• Abonder« Louis Aliot, vice-président du Front national, abonde en ce sens. »

    (Ségolène de Larquier, dans Le Point no 2109, février 2013)

     

     


    (Louis Aliot, photo Wikipédia sous licence GFDL par Belug)



    FlècheCe que j'en pense


    Sans doute n'y a-t-il pas là matière à faire des bonds, le front plissé d'agacement. D'autant que la construction du verbe abonder (hormis son emploi absolu) ne fait pas franchement l'unanimité chez nos spécialistes.

    Emprunté du latin abundare (de ab- et unda, « eau »), abonder signifiait à l'origine « affluer (comme le courant) » (d'après le Dictionnaire historique), « déborder » (selon l'Académie). On commence déjà à perdre pied...

    Dans le sens actuel de « avoir en abondance, être particulièrement riche en » – donc quand le sujet désigne l'endroit où cette abondance est constatée –, ledit verbe se construit pour nombre de nos spécialistes (Hanse, Dupré, Académie, Larousse, Robert) avec la préposition en (parfois de, même si l'Académie ne privilégie pas cette option) : La région abonde en légumes (ou de légumes, selon Bescherelle). Ce livre abonde en anecdotes.
    Notez dans cette acception l'absence d'article.

    Quand il signifie « être en grande quantité, affluer » (entendez : quand le sujet désigne cette fois ce qui est abondant), abonder se construit selon Dupré et l'Académie avec dans ou à : Le bien abonde dans cette maison. Les marchands abondent à cette foire.
    Force est de reconnaître que Littré ne se contente pas de ce choix guère foisonnant : Le poisson abonde en cette rivière. Les grands écrivains abondèrent en Grèce.

    L'emploi figuré qui nous intéresse relève de cette seconde acception : abonder dans le sens de quelqu'un, c'est « apporter des arguments qui renforcent son opinion ». Et sur ce front, tous les spécialistes consultés nous tiennent pour une fois le même discours.

    Ah bon ? semble s'étonner notre journaliste...

     

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    Ce qu'il conviendrait de dire


    Il abonde dans ce sens.

     


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  • « Côté noirceur, Tim Burton a dévolu à Helena Bonham Carter, sa dame de cœur à la ville, le rôle de la méchante Reine rouge, l'unique personnage emprunt de cruauté » (à propos du film Alice au pays des merveilles).
    (Viviane Pescheux, dans Télé 7 jours no 2753, mars 2013)

     




    FlècheCe que j'en pense


    Le Roi Girodet est pourtant catégorique : « Il n'existe pas de verbe dévoloir ». Pas plus, ajouterai-je, que de verbe dévoluer et autres créations plus ou moins fantaisistes.

    D'aucuns rétorqueront que ce n'est pas le verbe qui fait défaut, mais seulement l'infinitif ! Après tout, dévolu n'est-il pas emprunté du latin devolutus, participe passé du verbe latin devolvere, « dérouler, précipiter », d'où, au figuré, « entraîner » puis, en droit, « échoir » et « faire passer à » ? Il se trouve en fait que ledit verbe latin n'a pas donné d'équivalent en français – lequel, n'en déplaise à Girodet, aurait plutôt pris la forme de dévoudre, de même que résolu vient de résoudre.

    En conséquence, dévolu ne devrait pas être employé comme participe passé, mais comme adjectif pour qualifier ce qui est attribué, réservé : Voici le rôle qui m'est dévolu (adjectif) et non Voici le rôle qu'on m'a dévolu (emploi contesté à la façon d'un participe passé). On le rencontre également comme substantif masculin, notamment dans l'expression figurée jeter son dévolu sur (quelqu'un ou quelque chose), qui signifie « arrêter son choix sur ».

    Las ! notre critique aux doigts de fée (à moins qu'il ne s'agisse d'un prénom d'emprunt) ne s'arrête pas en si bon chemin et persiste dans son interprétation de « Viviane au pays des fantaisies langagières », chères à Lewis Carroll : car comment donner du crédit à cet emprunt (du verbe emprunter), merveilleusement confondu avec son homophone empreint (du verbe empreindre) ?

    Voilà ce qui arrive quand on perd... les empreintes du Lapin blanc à travers bois !


    Voir également le billet Empreint / Emprunt.

     

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    Ce qu'il conviendrait de dire


    Il a réservé à Helena Bonham Carter, sa dame de cœur à la ville, le rôle de la méchante Reine rouge, l'unique personnage empreint de cruauté.

     


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  • Drôle d'accent« Jérôme Garcin (Le Nouvel Observateur) et Philippe Lançon (Libération) se sont enthousiasmé l’un et l’autre pour les qualités littéraires du livre de Marcela Iacub. Ils y ont lu un grand texte. Et ils ont failli m’impressionner, car mes goûts littéraires correspondent en général à ceux de Garcin et de Lançon (...) Les intentions, et donc le texte, de Marcela Iacub sont dégoutantes. Simplement dégoutantes : sa manière répétée de détruire Dominique Strauss-Kahn qui n’a plus rien d’un "maitre du monde" (...) ; sa haine déchainée contre Anne Sinclair avec un mépris de classe délirant et jamais dissimulé » (à propos du livre Belle et Bête de Marcela Iacub).

