à l'entrée « majesté ». Faut-il comprendre que l'influence des noms de pays situés hors d'Europe se fait sentir jusque dans les rangs des Immortels ? Convenons qu'une même règle valable quels que soient le royaume, l'empire, le duché ou le comté envisagés de par le monde aurait pour elle le mérite de la simplicité.

    Toujours est-il que Stéphane Bern – dont on sait que les portugaises ont toujours su rester à l'écoute des têtes couronnées européennes – respecte là un ancien usage de notre langue, comme il le fit autrefois en intitulant son livre : Moi, Amélie, dernière reine de Portugal.


    Remarque 1 : À l'inverse, il est amusant de constater que, parfois, c'est l'absence d'article défini qui tient la corde dans les médias quand on serait fondé à le conserver : Le Plaza-Athénée, propriété du sultan de Brunei (Le Monde, juillet 2013). L'usage moderne est pour le moins... inconstant.

    Remarque 2 : À un internaute qui hésitait entre « roi de Danemark » et « roi du Danemark », l'Académie a répondu le 5 janvier 2017 sur son site que « les deux formes sont correctes, mais la forme avec du est plus moderne et plus répandue de nos jours ».

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Les lieux où vécut la dernière reine de Portugal (selon l'usage ancien) ou reine du Portugal (selon... la tendance actuelle).

     


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  • « Quel beau spécimen que cet éternel juvénile grisonné [à propos d'Antoine de Caunes, photo ci-contre]. Michel Denisot lui a donné les clés, en toute confiance, du cockpit du Grand Journal, une sorte de messe prime-time et on eut bien voulu crier déjà "bis". »

    (Anthony Palou, sur lefigaro.fr, le 27 août 2013) 
     
    (photo Wikipédia sous licence GFDL par Georges Biard)
     

    FlècheCe que j'en pense

     
    Que notre journaliste du Figaro, autre grand journal, ne s'est-il décidé à ouvrir un dictionnaire (français) : il aurait appris que – jusqu'à nouvel ordre – juvénile n'y est enregistré que comme adjectif, au sens de « qui est propre à la jeunesse » (notez le e final même au masculin : un visage juvénile, la délinquance juvénile), non comme substantif. Il est vrai que « éternel jeune homme » ou « éternel adolescent » sent son lieu commun...

    Que n'a-t-il également entrepris d'ouvrir une grammaire : il y aurait découvert l'utile distinction entre le passé antérieur de l'indicatif (Quand il eut voulu partir, il héla un taxi) et le conditionnel passé 2e forme (il eût voulu, variante littéraire identique au plus-que-parfait du subjonctif mise pour il aurait voulu). De l'importance d'un circonflexe à l'accent... juvénile.


    Remarque : La commission de terminologie et de néologie recommande d'employer poste de pilotage et heure de grande écoute en lieu et place, respectivement, de cockpit et de prime time (sans trait d'union).

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    On eût bien voulu crier déjà « bis ».

     


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  • La preuve de l'évidence

    « François Hollande a estimé (...) qu'il y avait "un faisceau d'évidences" indiquant que l'attaque du 21 août en Syrie était "de nature chimique". »

    (dépêche AFP servilement reprise sur nouvelobs.com, lepoint.fr, leparisien.fr, lefigaro.fr, liberation.fr, lexpress.fr, etc., le 25 août 2013)
     

    (photo Wikipédia sous licence GFDL par Jean-Marc Ayrault)

     

    FlècheCe que j'en pense

     
    Fort heureusement, le ridicule fait moins de victimes que le gaz sarin.

    Ou bien notre président n'a pas suffisamment profité de sa courte semaine de repos, ou bien il s'agit, de la part du service de communication de l'Élysée, d'une traduction paresseuse d'un document rédigé en langue anglaise ayant servi de socle commun aux déclarations respectives de MM. Obama, Cameron et Hollande. Car, de toute évidence, nous avons affaire là à l'anglicisme consistant à traduire quel que soit le contexte evidence par évidence, au détriment de preuve, témoignage, marque.

    Bien sûr, rétorqueront certains, le TLFi cite parmi les exemples illustrant l'emploi du mot faisceau au sens figuré d'« ensemble d'éléments convergents et qui forment un tout homogène » : Faisceau d'arguments, de coïncidences, de compétences, de constatations, de dons, d'évidences – quand le Dictionnaire de l'Académie se contente de : Un faisceau de preuves. Réunir un faisceau de présomptions.

    Il n'empêche : l'expression faisceau d'évidences me paraît inappropriée dans l'affaire qui nous occupe, tant évidence doit être réservé, en français, à un savoir qui s'impose immédiatement à l'esprit sans que l'on ait besoin d'aucune autre preuve pour en connaître la vérité, la réalité – ce qui, convenons-en, est loin d'être acquis en l'espèce. De son côté, le terme anglais possède une acception plus large, puisqu'il désigne à la fois la preuve (le témoignage, voire le témoin lui-même) et son résultat (la certitude née de ladite preuve) : ainsi, le téléphone portable ou les vêtements d'une victime peuvent être considérés comme evidence chez nos amis anglais, mais pas comme des évidences sur notre sol ! Aussi se gardera-t-on, quand ce ne serait pas chose... évidente, de toute confusion sémantique entre ces faux-amis.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Il y avait un faisceau de preuves (voire, si le doute persiste, un faisceau de présomptions).

     


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