• Il convient de distinguer les paronymes accident et incident, même si cela n'est pas toujours aisé en raison de la proximité de leur sens.

    Accident désigne un évènement fortuit et subit qui suspend ou modifie le cours des choses, d’où l’expression par accident, qui signifie « par hasard ». Le terme possède le plus souvent une connotation négative (sens de « hasard fâcheux », d'« évènement imprévu et malheureux, qui survient soudainement et entraîne des dommages matériels ou corporels ») mais on peut dire à l'occasion : un heureux accident.

    Sauf accident, il s'en sortira (= sauf imprévu).

    Il ne l'a pas fait exprès. C'était un accident (= un hasard fâcheux).

    Être victime d'un accident de la route.

    Un incident est un évènement mineur (le plus souvent fâcheux, là encore, mais pas nécessairement) qui survient dans le déroulement d'une action, dans le cours d'une entreprise, d'une affaire, et qui peut la perturber. Il peut également s'agir d'un évènement peu important en lui-même, mais qui risque d'entraîner de graves conséquences. Dans tous les cas, ce terme est beaucoup moins fort qu'accident.

    Un incident imprévu a retardé notre départ.

    La cérémonie s'est déroulée sans incident.

    Un incident diplomatique.

    On retiendra donc que, si les deux termes évoquent l'idée d'une interruption généralement fâcheuse, accident s'applique de préférence à un évènement relevant du hasard, incident à un évènement sans grande importance, secondaire. Pour autant, cette distinction n'est pas toujours possible : ainsi parle-t-on indifféremment d'un accident de parcours ou d'un incident de parcours (= fait imprévu qui perturbe passagèrement le cours normal d'une action, d'une opération, d'une carrière).

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    Remarque 1
    : L’expression l’incident est clos, qui signifie « la discussion est terminée ; la querelle, le différend n'a plus lieu d'être », a une origine juridique. En effet, en termes de droit, incident désigne une contestation soulevée au cours d’un procès, ayant pour effet d'en suspendre le déroulement.

    Remarque 2 : L'Académie ne reconnaît pas le verbe accidenter et considère comme familier et abusif l'emploi de l'adjectif accidenté au sens de « qui a été victime d'un accident, qui a subi un accident ». Si l'on peut parler, au sens propre, d'un terrain accidenté (=  qui présente des inégalités de relief) ou, au sens figuré, d'une carrière accidentée (= qui comporte des évènements multiples et divers ; mouvementée), on dira de préférence qu'un piéton a été victime d'un accident (ou plus précisément renversé, écrasé) et qu'une voiture a subi un accident (ou a été endommagée, abîmée...).

    Remarque 3 : L'Académie rappelle que le mot péripétie « est trop souvent employé à tort, par affaiblissement, pour désigner un incident mineur » (notez au passage le pléonasme...). En effet, péripétie (dérivé du grec peri, autour, et piptein, tomber) désigne un évènement imprévu qui modifie le cours d'une action, qui change le déroulement des choses. Surtout employé au pluriel, ce nom féminin, qui appartient d'abord au langage du théâtre, a vu son sens élargi aux circonstances de la vie en général. On veillera donc à réserver ce terme à tout revirement brutal de situation et à ne pas dire, avec le journal L'Expansion : « Crise majeure ou simple péripétie ? ».

    Une pièce de théâtre riche en péripéties (= en rebondissements, en coups de théâtre).

    Un tour du monde riche en péripéties (= en évènements imprévus).

     

    Accident / Incident

    Échelle internationale des évènements nucléaires (INES),
    servant à mesurer la gravité des incidents et accidents nucléaires.

     


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  • La langue classique ne reconnaissait que la locution adverbiale en aveugle, qui signifie au sens propre « comme le ferait un aveugle » :

    Il avançait en aveugle dans le brouillard.

    Une dégustation en aveugle.

    et au sens figuré « sans discernement, sans réflexion » :

    Agir en aveugle.

