• En chien(s) de faïence

    « Deux caméras sous prozac et tournant au ralenti, qui se regardent en chien de faïences » (à propos de l’émission Des mots de minuit, diffusée sur France 2).

    (Renaud Revel, sur lexpress.fr, le 27 mai 2013)

     

    FlècheCe que j'en pense


    Convenez que pour se regarder, autrement que dans un miroir, mieux vaut être au moins deux. Le pluriel s'impose donc logiquement dans l'expression se regarder en chiens de faïence... mais à chien, pas à faïence !

    Il était d'usage, autrefois, de décorer la cheminée avec une paire d'objets en poterie émaillée (représentant des chiens, en l'espèce) qui, placés en regard l'un de l'autre, donnaient l'impression de s'entendre... comme chien et chat. De là l'origine de cette locution familière, qui signifie (se regarder) « avec soupçon, hostilité » (selon le Dictionnaire historique de la langue française), « sans mot dire et sans aménité » (selon le Dictionnaire de l'Académie). Bref, une expression... figée, au propre comme au figuré.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Deux caméras qui se regardent en chiens de faïence.

     


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  • Participe dépassé


    « Là, les pouvoirs publics se sont donnés les moyens de l'application » (à propos de l'interdiction de fumer dans les lieux publics).

    (Éric Favereau, sur liberation.fr, le 28 mai 2013)

     


    FlècheCe que j'en pense


    Voilà que l'accord de notre participe passé est parti en fumée...

    À la différence de notre journaliste, vous savez comment procéder : se donner étant un verbe employé pronominalement, on remplace l'auxiliaire être par avoir. Les pouvoirs publics ont donné quoi ? les moyens de l'application, complément d'objet direct placé après le participe passé (se est ici complément d'objet second). L'invariabilité est donc de rigueur, selon la règle d'accord des verbes occasionnellement pronominaux.

    De même, on écrira correctement : ils se sont donné rendez-vous, raison, du mal, la main, le mot, la peine de réfléchir, pour principe de..., jusqu'à demain, ils s'en sont donné à cœur joie mais ils se sont donnés à leur travail, à la police, en spectacle, à fond, etc. Allez, vous avez bien droit à une petite pause cigarette pour vous changer les idées...


    Voir également le billet Accord du participe passé des verbes pronominaux.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Les pouvoirs publics se sont donné les moyens de l'application.

     


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  • A l'aulne de


    « C'est donc à l'aulne de cette histoire qu'avec Leandro Piccioni, ils ont réécrit "leur" Carmen » (à propos de l'Orchestra di Piazza Vittorio).

    (paru sur leprogres.fr, le 23 mai 2013)

     

    FlècheCe que j'en pense


    Des ouvriers d'Aulnay-sous-Bois aux lecteurs du Grand Meaulnes, qu'on se le dise : aulne ne s'écrit avec un l (muet) que pour désigner l'arbre qui croît dans les régions tempérées et humides. Dans cette acception, il s'agit d'un substantif masculin, que l'on rencontre également sous la graphie aune : « Notre barque attachée à cet aune encor vert » (Victor de Laprade, 1841).

    Au féminin, aune désigne une ancienne mesure de longueur (appliquée notamment aux tissus) qui équivalait, à Paris, à 1,18 mètre environ. Le mot est resté dans quelques locutions figurées : long, large d'une aune (« très long, très large »), savoir ce qu'en vaut l'aune (« savoir ce que vaut une chose, en avoir l'expérience »), mesurer les autres à son aune (« juger autrui par soi-même », selon l'unité de mesure que l'on avait l'habitude d'utiliser), etc.

    À la décharge de notre journaliste, reconnaissons qu'il fut un temps où le substantif féminin aune − peut-être emprunté du francique alina (« avant-bras ») − arborait son l étymologique. Rabelais n'écrivit-il pas : « Mesurant le peril à l'aulne de paour [= peur] » ? Mais ça, c'était au XVIe siècle. Cette variante orthographique n'est plus de mise aujourd'hui, l'eau ayant abondamment coulé entre les au(l)nes depuis lors...

    Remarque : Curieusement, l'extension d'emploi introduite par le tour à l'aune de (« en prenant pour élément de mesure, de comparaison ») est inconnue du Dictionnaire de l'Académie... mais pas des Immortels : « Les créations de l'esprit [...] ne sauraient se mesurer à l'aune des autres activités » (Michel Déon, 1985), « À l'aune des Anciens, tout lui paraît dérisoire, même les grands courants de son siècle » (Xavier Darcos, évoquant Mérimée, 2005), « Leur référence à eux [= les "pacifiques"], c'est Hitler, Maurras et la Deuxième Guerre mondiale. Ils jugent tout à cette aune » (Alain Finkielkraut, 2016).

     

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    Ce qu'il conviendrait de dire


    C'est donc à l'aune de cette histoire que...

     


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  • « Ils se sont confectionnés un langage à eux, arrosé par une idéologie à eux que cimente leur dogme à eux. Ils ne prêtent foi qu’aux informations qu’ils se sont eux-mêmes concoctés et que crédibilise leur propre presse » (à propos des opposants au mariage pour tous).

    (Jean-François Kahn, sur huffingtonpost.fr, le 27 mai 2013)

    (photo Wikipédia sous licence GFDL par Thesupermat)

    FlècheCe que j'en pense


    Voilà que Jean-François Kahn peine à accorder ses participes passés. Si la manipulation des verbes pronominaux n'est pas toujours chose gaie, cette constatation n'en est pas moins triste. Prêtons-lui main-forte : ils ont confectionné quoi ? un langage à eux, complément d'objet direct placé après le participe. L'invariabilité est donc de rigueur.

    Ils ont concocté quoi ? les informations, complément d'objet direct placé avant le participe. Cette fois, l'accord au féminin pluriel est de mise.

    Vive l'accord pour tous !


    Voir également le billet Accord du participe passé des verbes pronominaux.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Ils se sont confectionné un langage à eux.

    Ils ne prêtent foi qu’aux informations qu’ils se sont eux-mêmes concoctées.

     


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  • Fouler au(x) pied(s)

    « Il y a des palmarès qui foulent au pied la consécration attendue des films ovationnés durant un festival de Cannes. Le jury de Spielberg s’est rangé, lui, du côté de l’humeur générale » (à propos du film La vie d'Adèle, d’Abdellatif Kechiche).

    (Guillaume Loison, sur nouvelobs.com, le 26 mai 2013)

     

    (photo Wikipédia sous licence GFDL par karel leermans)

     
    FlècheCe que j'en pense


    Il faut bien reconnaître que l'usage du singulier ou du pluriel dans les expressions construites avec le mot pied est à ce point arbitraire qu'on en finit par ne plus savoir sur lequel danser. Si la logique plaide en faveur du pluriel chaque fois que l'on se sert littéralement de ses deux pieds, l'usage n'a pas hésité à prendre le contre-pied de cette hypothétique règle : ne dit-on pas, contre toute attente, aller à pied, passer la rivière à pied sec mais casser les pieds, faire les pieds (à quelqu'un) ? De quoi perdre pied...

    Dans l'expression fouler aux pieds, qu'elle soit prise au propre (« piétiner ») ou au figuré (« violer, bafouer »), pied prend la marque du pluriel, si l'on en croit les dictionnaires usuels. Seul le TLFi enregistre, en guise de pied de nez, les variantes fouler du pied, fouler sous les pieds... mais pas fouler au pied !

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire

     

    Il y a des palmarès qui foulent aux pieds la consécration attendue des films ovationnés durant un festival de Cannes.

     


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