    (Maurice Szafran, sur marianne.net, le 25 février 2013)


     
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    Curieux amalgame que voilà !

    Passons sur le participe passé du verbe pronominal s'enthousiasmer, dont on ne voit pas au nom de quel principe il ne s'accorderait pas en nombre (comme en genre) avec son sujet.

    Pour le reste, on devine que la politique orthographique en usage à Marianne se veut respectueuse des fameuses Rectifications de 1990, préconisant, entre autres réformes, la réduction du nombre de cas où l'accent circonflexe est utilisé (notamment quand celui-ci, placé sur les voyelles i et u, n'est pas justifié par la prononciation). D'où ces formes dégoutantes, maitre et déchainée, en partie décoiffées.

    Il n'empêche, la cohérence voudrait que ledit usage s'appliquât uniformément aux mots de la même famille. Pourquoi, dans le même article, maintenir le circonflexe de goût pour le refuser à l'adjectif dérivé dégoutant ?

    Vous l'aurez deviné : je ne tire pas mon chapeau à l'auteur.

     

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    Ce qu'il conviendrait de dire


    Ils se sont enthousiasmés l’un et l’autre pour les qualités littéraires du livre.

     


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  • L'un des plus« Entre 2010 et 2012, l'ONG américaine Oceana a mené l'une des plus importantes études sur les produits de la mer jamais réalisée dans le monde » (à propos de fraudes sur l'étiquetage des produits alimentaires).

    (Anne Jouan, sur lefigaro.fr, le 25 février 2013)



     
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    Allez, je me jette à l'eau depuis le plongeoir situé à dix mètres : rien ne saurait justifier à mes yeux cet accord au singulier.

    Certes, quand elle est suivie d'un nom (ou d'un pronom) pluriel, la locution un(e) des peut se satisfaire du singulier comme du pluriel, au gré du cabotage dans les eaux troubles de notre grammaire. Mais, suivie d'un adjectif, elle devrait selon moi être solidement arrimée au pluriel pour des raisons évidentes de sens : il n'est pas ici question de celle (des études importantes) qui ait jamais été réalisée, mais bien d'une étude parmi les plus importantes jamais réalisées. En d'autres termes, réalisées se rapporte au complément pluriel les plus importantes études et non à la seule étude d'Oceana.

    Sans vouloir noyer le poisson, disons en guise de conclusion que ledit accord frelaté a fait « splash »...


    Voir également le billet Un des... qui.

     

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    Ce qu'il conviendrait de dire


    L'une des plus importantes études sur les produits de la mer jamais réalisées dans le monde.

     


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  • Les boxs des équins« Changement de décor, direction le hall abritant les équins. Juchés sur les épaules de leurs parents, les jeunes enfants contemplent les chevaux de trait alignés dans des boxs » (à propos du Salon de l'agriculture).

    (Audrey Salor, sur nouvelobs.com, le 24 février 2013)

     

     

     
    FlècheCe que j'en pense


    Mazette, voilà une nouvelle incohérence de la langue française !

    Pourquoi diable les écuries Larousse et Robert refusent-elles à l'adjectif équin la forme substantivée qu'elles acceptent sans rechigner pour bovin, ovin et porcin ? Je ne m'explique pas ce désarçonnant manège.

    Puisque l'usage accepte de parler des bovins plus couramment que des Bovidés, sous-famille des Bovinés, on s'interroge sur les raisons qui poussent notre tandem à ne pas cuisiner le meilleur ami de l'homme à la même sauce accommodante.

    L'Académie, qui pour une fois se refuse à faire cavalier seul, rejoint le peloton à bride abattue en donnant à son tour comme seule définition d'équin : « relatif aux équidés ou aux chevaux » (si l'on excepte l'acception orthopédique de pied bot équin).

    Pas de quoi en faire un plat (cuisiné façon lasagnes), mais de là à ne pas enfourcher mon cheval de bataille...

    Quant au substantif masculin box (emprunté de l'anglais box, « boîte »), c'est son pluriel qui fait débat, comme c'est souvent le cas avec les termes d'origine étrangère. Si l'on s'en tient à celui des mots français en x, il devrait être invariable, comme choix, croix, voix, etc. C'est du moins ce que préconisent les Rectifications de 1990 (ainsi que Girodet), malgré la position de l'Académie qui continue de préférer le pluriel « à l'anglaise » boxes... mais prononcé à la française (comme au singulier). Il n'en reste pas moins que la suite xs est inconcevable dans l'orthographe française.

     

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    Ce qu'il conviendrait de dire


    Direction le hall abritant les équidés. Juchés sur les épaules de leurs parents, les jeunes enfants contemplent les chevaux de trait alignés dans des boxes (Académie), dans des box (orthographe rectifiée) ou dans des stalles d'écurie (pour ceux qui souhaitent éviter l'anglicisme).

     


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