    La variante à l'aveugle, de même sens, était alors tenue pour familière (dixit Dominique Bouhours en 1675), de même que l'ancien adverbe aveuglette(s) (aveuglectes au XVe siècle) : « Cet homme fait toutes choses à l'aveugle », « Faire une chose aveuglettes (sans la bien considérer et sans en examiner les conséquences). Cela est du langage populaire » (Dictionnaire de Furetière, édition de 1701). Désormais qualifiée de « vieillie » (neuvième édition du Dictionnaire de l'Académie) ou de « littéraire » (Robert illustré), la locution à l'aveugle est souvent remplacée de nos jours par à l'aveuglette, probablement issu du télescopage entre les deux formes empruntées à la langue familière.

    Aller, avancer, marcher à l'aveuglette (= à tâtons, sans y voir).

    Agir à l'aveuglette (= en s'en remettant au hasard ; sans discernement, sans réflexion).

     

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    Remarque 1
     : Selon le Dictionnaire historique de la langue française, la locution en aveugle serait « sortie d'usage ». Vraiment ? Mieux vaut lire ça que d'être aveugle...

    Remarque 2 : On veillera à faire la distinction entre le substantif aveuglement (« privation du sens de la vue ; obscurcissement de la raison et du sens critique ») et l'adverbe aveuglément (« sans aucune réflexion, sans réserve » mais avec un accent aigu).

    A l'aveugle / A l'aveuglette

    (Film de Xavier Palud)

     


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  • La plante aromatique originaire d'Inde, de la même famille que le gingembre et dont les graines au goût poivré servent à parfumer les plats et les boissons, s'appelle la cardamome (avec deux m) et non la cardamone comme on l'entend souvent.

    Sous forme de graines ou en poudre, l'épice (qui porte le même nom) entre dans la composition de nombreux plats de la cuisine indienne (cari), de la cuisine asiatique, de la cuisine africaine (Ras el hanout) ainsi que de l'hypocras, du pain d'épice et de diverses préparations stimulantes voire aphrodisiaques. Elle sert également à parfumer le vin chaud, le thé ou le café.

    C'est, après le safran et la vanille, une des épices les plus chères.

    Cardamome
    (Photo wikipedia)

     


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  • Doit-on dire en Avignon ou à Avignon ?

    Le site de la municipalité de ladite ville est catégorique :

    « La formule en Avignon, si elle permet d'éviter un hiatus quelque peu dissonant, est toutefois incorrecte lorsqu'elle s'applique à la ville contenue dans ses limites communales. Son emploi dans ce cas est souvent le fait de l'ignorance ou d'un certain pédantisme basé parfois sur des nostalgies d'Ancien Régime. »

    En Avignon est, en effet, une formulation archaïque, que certains ont voulu justifier par le glorieux passé de ce territoire ayant constitué au XIVe siècle un État à part entière appartenant au Saint-Siège. S'il était justifié, à cette époque, de se rendre en Avignon (comme on se rend aujourd'hui en Provence ou en Europe), on dira de nos jours à Avignon, comme pour toute ville de France (à Albi, à Aix, à Agen...).

    De même, les beaux esprits qui disent en Arles sous le prétexte qu'Arles fut royaume au IXe siècle feraient mieux de s'abstenir... à moins d'être provençaux de cœur et de langue (en provençal, on peut demeurer en Avignoun, en Arle et en Antibo !).

     

    En résumé

    Devant un nom de ville, la préposition provençale en ne saurait se substituer par pédantisme à la préposition française à dans la langue soignée.

    Aller, demeurer à Avignon, à Arles.

     

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    Remarque 1
    : Toujours selon le site de la ville d'Avignon, « l'usage a voulu que l'on tolère de nos jours encore les expressions "en Arles" ou "en Avignon" pour désigner la région autour de la ville, le "pays" formé par les environs, sans limites administratives bien établies ».

