• Non content de marquer le sol lunaire de ses empreintes de pas, Neil Armstrong en laissa une autrement impérissable dans la mémoire de l'humanité. L'Histoire ne dit pas si son banquier lui accorda plus de crédit pour autant...

    Aussi se gardera-t-on de confondre le nom masculin emprunt, déverbal d'emprunter (« recevoir à titre de prêt ; prendre et faire sien ; faire usage ») et empreint, participe passé d'empreindre (emprunté, justement, du latin imprimere, « appliquer sur »). On notera que empreint appartient au registre soutenu (avec le sens de « marqué, qui porte l'empreinte de ») et se construit toujours avec un complément introduit par de.

    Le visage empreint de gravité, il signa sous un nom d'emprunt la demande d'emprunt bancaire.

    Une cérémonie empreinte d'émotion (et non emprunte d'émotion) mais La lune emprunte sa lumière du soleil (du verbe emprunter, employé ici au sens de « recevoir »).

    AstuceLorsqu'il s'agit de laisser une marque, une empreinte, on écrira correctement empreint.

     

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    Remarque 1 : Ces deux mots se distinguent également par leur prononciation : emprin pour l'adjectif, emprun pour le nom.

    Remarque 2 : L'adjectif dérivé de emprunt est emprunté, qui signifie « dépourvu d'aisance, de naturel ; gauche, embarrassé ; qui n'appartient pas réellement à celui qui s'en prévaut ».

    Il avait le visage empreint de timidité, qui lui donnait un air emprunté.

    Empreint / Emprunt

    « Copé salue la réaction "emprunte de beaucoup de sagesse"
    de Borloo » (LCIWAT sur wat.tv)
    Difficile de souscrire à cet emprunt-là, messieurs les journalistes...



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  • On hésite parfois sur l'adverbe de négation qu'il convient d'employer dans une alternative. Doit-on dire : Qu'il vienne ou non, cela m'est égal ou Qu'il vienne ou pas, cela m'est égal ?

    En fait, la langue soignée recommande ou non pour faire porter la négation sur la proposition entière, la particule pas n'ayant pas par elle-même de valeur négative. Ou pas reste toutefois correct pour modifier le terme qui le précède directement (notamment un adverbe comme guère ou peu, selon Hanse) avec le sens de « pas du tout ».

    Comparez : Mange-t-il beaucoup ou non ? (= mange-t-il beaucoup ou ne mange-t-il pas beaucoup ?) et Mange-t-il peu ou pas ? (= mange-t-il un peu ou ne mange-t-il pas du tout ?).

    On dira donc de préférence, notamment dans le style soutenu :

    Qu'il le veuille ou non, il devra m'écouter.

    Selon le contexte, on fera ou non l'accord et la liaison.

    Par ailleurs, Hanse précise que seul ou non peut être placé devant l'attribut, le participe passé conjugué, le complément d'objet direct ou indirect.

    Je me demande si c'est ou non une raison valable (ou Je me demande si c'est une raison valable ou non, et non Je me demande si c'est ou pas une raison valable).

    Force est de reconnaître que ces subtilités sont rarement respectées dans l'usage.

    Ou non / Ou pas

     


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  • Voici ce que l'on pouvait lire sur l'ancien (?) site d'un conseiller municipal de Quimper :

    « La presse ironise ce matin (Le Télégramme) sur la "rocambolesque" investiture UMP. Ubuesque, c’est le terme que j’emploie pour imager cette période où beaucoup d’énergie a été dépensée. » (Billet daté du 30 novembre 2007.)

    Il ne faudrait pas croire, pour autant, que ces deux adjectifs sont synonymes.

    Le premier fait référence au personnage principal des romans-feuilletons de Ponson du Terrail (romancier français du XIXe siècle) : Rocambole, héros d'aventures extraordinaires et souvent invraisemblables. Aussi qualifie-t-on de rocambolesque une œuvre de fiction (et, par métonymie, un personnage de fiction) remplie de péripéties invraisemblables, extraordinaires.

    Une aventure, un film, une histoire, un personnage rocambolesque.