    Remarque 2 : Selon l'Académie, pour une fois bien conciliante, « on ne saurait condamner les tournures en Arles, en Avignon, bien attestées chez les meilleurs auteurs, et qui s'expliquent à la fois comme archaïsme (l'usage de en au lieu de à devant les noms de villes, surtout commençant par une voyelle, était beaucoup plus répandu à l'époque classique) et comme régionalisme provençal. Il semble cependant que cet emploi de en soit en régression. Rien ne justifie qu'on l'applique à d’autres villes : on ne dira pas en Arras, en Amiens, etc. »

    Remarque 3 : Dans le même registre, on veillera à dire : J'habite Paris ou à Paris. Je travaille à Paris (et non sur Paris, comme on l'entend trop souvent sous prétexte de vouloir signifier bien improprement « dans la région parisienne »). À la rigueur pourra-t-on accepter l'emploi de sur après un verbe de mouvement (Il déménage sur Paris), même si la préposition à reste de meilleure langue. L'Académie est cette fois catégorique : « La préposition sur ne peut traduire qu'une idée de position, de supériorité, de domination, et ne doit en aucun cas être employée à la place de à ou de en pour introduire un complément de lieu désignant une région, une ville et, plus généralement, le lieu où l'on se rend, où l'on se trouve. »

    À ce sujet, voici ce qu'écrivait en 2002 Maurice Druon, secrétaire perpétuel honoraire de l'Académie française :

    « “Je vais descendre sur Marseille.” Vous trouvez-vous donc en hélicoptère ? [...] Cette pauvre préposition sur est harassée. On la met à toutes les sauces. Elle nous vient après plusieurs avatars du latin super, supra. On l'a chargée au fil du temps de bien des sens, propres ou figurés, matériels ou abstraits. Mais pourquoi lui impose-t-on, de surcroît, d'exprimer des indications qui ne comportent nulle notion de position, de supériorité ou de domination ? Il y a là un abus qui devient un tic. Soyons sur nos gardes pour n'y pas céder. »

    A / En (+ nom de ville)

    Le Palais des Papes à Avignon.
    (photo Wikipédia sous licence GFDL by Jean-Marc Rosier de http://www.rosier.pro)

     


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  • L'ivresse que procurent les fines bulles de champagne ne saurait justifier la confusion entre les expressions sabler le champagne et sabrer le champagne.

    Sabler un verre (de vin, de champagne), c'est « le boire d'un trait », « faire cul sec ».

    En une heure, il a sablé quatre verres de vodka.

    L'origine de cette expression a donné lieu à maintes hypothèses. Selon Littré, la tradition (aux XVIIe et XVIIIe siècles) voulait que l'on préparât la flûte en soufflant dedans pour la couvrir de buée, avant de la saupoudrer avec du sucre et de verser ensuite dans cette gaine de sable le champagne qui y moussait abondamment et réclamait alors qu'on le bût vite et d'un trait. D'autres évoquent la méthode qui consistait à plonger la bouteille dans du sable pour en conserver la fraîcheur. Plus généralement admise est l'explication fondée (justement...) sur la comparaison entre le fondeur qui coule la matière en fusion dans un moule de sable (on parle de sablage) et le buveur qui jette précipitamment le liquide dans son gosier. Même si l'on peut légitimement s'interroger sur l'intérêt qu'il y a à boire du champagne d'un trait...

    De nos jours, sabler le champagne signifie « boire du champagne à l'occasion d'une cérémonie, d'une réjouissance ou de tout évènement digne d'être fêté ».

    Le réveillon du jour de l'an est une excellente occasion de sabler le champagne.

    Est-ce sous l'attraction du paronyme sabrer que l'expression sabler le champagne a été déformée en sabrer le champagne, au début du XIXe siècle ? Cela expliquerait en tout cas pourquoi cette dernière n'est pas reconnue par l'Académie. Pour autant, rien n'empêche les plus audacieux de sabrer le champagne, à l'instar des célèbres hussards de la garde napoléonienne, dont on raconte qu'ils avaient pris pour habitude de fêter leurs victoires (nombreuses, au début) en faisant sauter le goulot des bouteilles d'un revers de lame. Geste bien plus spectaculaire, convenons-en, que le sablage du fondeur et qui perdure au sein des grandes maisons de Champagne et de certaines institutions militaires.

    En résumé

    On retiendra qu'il est tout à fait possible de sabrer le champagne (= faire sauter le goulot de la bouteille d'un coup de lame)... avant de le sabler (= le boire d'un trait). Les deux expressions ne sont donc pas interchangeables.

     

    Sabler / Sabrer le champagne

    Personnellement, je préfère le sabler !

     


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