    Le second ressortit au théâtre. Ubu roi est une comédie d'Alfred Jarry (1896) mettant en scène le « père Ubu », « caricature bouffonne de la stupidité bourgeoise et de la sauvagerie humaine, (qui) accède à un pouvoir absolu et libère ses pires instincts » (Petit Larousse). Aussi est-on fondé à qualifier d'ubuesque une situation ou un personnage d'un comique absurde, grotesque et démesuré.

    L'ampleur paradoxale du cynisme ubuesque (Francis Jourdain).

    On perçoit d'emblée la différence entre ces deux adjectifs : ubuesque, qui a à voir avec grotesque et absurde, possède une valeur péjorative, absente de rocambolesque, qui lorgne du côté d'extravagant.

    Monsieur le conseiller municipal aurait donc été bien inspiré de s'en tenir au choix... télégrammesque.

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    Remarque 1
    : Remis au goût du jour en 2000 par un certain président qui fleure bon la pomme, l'adjectif abracadabrantesque (néologisme forgé à l'origine par Arthur Rimbaud) vient concurrencer rocambolesque sur le terrain de l'invraisemblance, mais avec cette touche de magie propre à tout univers abracadabrant.

    Remarque 2 : Le suffixe -esque, qui – on l'a vu – prend parfois une valeur péjorative ou comique, indique le plus souvent la manière, la ressemblance, l'origine. Nombreux sont les personnages (fictifs ou réels) à avoir légué leur trait de caractère (propre) à un nom (commun), pas toujours répertorié dans les dictionnaires : Don Juan (donjuanesque = séducteur, libertin), Gargantua et Pantagruel (gargantuesque et  pantagruélique = gigantesque, démesuré, abondant), Dante (dantesque = terrifiant, grandiose), Joseph Prudhomme (prudhommesque = qui prend un air important pour se répandre en platitudes et en banalités), Franz Kafka (kafkaïen = qui évoque l'égarement de l'individu pris dans l'absurdité d'une machine administrative), etc.

     Rocambolesque / UbuesqueRocambolesque / Ubuesque

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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  • Les homophones parti et partie peuvent nous jouer bien des tours dans certaines expressions où l'absence de déterminant favorise la confusion entre ces deux formes substantivées du participe passé de partir.

    FlècheTirer parti (de)


    Tirer parti (de)
    , c'est « tirer profit (d'une situation) », par référence au sens ancien du nom masculin parti, « part revenant à quelqu'un », d'où « avantage, utilité, profit ».

    Il a su tirer parti de cet échec.

    Remarque : Ajouter un e final à parti dans cette expression reviendrait, convenons-en, à envisager un jeu sexuel aux accents sado-masochistes... une sorte de coup bas.

    FlèchePrendre parti / à partie


    Dans prendre parti (= choisir, s'engager, prendre position), parti est à prendre – justement – au sens de « résolution, détermination que chacun adopte pour sa part » (comme dans l'expression parti pris). On se gardera de toute confusion avec prendre à partie, où partie s'entend dans son acception juridique de « partie adverse, opposée dans un procès ».

    C'est une femme qui ne prend jamais parti (= qui ne prend jamais de décision) mais Elle m'a pris à partie (prendre quelqu'un à partie = s'en prendre à quelqu'un).

    Remarque 1 : L'honnêteté m'oblige à préciser que l'expression prendre (quelqu'un) à partie s'est autrefois écrite prendre à parti, ce qui ajoute à la confusion...

    Remarque 2 : Un e final à parti et la première affirmation éloignera définitivement tout prétendant (la seconde aussi, au demeurant).

    Remarque 3 : Prendre parti pour quelqu'un, prendre le parti de quelqu'un, c'est « défendre sa cause » ; prendre son parti de, c'est « se résigner à, se faire une raison ».

    Remarque 4 : On rencontre également les locutions figées être juge et partie (« avoir à juger une affaire où l'on est impliqué »), ce n'est que partie remise (en parlant d'une affaire, d'un projet manqués mais qu'on a dessein de reprendre plus tard) et avoir partie liée avec quelqu'un (à propos d'un projet que plusieurs personnes ont en commun).

     

    FlècheFaire partie (de)


    Le nom féminin partie signifie ici « fraction d'un tout ». Faire partie (où partie reste invariable), c'est donc « être une partie d'un ensemble ».

    Il fait partie de mes amis (et non Il fait parti de mes amis).

    Elles font partie intégrante de l'association.


    Remarque
    : Retirer le e final à partie dans cette expression supposerait que l'on entrât en politique, ce qui n'aurait rien d'étonnant par les temps qui courent...

    Parti / PartieParti / Partie

     

     

     

    Il faut en prendre son parti : dans prendre à partie, partie s'écrit avec un e final !
    (article paru le 10/10/09 sur lemonde.fr)

     

     

     

     

     

     

     (Livre de Robert Elger, Rustica Éditions)

     


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  • Capelovici, Cherpillod, Dupré, Girodet, Hanse, Thomas et Larousse conseillent de qualifier d'alcoolique une boisson qui contient « naturellement » de l'alcool, par suite d'une fermentation ou d'une distillation (vin, bière, cidre, liqueur, etc.), et de réserver l'adjectif alcoolisé à un liquide qui est mêlé d'alcool, auquel on a ajouté de l'alcool : un grog, par exemple, puisqu'il s'obtient en versant une rasade de rhum ou d'eau-de-vie dans de l'eau chaude additionnée de sucre et de citron.

    Une boisson alcoolique (s'il s'agit de vin, par exemple) mais Une boisson alcoolisée (s'il s'agit d'une tisane agrémentée d'alcool, par exemple).

    Des cocktails de fruits non alcoolisés (ou sans alcool).

    Voici une liqueur forte en alcool (et non une liqueur alcoolisée).

    Force est de constater que cette distinction entre ce qui « contient de l'alcool » et ce qui est « additionné d'alcool » est de moins en moins respectée, même par l'Académie qui écrit, à l'entrée alcoolique : « Qui contient de l'alcool. Boisson, liqueur alcoolique. (On dit aussi Alcoolisé.) » De là à conclure que la vénérable institution voit trouble...

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    Remarque 1
    : La position actuelle de l'Académie nous laisse d'autant plus sur notre... soif, si j'ose dire, que c'est elle qui consacra cette distinction dans la sixième édition (1835) de son Dictionnaire : « ALCOOLISER. Terme de Chimie. Dégager l'esprit-de-vin de sa partie aqueuse ; ou Mêler de l'alcool à un autre liquide. Il est peu usité, surtout dans la première acception. » Rappelons ici que le verbe alcooliser fut, en effet, d'abord attesté au sens chimique de « transformer un alcool en esprit-de-vin » (1620). Ce n'est que deux siècles plus tard que son participe passé s'est répandu dans la langue courante comme adjectif pour qualifier un liquide auquel on a ajouté de l'alcool puis, entrant en concurrence avec alcoolique (attesté quant à lui à la fin du XVIIIe siècle) par une nouvelle extension de sens que d'aucuns considèrent comme abusive, tout liquide qui contient de l'alcool.

    Remarque 2 : On établit la même distinction entre aromatisé (« que l'on a parfumé avec des aromates ») et aromatique (« qui dégage une odeur agréable »).

    Remarque 3 : Alcoolique (alcoolo, en langage familier) sera préféré à son paronyme alcoolisé comme substantif pour désigner une personne atteinte d'alcoolisme chronique (l'emploi substantivé d'alcoolisé, bien qu'attesté dans Littré, reste rare). Et on dira simplement de celui qui a bu un verre de trop qu'il est ivre ou en état d'ébriété (ivresse autrefois qualifiée de « légère » par l'Académie) mais pas alcoolisé.

    Remarque 4 : Tous les dérivés d'alcool (vraisemblablement emprunté de l'arabe al kuhl, poudre d'antimoine) se prononcent en ne faisant sonner qu'un o, ouvert comme dans colle.

    Remarque 5 : L'alcoolémie désignant la présence d'alcool éthylique dans le sang, on évitera l'expression – pourtant courante et admise par l'Académie – taux d'alcoolémie, qui relève du pléonasme (voir également le billet Alcoolémie). L'abus de taux nuit à l'intérêt...

    Alcoolique / Alcoolisé

    Curieuse expression pour parler d'une soirée arrosée...
    À vos éthylotests !

     


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